Quand "la musique" n'était pas harmonie...

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Samedi avait lieu la fête des associations, l'occasion pour jeunes ou moins jeunes de choisir l'activité qu'ils pratiqueront pendant l'année, peut-être la musique, une activité artistique qui en principe rassemble et adoucit les moeurs !...

Ce ne fut pas toujours le cas...

Revenons sur nos pas...

Les pupitres politiques 

Il fut une période à Vic-Fezensac où selon son appartenance politique, on choisissait son pupitre.

Les Bonapartistes se regroupaient sous la bannière de la société philharmonique Sainte Cécile et les Républicains jouaient au sein de la Lyre Fezensacaise.

Avec un jour de retard, le 5 septembre 1870, Vic veut sa 3e République et une commission provisoire avec à sa tête Sylvain Meilhan à ses côtés le pharmacien Lamarque et le drapier Saucède s'installent à la mairie avec l'accord du préfet qui chasse l'adjoint Garros.

Mais aux élections d'avril et mai 1871, Bonapartistes et Républicains modérés formeront l'assemblée issue du suffrage.

Pagès puis Bazas pratiquent une politique de conciliation mais l'administration départementale les trouve beaucoup trop mous à un moment où il faut imposer la République sortie de la Constitution de 1875.

Sylvain Meilhan, Lamarque et le jeune Gabarrot, ardents républicains, sont désignés par le préfet.

On règle des comptes, on supprime la subvention à la société philharmonique fondée par Henri de Rivière et dont les musiciens sont tous bonapartistes.

Après avoir été révoqués, Meilhan et sa liste sont élus le 6 janvier 1878. Tous leurs actes seront inspirés par la politique.

Meilhan crée la Lyre Fezensacaise pour les Républicains.

Le pouvoir use, c'est connu. Meilhan est contesté mais conserve tout de même la mairie.

La liste présentée par Gabarrot devenu son opposant ne peut faire entrer que deux membres.

Les Bonapartistes groupés toujours derrière H.Clarac connaissent un cuisant échec aux élections face à Meilhan mais en 1888, ils décident de mêler leurs voix à celles des Républicains modérés pour la liste Gabarrot.

Elle est élue, ce fut d'ailleurs l'occasion d'une grande liesse dans la nuit du premier dimanche de mai, toute la ville saluant la chute du régime Meilhan.

On ne développera pas les multiples réalisations de Gabarrot mais nous retiendrons son souci de faire participer la population ou du moins de lui en donner l'illusion.

Ainsi, il s'adjoint la Lyre Fezensacaise. C'est elle qui parade le jour des fêtes publiques, qui bénéficie des largesses financières municipales.

En face, la société Sainte Cécile boude et refuse de jouer sur le kiosque, elle donne ses concerts sous les arceaux.

Ce n'est qu'après la guerre de 1914 que « la musique républicaine et l'autre » pour reprendre une expression de l'époque s'unissent pour former l'union vicoise.

Le 25 mai 1919, elle est à l'ordre du jour d'une réunion du conseil municipal pour lui accorder une subvention de 500 francs en échange de 16 concerts par an.

Les coups de règle sur les doigts et les colères du chef !

Un musicien aujourd'hui disparu avait connu l'harmonie des années 40 : « Je suis entré dans les rangs, c'est-à-dire que j'ai été accepté comme musicien de l'Harmonie en 1942, racontait-il.

J'avais déjà trois ans d'instrument et sept ans de piano. J'ai fait de multiples gammes sous la houlette d'un professeur  et j'ai reçu bon nombre de coups de règles qui me faisaient rectifier la tenue des mains sur le clavier !

Je ne suis pas devenu clarinettiste par choix mais tout simplement parce qu'on manquait d'éléments aux pupitres des clarinettes. Moi je voulais jouer de la trompette !

Les répétitions se faisaient dans une salle située dans les combles de la mairie. Les derniers musiciens touchaient aux poutres, même assis !

On n'y rigolait pas, le chef piquait des colères mémorables au cours desquelles il utilisait un vocabulaire fleuri.

Mais c'était un homme de cœur. Lorsqu'un musicien venait à mourir, nous l'accompagnions de l'église au cimetière en jouant la marche funèbre.

La veille, nous étions mobilisés pour une répétition et il lui arrivait d'être obligé de l'interrompre gagné par une trop forte émotion.

L'Harmonie se produisait surtout pour la Sainte Cécile, nous étions en période de guerre et toute manifestation au monument aux morts était interdite comme de jouer la Marseillaise."

Mais les musiciens n'hésitaient pas à sortir du cadre de l'Harmonie pour constituer des groupes humoristiques et participer à des corsos de chars par exemple.

Quand la "musique" était devenue l'Union vicoise, elle était en tête du défilé des chars pour Pentecôte ( photo Pierre Delinière)

Photo-titre : L'Union vicoise en 1946

Pierre DUPOUY

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