« Combien de temps donnez-vous au gouvernement Bayrou ?
S’il fait quelque chose, peu de temps. S’il ne fait rien, plus longtemps. »
( Alain MINC)
D’une manière ou d’une autre, il est probable que la France marche lentement vers l’état
d’urgence prévu par l’Article 16 de notre Constitution. Car elle ne maîtrise plus sa situation
financière. Nous dirons cependant quelles sont les chances de M. BAYROU d’y échapper.
Cette chronique de Nouvel An dessine les scénarios pour 2025.
Je l’accompagne de mes vœux de résilience, de lucidité et de bonheur à tous mes lecteurs.
1) La Loi spéciale est une simple « rustine sur un pneu crevé » :
La Loi spéciale permet à un pays qui n’a plus de Loi de Finances de poursuivre ses paiements
un certain temps et d’encaisser ses recettes à l’identique.
Elle reprend le budget primitif de 2024 mais sans indexation.
L’absence d’indexation crée un double effet « austéritaire » : sur les dépenses publiques d’une
part, à hauteur de 2% d’inflation sur 1200 milliards ( dépense publique hors retraites), soit 24
milliards de dépenses réelles en moins ; sur le barème de l’impôt sur le revenu d’autre part
avec, selon l’OFCE, 360 000 nouveaux contribuables et 17 millions de foyers dont l’impôt sur le
revenu se trouverait majoré en raison de la non- indexation découlant de la censure ( environ 3
milliards).
La « carotte » de l’indexation donne un argument au Premier ministre pour promouvoir une
véritable Loi de Finances.
En effet , l’indexation ne pouvait pas se conclure dans le cadre de la loi spéciale.
2) L’extrême difficulté à faire émerger une véritable Loi de finances de redressement financier :
Les amendements sur l’indexation ouvrent la voie car ils rendront plus difficiles le rejet de la Loi
de finances qui doit relayer la loi spéciale. Sauf si l’Assemblée parvenait à les voter dès janvier
avant le vote de la Loi.
Un « pacte de non-censure » est certes souhaitable, mais dans l’état actuel de déni collectif il
risque de devenir un pacte de non-gouvernement. Alors que le pays a besoin d’une vigoureuse
trajectoire de redressement.
En effet , la marche financière à monter est très haute puisqu’elle porte sur 60 milliards d’euros ,
soit environ deux points de PIB pour revenir à un déficit /PIB limité à 5 % ce qui est déjà trop
élevé. Et sachant qu’actuellement nous dérivons aux environs de 6,5 % sans que personne ne
puisse vraiment officialiser le chiffre exact.
Chacun a ses « lignes rouges » mais il manque la ligne rouge de l’intérêt supérieur de la France
: éviter la crise financière qui ruinerait le pays par une baisse de nos revenus de 20 à 30 %.
3) Vers la crise financière :
Nous sommes déjà entrés dans une crise financière à bas bruit.
Les spreads, écarts de taux d’intérêt long terme avec l’Allemagne, se sont envolés : alors qu’ils
étaient de 40-50 points il y a un an, ils ont touché une pointe proche de 90 points récemment
pour se stabiliser ( provisoirement) autour de 80 points.
Moodys a dégradé en catastrophe la note de la France et Fitch l’a placée en perspective
négative vers le simple A, dégradation qui constituera une rupture qualitative importante dès
2025. Avec une nouvelle envolée des taux d’intérêt.
Désormais la France emprunte à dix ans plus cher que l’Espagne , le Portugal et même que la
Grèce. Demain elle pourrait emprunter au même taux que l’Italie.
Il existe deux scénarios pour 2025 et au delà :
● le poison italien ,
● le scénario de type grec ,
Dans le scénario italien, la France s’asphyxierait progressivement sous le poids de ses charges
financières qui s’envolent avec le renouvellement ( ou « roulement » de la dette ). Elles
atteindront 60 milliards en 2025 et les prévisions pour 2027 tablent sur 80-85 milliards ( plus
que le budget de l’Éducation Nationale ).
Dans le scénario de type grec , nos titres de dette seraient significativement vendus en raison
d’une perte de crédibilité d’un pays surendetté et paralysé. Approchant alors de la cessation de
paiements, notre pays appellerait les instances européennes au secours. Il en résulterait une
intervention du Mécanisme Européen de Stabilité ( MES) et un super-plan d’austérité en
contrepartie.
4) L’Article 16 de la Constitution pour assurer la continuité de l’État et la tenue de nos engagements internationaux :
Connaissant la tendance séculaire de notre pays à l’instabilité et à la division, le général de
Gaulle a donné à la France une Constitution robuste permettant de faire face aux crises
extrêmes.
L’Article 16 proclame l’état d’urgence lorsque :
● la continuité de l’État est menacée, en l’occurrence par l’impossibilité éventuelle de
payer les fonctionnaires et les retraites ;
● le pays ne pourrait plus faire face à ses engagements internationaux ( procédure pour
déficit excessif ) ; et connaîtrait une crise financière grave.
Dans ce cas, le président de la République pourrait suspendre un Parlement impuissant pour
une durée de 3 mois renouvelable une fois. Il se saisirait alors, sous le contrôle du Conseil
constitutionnel, du pouvoir de gouverner par ordonnances. Le Parlement pourrait se réunir mais
ne légiférerait plus provisoirement.
Le président de la République pourrait donc donner, en trois mois, à un pays bloqué un budget
réduisant enfin le déficit à un rythme suffisamment soutenu pour sortir d’une crise financière ou
l’éviter. Et enclencher les réformes nécessaires ( maladie , chômage , retraites , gaspillages et
suradministration du pays) pour embrasser une trajectoire financière soutenable.
Mais le principal problème serait alors celui du maintien de l’ordre public. En effet , le décalage
cognitif est considérable avec plus de la moitié des Français qui croient encore que l’on peut
faire « la retraite à 60 ans ». Et certains partis qui appellent déjà à l’insurrection.
Certes, nous n’en sommes pas encore là et nous souhaitons à M. BAYROU de réussir là où
tous ses prédécesseurs ont échoué. Mieux que le cumul des mandats, une véritable
décentralisation ouvrirait la voie à l’autonomie des établissements publics. Des impôts de justice
sociale devront accompagner une vigoureuse réduction des dépenses.
Il faut garder en tête les réalités suivantes :
● la France va emprunter cette année 320 milliards dont les 2/3 à l’étranger ;
● selon l’OCDE, notre pays est celui qui travaille le moins au monde ;
● et dépense le plus ;
● depuis 2008, l’endettement a progressé trois fois plus vite que le PIB. C’est
insoutenable !
Et les extrêmes veulent une élection présidentielle anticipée.
Bonne chance Monsieur Bayrou !
Français , protégez votre épargne et n’abandonnez-pas la France.
Maxime Maury