Qui a tué le Jardin Carnivore ?

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Connaissez-vous Monsieur Jean-Jacques Labat ? Saviez-vous que le Gers abritait, jusqu'à encore peu de temps, l'une des plus grandes collections de plantes carnivores au monde ? Aviez-vous déjà visité le Jardin Carnivore, à Peyrusse-Massas, lieu unique en Europe ? En aviez-vous simplement entendu parler ?  Et pourtant...

Pendant plus de 30 ans, Jean-Jacques Labat s'est battu corps et âme pour faire perdurer sa passion, les plantes carnivores ! Cela fait plus de 30 ans qu'il a créé l'unique jardin d'Europe où il a élevé pas moins de 600 espèces différentes de plantes carnivores. Ce botaniste et horticulteur hors normes s'est laissé dévoré par sa passion qui lui a tout absorbé au fil du temps, argent, vie privée, amitiés, notoriété, pour le laisser seul et anéanti sans la moindre consolation... Lui qui a connu les plateaux télévisés, la radio, les médias spécialisés, qui a écrit des livres, des articles, qui était consultant pour France Télévision et TF1, conférencier, lui qui n'a vécu et grandi que pour cette passion, aujourd'hui, il est seul ! Seul à essayer de rebondir, ou plutôt.....simplement de survivre... C'est le cœur arraché que Jean-Jacques Labat regarde ses serres se vider, seul spectateur de cette tragique fin, seul à se repasser en boucle le film de ses 30 années de vie !

Alors, pourquoi ? Que s'est il passé ? Qui a tué le Jardin Carnivore ?

Pour Jean-Jacques Labat, tout est lié à la société, à son évolution. "Nous sommes confrontés à un grave problème lié à la production du ''vivant'', dit-il. Qu'on produise du blé, du lait, des agneaux, des vaches, des plantes carnivores, des légumes, etc. Partout sur cette planète... Qu'on soit paysan français, péruvien, australien... partout, le problème est là ! Ça veut dire que personne ne veut payer le prix de la production du ''vivant''. Le coût de la production de plantes carnivores, au même titre que celui du blé ou du maïs, est tel, que j'aurais dû multiplier par 2 mon prix de vente !". L'ubérisation de la société n'a fait qu'aggraver la situation économique liée à l'activité commerciale de Jean-Jacques Labat ; en effet, par l'intermédiaire de différents blogs et réseaux sociaux, les amateurs se sont mis à vendre des plantes à prix cassés... On imagine bien que le coût de production et des charges ne sont pas les mêmes pour un amateur et pour un professionnel qui subit toutes les obligations liées à son activité ! Cette injuste inégalité n'a fait, pour Jean-Jacques Labat, que fragiliser un peu plus le Jardin Carnivore. Malheureusement, aveuglé par sa passion envahissante, c'est bien trop tard qu'il se rend compte de la situation catastrophique dans laquelle son entreprise se trouve. En 2014, Jean-Jacques Labat lance un cri d'alarme sur le Net et fait appel au financement participatif en ligne afin de récolter les fonds nécessaires au chauffage de ses serres. Malheureusement, même si son cri fut entendu, les fonds récoltés ne seront pas suffisants pour garantir une continuité pérenne à son entreprise. Sans chauffage, Jean-Jacques Labat perdra 60 % de sa production.

L'activité touristique du Jardin étant en déclin et les charges devenues trop importantes, Jean-Jacques Labat doit, contraint, se séparer de son personnel et finalement prendre la terrible décision d'arrêter son activité ; trente ans de vie s'écroulent !

Alors peut être que cette passion dévorante ne lui a pas permis de prendre le recul nécessaire quand il le fallait, peut être qu'il était tellement dans son élément qu'il n'a pas vu à temps arriver les problèmes, peut être..... mais alors.... je me pose la question du rôle à jouer des institutions dans des cas comme celui-là... Cas non isolé ! On a pu le voir, entre autres, avec le Bleu de Lectoure ou le Musée de l'art naïf de Béraut... Quel est le rôle des pouvoirs publics et associatifs ? Doit-on considérer que le seul attrait touristique du Gers se limite aux oies et à l'armagnac ? Ce serait faire outrage à notre magnifique territoire que de penser cela ! Le Gers regorge de petits trésors, encore faut-il vouloir les préserver !

 Avec le Jardin Carnivore, le Gers et la Région possédaient une pépite touristique, quelque chose de rare, d'unique ! Quel dommage de ne pas avoir donné plus d'intérêt à ce qui est, pour moi, capital dans le tourisme, l'insolite !

Aujourd'hui, Jean-Jacques Labat finit de vider ses serres le cœur sanguinolent. Il n'en veut à personne et assume chaque décision qu'il a dû prendre. Ce sont les yeux remplis de larmes qu'il remercie, encore et encore, toutes les personnes qui l'ont accompagné dans cette aventure, ses employés, les stagiaires, ami(e)s proches ou lointains et la personne qui l’accompagna dans la vie.  En parlant, il mesure comment un parcours de vie ne peut se construire sans les autres et il a du mal à en parler sans retenir toute son émotion.

Alors que le végétal trône tout en haut de la pyramide de la vie, sans végétaux il n'y a plus de vie, le producteur, lui, est très mal considéré. La défense du végétal est devenue une vraie bataille pour Jean-Jacques Labat, son souhait le plus cher serait d'arriver à une prise de conscience collective de l'intérêt vital que nous devons porter au monde végétal.

Jean-Jacques Labat est un rêveur, un passionné, un homme de conviction. L'amour qu'il porte au monde végétal, est sans limite et même si sa passion l'a dévoré et a tout anéanti autour de lui, il sera et est toujours là pour partager avec nous un peu de ses rêves, un peu de son empathie qu'il ressent envers les plantes. Aujourd'hui, il est à terre, mais il le sait très bien, tout prend naissance de cette terre ! Je suis certain qu'on vous reparlera de Jean-Jacques Labat, authentique interprète de la vie végétale, dans de nouvelles aventures.

Je terminerai en citant une maxime qu'affectionne tout particulièrement Jean-Jacques Labat: « La véritable noblesse est de marcher toute sa vie en faisant des pas qui sortent du cœur ; avec des actes qui sont en accord avec nos idées, même si le prix à payer est le prix fort », Rosa Montero.

 À très bientôt, Monsieur Jean-Jacques Labat !

Alain Martin (Crédit photo, Alain Martin)

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