« Le triomphe des démagogues est passager, les ruines sont éternelles. »
(Charles PÉGUY)
Dans le désordre de nos finances publiques sans pareil en Europe (avec une impasse
budgétaire de l’ordre de 30 % et un déficit/PIB du double des autres pays), les retraites
font figure de l’éléphant au milieu du jardin. Elles représentent en effet 400 milliards,
soit le quart de nos dépenses.
Alors que dans notre système par répartition les cotisations devraient financer les
pensions, on peut estimer qu’aujourd’hui seuls les 2/3 de la masse des retraites sont
effectivement financés
par des cotisations, le dernier tiers étant financé par des subventions de l’État et
marginalement des impôts, comme démontré par M. Jean-Pascal BEAUFRET, ancien
directeur général des impôts, qui se fonde sur le dernier rapport des comptes sociaux
de décembre 2024.
Les retraites des agents publics ne sont pas financées
Le rapport de décembre 2024 sur les comptes de la sécurité sociale analysé par M.
BEAUFRET indique que le financement des retraites du secteur public n’est bouclé que
par une subvention de l’État de 80 milliards environ ! Cette énorme subvention qui
représente cumulée l’équivalent de la moitié de notre endettement supplémentaire
depuis 2017 pallie le manque de cotisations.
Chroniques du CEPS
En effet, le secteur public tend vers un cotisant seulement pour un retraité alors que le
régime général, officiellement en déficit de 6 milliards, tend vers 1,5 cotisant pour un
retraité. Rappelons qu’à la Libération nous étions à 6 pour 1 et en 1981 à 4 pour 1.
Les subventions publiques aux retraites se détaillent dans le tableau qui suit.
Extraits du Rapport Des Comptes De La Sécurité Sociale (décembre 2024) présenté
par J-P. Beaufret :
Total subventions = 78,6 milliards d’euros
● dont employeurs publics : 49,8 Mds d’euros
● dont subventions exonération : 4,6 Mds d’euros
● subventions régimes spéciaux : 7,6 Mds d’euros
( hospitaliers et territoriaux)
● divers transferts : 16,6 Mds d’euros
Cette situation reflète un âge de départ prématuré, la faiblesse du taux d’activité des
séniors, ainsi que des exonérations de cotisations pour les agents publics.
Dans le régime général, le léger déséquilibre actuel tendrait, selon le Conseil
d’Orientation des Retraites ( COR), vers 14 milliards en 2030.
La grande imposture du débat public de 2023 a été de s’en tenir à ce seul chiffre à
défaut de consolider l’ensemble des comptes dont ceux du budget de l’État qui
contribue donc aux retraites pour 80 milliards environ.
Chacun pouvait paraître de bonne foi en l’absence d’une vision d’ensemble qui
n’intéressait pas les médias. Mais de fait le débat était manipulé et biaisé.
L’actuel Premier ministre s’était passionné pour le sujet et avait établi, comme
Commissaire au Plan, une note détaillée qui n’avait connu aucun succès.
En confiant une mission d’enquête à la Cour des comptes, M. BAYROU crée les
conditions pour que la bombe des retraites éclate enfin et désamorce ainsi le risque de
censure du gouvernement. Il place chacun devant ses responsabilités. Le COR n’est
pas en cause.
Votre chroniqueur ne fait donc que précéder l’événement , ce qui est dans la vocation
du C.E.P.S. : soutenir la vérité en avance et proposer.
Les retraites coûtent trop cher en France en raison d’un taux
d’inactivité des séniors anormalement élevé :
Le poids des pensions dans le PIB atteint 14 %, chiffre généralement supérieur à la
plupart des pays, Italie exceptée où la retraite tend vers 67 ans.
Dans une chronique récente des Échos, Gilbert CETTE, président du Conseil
d’Orientation des retraites ( COR) et par ailleurs économiste distingué, faisait remarquer
que notre taux d’activité des séniors était, entre 60 et 64 ans , inférieur de 30 points aux
niveaux observés dans les pays d’Europe du nord. Et de 15 à 20 points inférieur entre
55 et 60 ans.
Cette anomalie nous coûte selon cet économiste 140 milliards (!) en cotisations et
impôts perdus, soit plus que la totalité de notre déficit primaire des finances publiques (
avant paiement des intérêts). Nous ne travaillons pas assez; on le savait déjà par les
rapports de l’OCDE.
Les entreprises ont également leur part de responsabilité qui emploient insuffisamment
les séniors ou cherchent à s’en débarrasser.
En définitive , LA FRANCE S’ENDETTE MASSIVEMENT POUR FINANCER SON
MANQUE D’ACTIVITÉ. Et sur le dos des générations suivantes.
L’âge légal de départ en retraite est d’ailleurs substantiellement différent en France des
autres pays où il tend progressivement vers 67 ans voire plus.
Défaire le principe de l’équilibre des retraites recherché par la réforme
de 2023 nous exposerait à des sanctions de nos créanciers, mais des
adaptations sont possibles :
La réforme des retraites est une nécessité absolue sauf à accumuler une dette indigne
ou à préparer les conditions d’une dévalorisation significative des pensions ( en Grèce
elles ont baissé de 30 %). Annuler les subventions précédemment mentionnées
supposerait de faire baisser de 20 % les pensions liquidées. C’est ce qui arriverait si la
France devait un jour passer sous tutelle internationale par défaut de paiement.
La France émettra cette année 340 milliards de dette ( numéro 1 européen ) et en
plaçant notre spread 85 points au-dessus de l’Allemagne, nos créanciers nous
avertissent que nous ne pourrons plus continuer longtemps sur cette trajectoire
insoutenable. Une dégradation de la note de la France en simple A est déjà annoncée
par Fitch pour le mois de mars.
Il y a dans cette affaire de la réforme des retraites un sujet de discorde qui cache
l’essentiel : les retraites doivent être financées. Mais l’âge légal ( 64 ans en 2030)
exaspère les Français pour au moins deux raisons. Il est attentatoire à la liberté de
disposer de sa vie comme on l’entend ; les carrières longues et les métiers pénibles ne
s’y reconnaissent pas.
Depuis 2017, le dossier des retraites a été traité en dépit du bon sens. Le Chef de l’État
n’avait pas aperçu les effets collatéraux de la réforme à points qui exigeait de refondre
les carrières du secteur public ( 6 derniers mois au lieu des 25 dernières années dans
le régime général). À la faveur du Covid, il a jugé opportun d’abandonner une réforme
votée à l’arraché mais mal préparée et donc incomprise.
En 2023, on est revenu à une réforme paramétrique mais sans expliquer les donnés
fondamentales qui précèdent. Nouvelle incompréhension.
On avait pourtant, dès 2017, la solution sous les yeux : En effet, la Loi Touraine, votée
sous la présidence Hollande, permettait de déplacer chaque année et sans bruit le
curseur du nombre d’années de cotisation permettant d’équilibrer les retraites en
fonction de la démographie et de l’espérance de vie.
C’est simple , clair et non conflictuel.
Chacun part quand il veut avec une pension liquidée au prorata de ses cotisations.
Il faudra aller assez vite vers les 45 annuités et cesser de nous endetter pour financer
l’inactivité.
Maxime Maury