Fédération européenne - "Le mot « fédéral » est complètement incompris en France" - Par Maxime Maury

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« Être ou ne pas être » (Shakespeare) « La Russie n’a pas de frontières » (Poutine)

 

Puisque l’Amérique s’en va, l’Europe doit la remplacer.

Sauf à accepter notre vassalisation aux Empires. Or il n’y a pas de vassalisation heureuse dans un monde de prédateurs

Il n’y a pas en Europe de « va-t-en guerre », mais des peuples instruits par la vieille devise latine : « Si vis pacem para bellum ». Nous sommes contraints de préparer la guerre pour avoir la paix. Et de corriger fermement notre déséquilibre stratégique avec la Russie.

I) Le déséquilibre des forces avec la Russie n’est plus soutenable sans la protection américaine

Or « la Russie ne connaît pas de frontières » selon la formule de la grande Catherine que Poutine a reprise à son compte.

Sa dictature se nourrit de la militarisation d’un peuple asservi, conditionné à la guerre permanente et à la reconstitution d’une grande Russie mythique.

En France, nous consacrons la moitié de notre budget aux prestations sociales alors que la Russie en dédie 40% à la guerre !

L’effort de défense représente 2,5 % du PIB en France , en Allemagne et en Angleterre contre 6 % au moins en Russie. C’est intenable.

Une fois digérée l’Ukraine si nous l’abandonnons à la Russie, Poutine fera peser une pression sur la Finlande, les pays Baltes, la Moldavie et la Roumanie jusqu’à faire jouer un jour l’article 5 du Traité de l’Atlantique Nord. Et il sera alors trop tard pour empêcher la guerre générale.

La paix se mérite.

Les enquêtes d’opinion expriment en France une adhésion de fait aux principes d’un rééquilibrage stratégique européen.

Ainsi :

● 61 % des Français souhaitent le rétablissement du service militaire ;

● 81 % d’entre eux pensent que l’Europe ne peut plus compter sur les États-Unis et doit apprendre à se défendre seule ;

● 58 % de nos concitoyens estiment que le président de la République a abordé la menace russe sans exagération ;

● et surtout 93 % des Français souhaitent que les pays de l’U.E achètent des armes européennes.

II) Une Europe de la défense passe par la refondation de la préférence communautaire

À l’origine, la construction européenne était bien fondée sur la préférence communautaire (agriculture , charbon, acier).

Le mythe de « la concurrence libre et non faussée » nous a fait perdre de vue nos fondamentaux et a fait de l’Europe le cheval de Troie d’une mondialisation néo libérale qui se termine aujourd’hui avec la crise de l’énergie et du climat.

L’isolationnisme américain en résulte.

Dans son rapport récent, Mario Draghi proposait de reconstruire une industrie de l’armement européenne fondée sur la préférence communautaire. Les 2/3 des armes qui équipent nos

armées sont américaines et restent à la merci de décisions prises en Amérique.

Demain il faudra acter le principe suivant :

Dans le cadre d’une libre concurrence, les États donneront systématiquement la priorité aux producteurs européens.

Nous deviendrons donc plus forts, plus autonomes et cela favorisera l’interopérabilité des différentes armées de l’U.E. Il faudra tendre vers un équipement de référence unique pour

chaque arme. Et cela favorisera l’émergence d’une armée européenne.

Le plan de 800 milliards décidé par le Conseil européen n’est pas financé et, sans un changement qualitatif de la nature de l’Union, il se traduira par une accumulation

supplémentaire de dettes nationales. Alors même qu’en termes consolidés l’Union européenne est moins endettée que les États-Unis, mais que l’endettement des différents pays diverge (l’endettement de la France est quatre fois plus élevé que celui des pays d’Europe du nord et deux fois plus qu’en l’Allemagne).

La France à la dérive et l’Italie sont surendettées.

Pour sortir de l'impasse, il faut lever une dette fédérale et la rembourser par un impôt européen: une taxe carbone aux frontières qui permettra de sanctionner le nouveau président américain pour son abandon criminel de la lutte contre le réchauffement climatique et de financer les grands investissements de transition.

III) La généralisation de la préférence communautaire devrait

Devrait s'’étendre progressivement aux grands enjeux stratégiques, Il faut viser cette « Europe-puissance » sans cesse abandonnée

Premier marché du monde et première zone d’épargne au monde, l’Europe est en passe de devenir un nain économique et politique.                                                                                     Depuis 2008, l’écart avec les États-Unis s’est sans,cesse creusé en matière de croissance , d’investissement , d’innovation et de productivité.

En 2008, notre revenu européen par habitant équivalait à celui des États-Unis. Il est désormais inférieur d’1/3.

En généralisant la démarche amorcée pour l’armement, nous devrions étendre la préférence communautaire aux domaines essentiels de la souveraineté européenne :

l’intelligence artificielle , le numérique , l’énergie , l’alimentation de base et les transports. Pour devenir enfin résilients et souverains.

En effet, la mondialisation est terminée et nous en sommes devenus le maillon faible.

Il est grand temps de réagir.

IV ) Une Fédération européenne doit consolider l’euro

L’euro est un succès : 75 % des Français y sont attachés parce qu’ils ont bien compris que la monnaie unique protégeait leur niveau de vie.

Mais l’euro ne satisfait toujours pas les conditions d’une zone monétaire optimale définies par le prix Nobel Robert Mundell, primé symboliquement en 1999.

En effet, une monnaie unique n’est pas pérenne sans une Union de transfert, ou sans une Union de l’épargne et de l’investissement.

Ce point est largement ignoré alors qu’il est essentiel à la pérennité de l’euro.

En effet, dans la monnaie unique l’ajustement par la dévaluation est impossible.

Le rééquilibrage des dotations en capital au profit des parties les plus faibles de l’Union ne peut donc se faire que par des transferts.

De deux manières :

● par des supports d’épargne et d’investissement communs ; actuellement la zone euro perd son épargne au profit du reste du monde alors qu’il faut faire glisser l’épargne du

nord vers le sud de la zone pour compenser la divergence ;

● par une union de transferts permettant de lever une dette et un impôt fédéral pour financer les grands projets d’investissement tout en redistribuant du capital vers les

pays les plus faibles. Comme on le fait pour l’Italie avec le plan « Next Generation » de 2020 malheureusement inachevé.

Le premier projet est programmé pour 2027. Le second se heurte au véto de l’Allemagne qui n’a pas donné suite à la tentative de dette fédérale de 2020 ni à l’impôt-carbone correspondant.

V) Expliquer aux Français le sens incompris du principe fédéral :

Réformer l’Europe avec un Directoire et un président européen, mais redonner parallèlement leurs droits aux nations

Le mot « fédéral » est complètement incompris en France car les Français l’assimilent à un super-État à la française, bureaucratique et centralisé.

Le puissant principe de « subsidiarité » suppose exactement l’inverse : mettre en commun les domaines de souveraineté qui accroissent la souveraineté collective selon que « l’Union fait la force ».

Remettre au plus près du terrain tout le reste ( gestion du quotidien , santé , éducation , environnement , normes ).

Cela suppose de vigoureux changements institutionnels :

● Transformer la Commission européenne en simple secrétariat d’un Directoire européen ;

● constituer le Directoire sur la base du volontariat entre les principaux États de la zone euro ;

● désigner un président européen en son sein qui sera investi par le Parlement ( avec éventuellement plusieurs candidats);

● poursuivre l’U.E par des coopérations volontaires avec la Fédération qui aura vocation à s’étendre progressivement.

« Être ou ne pas être » disait Shakespeare. C’est bien pour nous la question !

Face aux Empires et à la prédation, nous voulons être nous Français et Européens ce que nous avons toujours été : les protagonistes du droit contre la force , de la démocratie, de la science et des Lumières contre l’obscurantisme et l’indécence.

Nous sommes partisans de sociétés sobres et à faibles inégalités contre les monopoles mondiaux avides d’un pouvoir illimité.

 

Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques

 Professeur affilié à Toulouse Business School ancien directeur régional de la Banque de France

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