Notation : la France surcotée ?

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Par le Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques, Professeur affilié à Toulouse Business School, Ancien directeur régional de la Banque de France. 

La note de la France auprès des agences de notation serait-elle surévaluée ?

L’examen de l’écart des pays de l’Europe du sud au benchmark allemand ( = la meilleure signature) soulève la question.

En effet, la France est à -2 grades de l’Allemagne lorsque l’Espagne et l’Italie sont respectivement à -5 et -8 grades. Écart étonnant !

Écart / Allemagne

  • Allemagne AAA
  • France AA (perspective négative)
  • Italie BBB -8 grades
  • Espagne A – 5 grades
  • Portugal BBB+ – 7 grades
  • Grèce BB+ – 10 grades

source : STANDARD POOR’S

Dans les deux prochaines années, la France et l’Italie seront confrontées à d’importants remboursements d’échéances. La France est le premier emprunteur européen, d’où l’enjeu de sa note déclassée en AA- par FITCH.

Un nouvel examen interviendra par STANDARD and POOR’S et MOODY’S en fin d’année.

I) La France sur la sellette

La France vient d’échapper de justesse à une dégradation par STANDARD and POOR’S.

A noter que deux dégradations d’agences différentes entraîneraient pour les banques l’obligation de reconstituer des réserves. Avec un effet automatique sur le coût du risque et le renchérissement des taux d’intérêt (spreads).

D’où la mobilisation du gouvernement pour éviter le AA-.

Le tableau ci-dessus montre qu’avec un écart de grade de -2 par rapport à l’Allemagne, la France reste très nettement au-dessus des autres pays du sud de la zone euro.

Est-ce vraiment justifié ?

II) Ce qui a permis de maintenir la note de la France

Depuis 2016, la France a réalisé une performance : près de 2 millions d’emplois ont été créés, le pays retrouvant son plus haut niveau d’activité depuis 1975. De bons résultats ont été également enregistrés en matière d’attractivité.

Ce sont les effets d’un ensemble de réformes cohérentes : contrat de travail, formation, apprentissage, chômage, retraites et maintenant création de France travail, toutes orientées vers plus d’activité.

En dépit de cet ensemble de mesures visant à élever notre taux d’activité vers celui de l’Allemagne, la séquence des retraites a donné une image calamiteuse de notre pays :

  • absence d’éducation économique ;
  • incapacité à négocier ;
  • violence ;
  • contestation systématique de la Constitution.

C’est la raison de la dégradation par FITCH.

Inversement , STANDARD and POOR’S a acté comme un élément de stabilité financière la réalisation de cette réforme menée aux forceps.

III) Ce qui pourrait conduire à dégrader la note

La trajectoire financière de la France n’est pas bonne puisque nous serons quasiment le dernier pays de la zone euro à revenir aux 3 % de déficit / PIB en 2027, et encore le plus déficitaire l’an prochain.

Nous sommes le seul pays dont l’endettement relatif s’accroît en tendance et diverge des autres.

L’Italie , l’Espagne , le Portugal et la Grèce ont redressé leurs trajectoires.

La France conserve un déficit primaire colossal ( -3 % du PIB) avant paiement des intérêts de la dette. L’Italie est en excédent primaire et commercial.

Finalement, nous sommes nettement plus endettés que les pays cotés AA comme le faisait remarquer Jean-Marc VITTORI dans Les Échos.

IV) Les « plus » qualitatifs de la France sont bien réels mais fragiles

En réalité , la France bénéficie d’une surcote « qualitative » liée à quatre facteurs essentiels :

  • elle n’a jamais fait défaut depuis deux siècles ;
  • elle offre un grand marché de sa dette, profond et liquide ;
  • elle est championne pour lever des impôts ;
  • sa Constitution lui donne une stabilité politique exceptionnelle.

En effet, cette Constitution a été voulue par le général de Gaulle pour donner de la stabilité à un pays fantasque. Mais sa contestation est devenue systématique : articles 49-3 et 40 comme on l’a vu récemment.

Le cœur de cette stabilité, très appréciée par nos créanciers, reste l’article 16 qui donnerait au président de la République les pleins pouvoirs en cas de « crise grave ». Ainsi si nous devions être un jour en défaut de paiement et sous tutelle européenne, le président de la République pourrait assurer la continuité du pays.

Mais notre Constitution est de plus en plus contestée. La note de la France le sera donc aussi.

Assurer la soutenabilité de la dette française exigerait de grandes réformes qui ne sont pas vraiment à l’ordre du jour. En effet, obtenir un excédent primaire des finances publiques (avant paiement des intérêts) supposerait de réduire nos dépenses de 80 milliards environ. Ou bien d’accroître nos recettes d’autant , ce qui serait facile si nous avions les mêmes taux d’activité des jeunes et des séniors que l’Allemagne.

Les Français restent mal informés sur les enjeux économiques et le pays est peu doué pour la négociation collective comme on vient de le voir avec la délétère séquence sur les retraites.

L’éducation sur le mécanisme de la dette est faible et la prudence collective l’est en conséquence tout autant.

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