L'homme a une grande influence sur l'évolution du climat, le sujet est d'actualité.
Mais l'inverse est aussi une réalité : la morphologie animale et humaine évolue pour s'adapter au changement climatique.
C'est ainsi que certains scientifiques pensent que nous pourrions retrécir à cause des chaleurs extrêmes !
Revenons sur nos pas...
Au début du siècle dernier Zacharie Baqué (1880-1950) instituteur et érudit local avait déjà conduit une étude à ce sujet, tirant ses observations du poste météorologique de Vic-Fezensac tenu par son grand-père Jean Baqué pour le compte des Ponts et Chaussées et par ses successeurs les chefs cantonniers Dulau et Saint-Jeannet entre 1890 et 1910.
Dans le bulletin mensuel des syndicats agricoles de l'Armagnac « L'Armagnac agricole et viticole » en février et mai 1925, nous avons relevé certaines de ses conclusions sur l'adaptabilité de l'homme et de l'animal gascons au climat de la région.
Rappelons que le texte date de 1925...
Le climat et le type gascon
Le climat étant l'apparence pour ainsi dire du plus important des éléments qui constituent le milieu, il s'ensuit que le climat modifie lentement de façon imperceptible mais sûre la constitution physique et morale des habitants de la région même si d'autres facteurs comme l'hérédité, les mœurs, les traditions, les conditions économiques entrent en ligne de compte.
Le paysan est l'autochtone par excellence.
« Physiquement le paysan du Gers est petit, maigre, osseux, très vif, l'œil noir comme les cheveux ; les dents sont d'une blancheur remarquable ; ses fortes attaches révèlent sa force, sa ténacité, son inépuisable résistance à la fatigue. » ( Le paysan du Gers de A.Durrieux 1860)
Son teint brun bien opposé aux chaudes carnations des habitants des vallées pyrénéennes accuse l'influence de la luminosité du ciel ; sa maigreur naturelle est à rapprocher de la sveltesse bien connue des Arabes : tous deux vivent au sein d'une nature peu prodigue sous un climat peu favorable aux échanges organiques du corps avec le milieu extérieur.
La ténacité, la résistance à la fatigue sont le fruit d'une sélection naturelle qui n'a laissé vivre et se multiplier que les individus fortement trempés pour l'exécution d'un travail rude, pénible, fait selon les saisons dans des conditions bien différentes de chaleur et d'humidité.
Au point de vue de l'activité, le Gascon est lent, passablement indolent sans être paresseux ; il travaille par à-coups ; il ne boude pas à la besogne mais il lui en coûte de se mettre au travail.
Il est mou comme son climat, sujet comme lui à des extrêmes dans sa manière d'être.
Il est sans grand entrain pour les exercices du corps, fournit rarement des sujets sportifs mais le cas échéant offre à la fatigue une grande résistance : les Gascons font des recrues passablement maladroites mais sont cités pour avoir fourni le meilleur des armées napoléoniennes au temps où l'empereur gagnait les batailles avec les jambes de ses soldats.
Le Gascon aime le travail bien fait mais il n'est pas pressé ! Time is money n'est point sa devise : vienne une occasion ( visite marché cérémonie ), il laisse tout pour la distraction.
Le climat est en partie responsable de ses habitudes.
L'hiver pluvieux est l'époque du farniente ; couper des haies et curer des fossés sont le plus clair des travaux des champs. Aussi que de loisirs pour chasser le lièvre organiser des bals, ou courir les marchés !
Les loisirs ont favorisé le développement de l'intelligence et de la réflexion ; la médiocrité des ressources naturelles a tourné l'esprit vers le lucre et le profit.
Aussi le paysan est-il finaud, malin, spéculateur. Il demande au commerce un supplément de revenus à ajouter à ce que lui mesure chichement le sol qu'il cultive. Il est maquignon né et ne se plaît jamais autant qu'aux palabres des champs de foire, qu'il soit spectateur d'une comédie bien rendue ou auteur d'une plaidoirie bien faite lui permettant d'empocher un billet de plus.
Le Gascon est gai.
Le soleil radieux fait oublier la pauvreté du sol, les bourrasques violentes, les nécessités immédiates, la modestie des conditions.
Riche - d'espoir seulement - le Gascon se vante sans s'en douter parce qu'il est gai.
Sa faconde amuse parce qu'elle est naïve, sincère, point méchante, faite de satisfaction personnelle, exclusive d'envie ou de jalousie.
Le climat et les animaux en Gascogne
« L'élevage du mouton qui semblerait devoir se généraliser dans un pays de culture extensive ou les friches et les inculte ne manquent pas est à peu près inexistant.
Il est certain que l'influence du climat est déterminante.
La pluie est l'ennemi du mouton : l'eau absorbée par la laine s'évapore en causant un refroidissement mortel. Or, comme il est impossible de soustraire immédiatement un troupeau partageant aux averses violentes et subites que rien ne faisait prévoir, l'élevage du mouton donne lieu à trop de mécomptes.
Par contre celui des bovidés est en grand honneur.
C'est que la race Gascogne répandue à l'exclusion de tout autre est remarquable par une extrême rusticité. On la voit sous un soleil d'août traîner la faucheuse mécanique à une allure qui aurait vite essoufflé les animaux d'une autre race ; elle sait se contenter au cours de l'automne d'herbes folles poussées sur les éteules brûlées. Spécialement adaptée à un climat sec, elle n'a point de formes corpulentes, de viande savoureuse et de lait abondant ; le bœuf Gascon n'est qu'une bête de travail sèche et osseuse dont l'endurance est à rapprocher de celle du chameau.
Le cheval du Gers lui aussi est un produit local dont les qualités spéciales s'expliquent pour majeure partie par la climatologie. Le climat doux l'hiver, pluvieux au printemps et à l'automne, sec l'été est un des plus favorables à son élevage. Dans les maigres pacages à flanc de côteau, le poulain s'habitue aux montées rapides et acquiert un souffle incomparable.
Nous pouvons ajouter que les épizooties sont très rares et que cela ne peut provenir que de la salubrité atmosphérique, de l'endurance héréditaire d'animaux habitués au brusque changement météorologique.
Comme le bœuf gascon, la poule gasconne est une race spécialement adaptée au climat local.
Elle est rustique plus qu'aucune autre, habituée dès la naissance à vivre en liberté, supportant les averses sous l'abri précaire d'une mauvaise haie, vivant alternativement de vers de terre ou de graines dures, sachant courir dans les éteules brûlées ou traîner dans les guerets boueux des pelotes de glaise collées à ses pattes.
Aucune autre race n'a pu s'acclimater en liberté dans le Gers ; les troupeaux étrangers ont été décimés par les brusques changements de température au printemps, réduits à néant par la sécheresse précoce et persistante de l'été.
Relevé par Pierre DUPOUY