Suite à la proposition d’un de nos lecteurs, le Journal du Gers a décidé de créér une chronique mensuelle style “l’humeur du jour”. En premier lieu il faut savoir que c’est un mot d’humour, chacun saura lui donner la couleur qu’il veut !
CHRONIQUE MENSUELLE
MIEUX VAUT EN SOURIRE
Déchéance de nationalité : l’essayer c’est l’adopter!
C’est une sacrée trouvaille cette idée de punir des terroristes en les privant de nationalité française. Un peu comme si c’était leur dessert. Et tout ça parce le pays (au drapeau bleu-marine, blanc et rouge) réclame un sérieux élan de sévérité. Le tout-sécuritaire fait recette dans les sondages. Alors sur fond de pré-campagne permanente, le gouvernement se devait de répondre aux attentes de la droite de la droite sans trop heurter celles de la gauche de la gauche. Allez savoir quel communicant du palais a résolu cette équation fumeuse en exhumant la dépouille de la controversée déchéance de nationalité. Et surtout quel fieffé président s’est exclamé: “Faute de mieux, c’est déjà pas si mal”.
On connait la suite, le premier ministre a transformé la perle en un bijou bien calibré, pile-poil entre l’esprit charlie et l’esprit Charlot. C’est la dure loi du marketing: pour rassem-bler le peuple, il faut châtier les terroristes à grand coups de symboles. Ou plutôt certains terroristes car ce terrible sort ne serait réservé qu’à une poignée de mercenaires sur-abrûtis, suffisamment fanatisés pour passer à l’acte sanguinaire. En gros, ceux qui ont déjà brûlé leurs passeports français en live sur internet et qui reviendront sur notre territoire en clandestins, pour s’y faire exploser, si possible bien entourés…
Bref, faute d’unité nationale, il faut admettre que cette révision constitutionnelle fait l’unanimité sur au moins un point; c’est qu’elle ne sert strictement à rien. Les premiers de la classe politique sont tous d’accord. Au mieux, revisiter la déchéance de nationalité relève du symbole. Au pire, ça relève du ridicule puisque cette mesure est inscrite en toutes lettres dans notre code civil depuis près d’un siècle.
Alors, pourquoi le premier ministre défend-il désespérément ce projet d’inutilité pu-blique? J’ai du mal à croire que c’est seulement pour occuper les news et évincer la montée du chômage. Je pense plutôt que dans sa quête non-stop d’un semblant d’union sacrée, le gouvernement a inventé le piège à mouches miopes en pondant un texte aussi ostentatoire. Une sorte de “patriot act” version Achille Zavatta, à la fois illusoire, indolore et presque risible. C’est l’attrape-majorité parlementaire ideal, surtout à la veille d’un remaniement ministériel. Tous partis confondus, on peut compter sur les actes patriotes, ou les actes de contrition, c’est selon.
Bingo! Sur les rangs clairsemés de l’Assemblée Nationale, le débat a longuement oscillé entre des “pourquoi” sans réponse et des “pourquoi pas” sans conviction. La tambouille habituelle. On a d’abord réduit le texte, pour cacher ce mot “bi-nationaux” que je ne saurais lire (tout en affirmant qu’ils seraient quand-même les seuls concernés par la déchéance de nationalité). Puis comme ça ne prenait pas, on a monté la sauce (hollandaise?) en incorporant progressivement les franco-français dans les cibles visées. Jusqu’à ébullition des plus légalistes qui ne voulaient pas créer des apatrides. Tout ça pour finalement hâcher menu ces distinctions hasardeuses d’un coup de baguette magique: “Nationaux ou bi-nationaux, personne ne sera visé puisque la commission européenne des droits de l’homme s’y oppose dans tous les cas… “.
Bref, on n’allait pas passer l’année sur un débat d’une telle vacuité. Comme il fallait s’y attendre, la loi a été adoptée et les plus réticents se sont vite consolés car le ridicule tue moins que le terrorisme. Il ne restait plus au premier ministre qu’à réveiller les journalistes pour saluer la victoire patriote du rien sur le néant et entonner le fameux refrain de l’union sacrée. On aurait dit la reine de la nuit dans le pipo enchanté. Il l’a carrément bien joué.
Prochaine étape, ça sera aux sénateurs de s’essayer au jeu piègé de l’union sacrément forcée. Combien seront-ils à capituler devant le souverain poncif de Matignon: “La fermeté bienveillante de la république”? Car c’est bien la planche savonnée sur laquelle nous entraine cette drôle de saga. La plupart de ceux qui comme moi penchent à gauche rechignent à croire que nos dirigeants, même déboussolés, amorcent un virage sécuritaire. Même si quelques frondeurs jettent la pierre (ou lancent l’alerte) en dénonçant des dérapages autoritaires, la majorité bien-pensante ne voit en cette loi qu’un coup de marketing politique et de symbolique populiste
Au bilan, la gauche “apprivoisée” est encline à adopter le texte pour en finir avec un caprice d’étât. La droite du même nom est tentée de s’y opposer pour les mêmes raisons. Et les outsiders pétris d’ambitions qui foisonnent dans les deux camps se prononcent au gré des partis pris les plus opportuns à la veille d’élections primaires programmées pour les uns ou réclamées par les autres. Le contenu du texte n’a aucune importance dans bras de fer que se livrent nos tribuns de métier. Le seul supens c’est de savoir qui l’emportera, des petits calculs ou des grosses ficelles…
Pourtant, au cours des débats, quelques esprits sains ont évoqué le danger de graver dans le marbre de nos lois fondamentales des tentations liberticides de pure circonstance. Com-ment ne pas craindre qu’elles fassent demain les choux gras d’un pouvoir à naître (puisqu’il bouge déjà dans le ventre de la nation). Le FN monte dans le même ascenseur que le communautarisme. Subtile complicité, l’un est l’autre incitent à la défiance et à l’esprit de milice citoyenne. A l’heure où les vieux démons resurgissent d’eux-mêmes, est-il bien nécessaire pour la gauche d’en rajouter dans la magie noire politicienne et les incantations scabreuses?
La suite au prochain episode: réglement de compte au Sénat! Le gouvernement rebondira-il?... On n’est pas au bout de nos surprises car François Hollande vient de remettre le couvert ministériel. Fidèle à lui-même, il a tout misé sur la fraîcheur :”Pas de menu, c’est suivant l’arrivage du jour!”.