Sur le Vieux Pont de Pavie, les gardiens du geste œuvrent .

Le Vieux pont debut des travaux . De gauche à droite  Roger Adelbrecht,  Jean-jacques Odorico , Jean Claude Lannes,  FAbien , Jean- Marc..JPG

Trois tailleurs de pierres pour l' Amour de l'Histoire.

C'est au son martelé de la taille de ses pierres, que le Vieux Pont de Pavie, porté par ses trois arches et flanqué de ses deux parapets se reflétant dans le Gers, va bientôt reprendre son rôle de passeur.

Sa fragilisation par un camion qui en heurta un des parapets l'an dernier, en avait occasionné la fermeture temporaire. Ce petit édifice qui chevauche la rivière Gers, permettant aux riverains d'aller d'une rive à l'autre, de rejoindre le lycée de Lavacant et la route de Pessan par les collines, est le seul monument de la Bastide de Pavie, en tant que bâti, qui se voit classé Monument Historique. D'où l'importance de faire de ces travaux un des moments cruciaux de l'année. Les travaux ont débuté le 3 mars, sous le contrôle des Bâtiments de France.   

Tailleur de pierres de son état, le pavien Jean-Jacques Odorico de l'entreprise " Les ouvriers de la pierre" située à Haulies, s'en voit confier la restauration. Une aventure qui devrait passionner les habitants du village car elle sera conçue dans le respect des traditions du XII° siècle date de la construction du pont. 

Le taillant, le têtu, la massette, la chasse, le gravelet, la smille, le peigne à gré, la brosse, le ciseau ... Autant d'outils magiques sont en ce moment en train de rythmer la vie du Vieux Pont sur le Gers. Des outils qui ont servit autrefois, qui sait, à tailler les pierres du  bâti de la cathédrale. C'est bien ça la magie de ce beau métier.

Tout petit déjà, à l'âge de 7ans, Jean Jacques Odorico savait qu'il marcherait dans les traces de son père lui même tailleur de pierres." 

" Moi j'ai reçu le "Don" de la matière  ".

Je ne sais pas d'où . Il y a des gens qui ont la plume, le dessin, moi c'est la matière, la pierre... Et à mon age, je veux transmettre ce savoir, il faut que je serve à ça ". 

C'est ainsi que depuis trois ans, Jean Jacques forme Fabien, lui même devenu un passionné de la pierre..  "J'ai été inspiré et formé par mon père, explique Jean Jacques, parce qu'il avait du goût !  A 7 ans, j'allais à l'école dans la classe de Germaine Galou, elle me disait:  "Mais qu’est ce que tu fais Jean Jacques ?  Et Beh, je regarde la cour... Alors va dans la cour !.... Bon après j'ai changé, je suis devenu meilleur élève grâce sans doute à mon copain Laborie qui était le plus fort...". Et le voilà parti à nous promener dans son enfance dans ce Pavie où " sur la route nationale, on comptait avec notre institutrice, les voitures qui passaient. A l'époque,il n'en passait que entre 9 et 11  ! " ...

Ces outils dont on entend encore le chant sur les pierres, ce sont les mêmes qui sculptent depuis des siècles ...

C'est avec cette mallette d'outils que le Vieux Pont sera restauré: " Si tu ne sais pas travailler avec cette base d'outils, ça veut dire que ton métier, tu ne l'as plus. C'est une histoire de geste à avoir". Fabien prend la parole et  nous rappelle que "  il y a 300 ans et plus, les tailleurs travaillaient déjà avec ce même geste, ces mêmes outils".

A ces deux personnages qui servent la pierre, il n'est pas question de leur parler d'outil mécaniques ou électriques. " Je n’aime pas " dit Jean-Jacques. C'est clair et net !

" On est les gardiens du geste". ( Oui c'est certain, et de l'histoire Gers ! ) . Il ajoute : " Il ne faut pas oublier une chose : c'est que cette tradition, ces outils, ne doivent pas se perde, parce qu 'en fait, la mécanisation nous a fait perdre beaucoup de gestes, et les gestes c'est d'une importance majeure ! Si tu n'as pas de geste dans ce métier là, par exemple avec la chasse, si tu l'inclines mal, ta pierre ne va pas vivre longtemps ! ". 

Et si l'imparfait pouvait créer aussi la beauté?

 " Pour nous, un exercice réussi, c'est lorsqu'on ne voit pas qu'on est passé .... Nous devons reproduire même les malfaçons. On doit respecter ce qui est, ce qui a été fait. Parfois on nous demande de restaurer un monument, mais il arrive que les joints d'origine soit mieux que ce que nous nous pourrions faire ! Ce qui était le cas pour une partie de la tour de Miramont d'Astarac...  Des joints du 15eme siècles encore parfaits ... Si tu es honnête avec ce que tu vois que nos ancêtres nous ont donné, tu n'y touches pas. Il faut savoir le dire et l'expliquer aux gens. Notre métier c'est ça aussi, c'est de sensibiliser les personnes.  Il faut savoir dire non parfois ... Il n'y a pas que l'argent... ".

Ce si beau Vieux Pont à été malheureusement commotionné en 2024 (Oui je dis "commotionné" car la pierre est un élément vivant au même titre qu'un arbre, qu'une fleur, elle respire, vit, change de couleur au gré de la lumière), il retrouve en ce moment sa vitalité.

Roger Adelbrecht, secrétaire général de la Mairie, de passage sur  le chantier, nous confie : " Pour nous il est important que les paviens prennent conscience que ce Vieux Pont est un morceau d'histoire, de notre patrimoine, et pas simplement un moyen de rejoindre Auch par un raccourcie. Il faut le respecter encore plus qu'on ne le faisait auparavant".

Aujourd'hui, sous le talent, le doigté, le respect de Jean-Jacques Odorico et de ses complices Fabien et Jean - Marc, ce passeur du temps sera de nouveau ouvert à la circulation au plus tard le 24 mars, le lendemain de la course "Souffle du Gers" qui pour la première fois, au cours du parcours des 10 kilomètres, passera par Pavie et empruntera le Vieux Pont. 

Jeudi les écoles de Pavie viendront rencontrer le tailleur de pierres. A suivre !

 

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