« Nous sommes solidaires, emportés par la même planète, équipage d’un même navire. »
Antoine de Saint-Exupéry
Un accroissement permanent de notre dette nous conduit
implacablement à la faillite
La France est dans la « trappe à dette », ce qui signifie que sa dette s’accroît sans
cesse en valeur absolue et relative. Notre endettement public approche des 115 % du
PIB alors que l’Allemagne est à 62 % et la zone euro à moins de 90 %. Plusieurs pays
de l’Europe du nord dépassent à peine les 30 %. La France s’éloigne donc de ses
partenaires.
Rappelons l’équation mathématique de cette trappe à dette.
Pour être en situation de neutralité il faudrait deux conditions :
● un déficit primaire égal à zéro. Or notre déficit primaire ( avant paiement des
intérêts ) est sans égal en Europe. Il représente 4 points de PIB soit 120 milliards
d’euros. La plupart des autres pays, Italie comprise, sont en excédent ou à
l’équilibre.
● un taux d’intérêt nominal qui doit être égal au taux de croissance en valeur : or le
taux d’intérêt à 10 ans ( 3,2 %) dépasse nettement la croissance en valeur (
environ 2,3 % avec au mieux une croissance réelle de 0,8 %). Encore ce
scénario de croissance qui reprend la prévision de la Banque de France parait-il
très optimiste.
Chroniques du CEPS
Le bateau coule donc « des deux côtés de la coque » dans l’indifférence générale de la
classe politique , des médias et des citoyens. Le déni est de rigueur. Le silence est
assourdissant.
Comme la France roule sa dette en remplaçant des titres échus il y a huit ans à taux
négatifs ou nuls par de nouvelles émissions à taux nettement positifs ( 340 milliards
d’emprunts cette année ! ), les charges financières augmentent sans cesse.
Elles équivalaient l’an dernier au budget de la défense ( 48 milliards), elles
représenteront cette année presqu’autant que le budget de l’éducation ( 67 milliards),
elles pourraient atteindre 85 milliards en 2027 et asphyxier complètement l’action
publique.
Les scénarios de court-moyen terme
Mi-mars , il est très probable que l’agence de notation Fitch abaissera la note de la
France en simple A et sera suivie avant la fin de l’année par Standard and Poor. Dès
lors que deux agences sur trois abandonnent la note AA pour nous dégrader d’un cran,
on entre dans un autre monde. Un monde beaucoup plus dur.
En effet , dans le langage prudentiel on passe d’une dette « de haute qualité » à une
dette de « qualité moyenne ». C’est une rupture d’échelle significative qui contraint les
banques, par les vertus de la régulation Bâle III, à accroître significativement leurs
fonds propres de contrepartie. Et donc leurs taux d’intérêt prêteurs puisque leur
rentabilité va baisser d’autant.
En outre , certains fonds premium n’admettent pas des titres de cette qualité. Cela
rendra notre dette plus difficile à placer. Au moment même où les Banques centrales
ont complètement inversé leur politique d’achat de titres en vue de réduire la taille de
leurs bilans ( « quantitative tightening ») en la ramenant à zéro.
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Demain la France pourrait donc emprunter à des taux proches des taux italiens, alors
que nos conditions d’emprunt sont déjà plus chères que celles de la Grèce , de
l’Espagne et du Portugal.
Dans une chronique récente , l’économiste Philippe Dessertine estimait que le FMI
pourrait être à Paris l’hiver prochain pour jeter les jalons d’une tutelle sur la France.
La France devant l’effort
Alors que notre pays est celui qui travaille le moins au monde ( en heures cumulées par
habitant), l’appel à l’effort demeure politiquement incorrect.
Pourtant la vérité oblige à dire que l’effort à accomplir est immense : en effet, aux 120
milliards nécessaires pour annuler le déficit primaire s’ajoute une autre tranche de 124
milliards correspondant à des investissements d’urgence. L’effort pris dans son
ensemble représente 8 points de PIB, soit exactement l’équivalent de l’écart de
dépense publique qui nous sépare des autres pays européens.
Les charges incontournables se présentent ainsi (*) :
Annulation du déficit primaire = 120 milliards ;
Effort supplémentaire de défense = 30 milliards ;
Transition énergétique = 34 milliards ;
Compétitivité industrielle = 25 milliards ;
Enseignement , transitions professionnelles , recherche = 28 milliards ;
Infrastructures SNCF = 7 milliards
EFFORT TOTAL = 244 milliards
sources citées par Antoine Foucher dans Les Échos du 18-12-2024
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Face à cet effort , un alignement du taux d’activité des séniors sur les pays d’Europe du
nord rapporterait à lui seul 140 milliards selon l’économiste Gilbert Cette , président du
C.O.R. Notre manque à gagner est considérable si l’on y agrège le sous-emploi des
jeunes.
Vers une internalisation de la dette publique française par un emprunt
forcé ?
Actuellement les 2/3 de nos émissions de dettes sont souscrites par l’étranger alors que
dans la période antérieure c’était la BCE-Banque de France qui assurait la souscription.
Cette source s’est tarie en 2022, d’où notre vulnérabilité.
Le projet existe de réinternaliser notre dette publique. En effet, nos créanciers
considèrent notre épargne comme un collatéral de la dette.
Le niveau de l’épargne en France a augmenté durant la crise sanitaire et n’est jamais
redescendu depuis. L’épargne court terme (hors bourse) équivaut en gros au montant
de la dette dont 2000 milliards d’euros d’assurance-vie.
À gauche comme à droite , à Bercy comme dans le monde des experts, le projet
d’emprunt forcé est sous-jacent.
Il a déjà été pratiqué dans le passé.
En ciblant un niveau de revenu et de patrimoine et en recensant les avoirs en banque et
en assurance-vie ( hors fonds obligataires), on obligerait donc les Français à souscrire
des titres non négociables et rémunérés autour de 2%.
Les titres n’étant pas cessibles, les Français perdraient la liquidité d’une partie de leur
épargne. Mais la dette pourrait rouler un peu plus loin.
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Le président de la République a évoqué récemment l’idée d’un emprunt spécial pour
financer l’effort de défense.
Comment éviter cette faillite annoncée par d’autres mesures que palliatives ?
Mario Draghi apporte une partie de la réponse dans son rapport qui propose de sortir
les grands investissements de défense et de transition des critères dits « de Maastricht
» en les finançant par une dette fédérale. Mais cela ne dispense pas la France de
rééquilibrer son déficit primaire ( 120 milliards !).
Patrick Artus estimait dans une chronique récente que les augmentations d’impôts
comme les réductions de dépenses avaient des effets récessifs. Seules l’augmentation
massive de la quantité de travail et de la productivité nous permettraient de sortir de la
trappe à dette.
Faites circuler cette chronique , la vérité est un devoir civique.
Dr Maxime MAURY, officier des Palmes académiques professeur affilié à Toulouse Business
School ancien directeur régional de la Banque de France, Chroniqueur du CEPS