Un 14 Juillet répubicain

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Un   coup  d’œil    dans  un  journal  qui,  à  l’époque,   était  fortement   républicain, mon  grand –père  le   rejetait   en  disant ;  «  Même  les  culs blancs  font  leur  14  juillet » .

On fêtait dans les  moindres  petits  villages, la prise de  la  bastille, un  moment  de  l’histoire  de  France  que  les  instituteurs  de  la 3e  république mettaient  en tête  de  chapitre  dans  le cahier d’histoire avec la nuit du 4  Août .

Pour mieux  fixer  l’événement,  l’instituteur citait un fait local. Je me souviens  de l’affaire du meunier  de  la  Mouliaque qui, un  jour, armé  d’un gourdin, monta   au château et corrigea  le châtelain. Il  l’accusait  de  l’écraser  de  taxes, et,  de plus, un de ses   ancêtres  aurait   jeté  l’ancien  meunier, son arrière  grand père , dans une  oubliette-puits  aux  murs  garnis de  lames.

La    révolution se  fêtait par   un  bal populaire  sur la place du  village   avec  distribution  de gâteaux  et de  vin blanc. Pour  le bal , on mobilisait  les  musiciens  de   la  commune. Je  me souviens   de  l’accordéoniste  qu’on sollicitait  pour  jouer  des valses. Le deuxième musicien    était  un  clarinettiste . Pour  montrer    qu’il  n’était  pas  qu’un musicien  de  bal  populaire, il annonçait  un solo, partition  d’un  artiste  de grande réputation .

On  installait ce mini orchestre sur  un podium branlant,  planches  posées sur  deux    comportes. On  mettait  en  perce  un  «  barricot »  de vin  blanc (un vrai , avec le «  brouquet »   c’est à  dire  avec     un  morceau  de  bois   qui  fermait  un trou  dans  une  face  du fut.  On  enlevait  le  brouquet  pour  tirer le vin  et le  mettre en  bouteille  pour  le  distribuer aux   participants  à la  soirée. Certains  restaient    fidèles  au  barrricot  et les  verres  faisaient  de  courts passages . Bons   républicains, ils   connaissaient  la Marseillaise,  mais  ce  soir  là  ils  en avaient   égaré   quelques  morceaux... Un  autre  verre  et  le  jour  de  gloire   était  retrouvé .

Les gâteaux  étaient  confectionnés par  le   boulanger   du village  selon  une  recette  ancestrale   qu’il   a   laissée  le   jour où il  a  éteint   son four. Nous  l’avons   retrouvée  sur  un  fond  de    boîte  de  sucre  arrachée : « faire  de   la  pâte   à   pain  y  creuser  une fontaine y   incorporer  des  œufs  et  du  sucre   en   poudre ,on  pétrit à  la main et on  étale   en  galettes . Avec une plume d’oie on  passe  sur la  pâte  un  sirop  de jaune  d’œufs de sucre  et  d’armagnac . C’est    cela  qui  donne  du goût à   la  galette, car tout cela    caramélise dans  le  four. C’était bourratif  mais   avec    un verre  de   vin blanc,  ça passait  bien.  

Un  papy qui avait  longtemps  travaillé comme   ouvrier  agricole dans la région   de l’Armagnac , précisait qu’ on   faisait pour le  14 juillet  le brûlot .Imaginez   une   grande  marmite  de cuivre  contenant   une  dizaine de    litres d’armagnac et  du  sucre,  chauffée   sur  un grand  brasier.  Très   vite  l’alcool   s’enflammait, on    remuait   bien  fort   le  liquide  et   des flammes  jaunes , bleutées   enveloppaient la  louche   à   long  manche. Le  maire  du  village  était l’ordonnateur de  la cérémonie   , c’est   lui  qui  après  avoir    goûté  décidait   d’arrêter    le brûlot .Aussi   était-il  plus ou  moins   alcoolisé .Et le Papy de tirer sur son béret et d’éclater de rire.

Quand  on   avançait  dans la soirée,on mettait  en  jeu  la   politique  et  je  me souviens, nous   dit le papy :  deux voisins  se fâchèrent,  un   l’avait  traité de  « ratapoil » (on m’a   expliqué  qu’il s’agissait de l’extrême  droite).

Excellent   conteur  il  roule   sa cigarette  de gris, sort  son briquet à  essence,  allume sa cigarette  et poursuit : « Une    année,  nous   avons eu un  problème avec  le curé et  son  conseil  paroissial . En  ce temps  là, les   mères  de  famille    accompagnaient   leur   fille  au  bal, on    disait   qu’elles les   chaperonnaient. Il  fallait  donc   tout  autour  de  la  piste de danse   mettre    des  chaises   et   des  bancs. Ces  dames  tenaient  à  voir   les   couples qui  se formaient  pour  tourner  la   valse    ou   glisser  le tango . Ce  soir  là, le  nombre   de  sièges ne   suffisait  pas. Le  carillonneur   prit  l’initiative   d’ouvrir l’église  et de  revenir  avec   des  chaises   paillées, du   fond  de la nef, pas  les prie  dieux    avec  coussin   de  velours et initiales de  la famille  en  lettres de  cuivre. Des   chaises   de   l’église  pour   le  14  juillet ! Le  brave homme faillit  perdre  son poste  de  carillonneur  

Dans  certaines    maisons,  on lui diminua la « graèro » (c’était la quantité de blé qu’on donnait au  carillonneur   pour   ses  services, elle se  quantifiait   avec  une  mesure  en  bois « le   vingtième » ;qui correspondait    au  quart du  sac   de blé de 80   kilos) .

Rallumant sa   cigarette il nous confiait :   « Quant  à  nous, les   jeunes,  nous   laissions  toute  politique  de côté  pour lutiner  les   filles  dans  un  coin sombre  de  la placette  sans  nous  occuper  si  elles  étaient  de droite  ou de   gauche . En    voyant certains couples, seules   les mères  chaperons  parlaient   de mésalliance.

Pierre  DUPOUY

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