Petit dialogue du temps où le facteur était une source inépuisable d'informations...
" Que fais-tu Ernest avec cette masse et ce piquet ?, interroge le facteur qui vient faire sa dernière tournée.
- Je vais installer une boîte aux lettres car, tu le sais bien, le nouveau facteur ne montera plus chez moi à La Causse. Tu vois, il y a quand même un kilomètre, et bien, il faudra que je vienne tous les jours chercher mon courrier.
- Ecoute, moi je suis bien content car c'est mon dernier jour. Ce soir, quand je poserai mon sac, j'aurai fini ma vie de facteur.
- Si tu as fini ce soir, tu montes à la maison et tu viens prendre le repas avec nous car après, on ne te verra plus !"
Tous les deux remontent à la maison le facteur sur son vélo et Ernest à pied.
- On va boire le floc d'abord, celui que je fais. Porte les deux bouteilles Juliette, le blanc et le rouge, que l'on voit lequel est le meilleur !
On trinque à la retraite du facteur.
- Dis donc, ce matin, est-ce que tu as vu François ? interroge Ernest.
- Je l'ai vu oui, il est complètement désespéré. Cela fait trois jours qu'elle est partie et elle n'est pas revenue. Elle avait lancé un élevage de canards et il se retrouve avec ça sur les bras. Il est complètement dépassé. J'ai essayé de le rassurer, je lui ai dit qu'elle ne devait pas être très loin.
Juliette qui remue les braises pour faire cuire la saucisse intervient :
- Ah bon, pour dire ça, c'est que tu sais où elle est, alors ?
- Oh non, je n'en sais rien. Je m'en doutais que cette femme-là ne pouvait pas rester à la campagne.
Mais François avait hérité de son oncle qui avait une grosse boucherie et François était son seul héritier...
- Allez, on va commencer à raconter n'importe quoi. Laissons ce pauvre François tranquille, intervient Ernest.
- Tu sais qui j'ai vu ce matin ? Maurice sur un énorme tracteur avec des roues immenses !
Et tu sais combien de socs ils tirait ? Sept à la fois ! A midi, il a fini le travail !
- C'est sûr qu'il va plus vite que moi avec un seul soc.
L'autre jour, mon syndicat m'a demandé de venir aider à faire un barrage. J'y suis allé mais avec mon petit tracteur, on ne ferme pas de routes très larges !
Ca me faisait rigoler car les gens qui arrivaient contournaient le barrage. Le préfet avait fait ce qu'il fallait pour que les gens ne soient pas gênés dans leurs déplacements.
Mais j'y suis allé tout de même car tu sais que la plaine que j'ai à côté de l'Osse a été complètement inondée alors que je venais de semer mon maïs.
J'ai déclaré mon sinistre. On m'a dit que je serai indemnisé et je ne le suis toujours pas !
Dis-moi, tu as tué des palombes cette année ?
- Non figure-toi qu'ils m'ont fichu 4 km de plus sur ma tournée. Quand je rentre, il fait presque nuit. Je vais sous l'ormeau à côté de chez Gustave car elles y viennent parfois mais cette année, je n'en ai vu que deux et j'en ai tué une !
Ce n'est pas comme l'an dernier quand j'étais allé à la palombière avec les copains. Tu sais combien j'en avais tué ? 32 !!! Il y avait eu un passage terrible !
Cette année, ça ne passe pas, apparemment, c'est à cause du climat...
Pour en revenir au gros tracteur de Maurice, iI est obligé d'en avoir un gros. Tu sais que maintenant avec son frère, ils ont 300 hectares de terre parce qu'ils ont acheté une propriété du côté de Nogaro. En plus, ils ont beaucoup de terres en fermage.
- Ne m'en parle pas, tu vois, les vieux à côté qui ont 20 hectares et ne peuvent plus les cultiver, ils les ont donnés en fermage à Maurice.
Normalement la SAFER gère tout cela et moi, j'aurais dû avoir ces terres mais non, c'est Maurice qui les a eus. Cela lui fera 320 hectares de terrain !
Difficile de comprendre comment tout cela fonctionne...
- Dis-donc Juliette, ta saucisse était drôlement bonne !
- Eh oui, ce n'est plus la saucisse que j'achète à Vic parce qu'à Vic, c'est de la saucisse de boucher qui y met de tout. Quand tu la mets sur le feu, elle éclate.
Non, je vais chez un charcutier à Nogaro. Il n'est que charcutier et je suis sûre d'avoir de la vraie saucisse de porc !
- Et moi, je continue à aller à Vic le vendredi. Je retrouve mes copains les agriculteurs, on va boire une bière, on se raconte nos misères, les histoires des uns et des autres et des blagues aussi ! Ne sois pas triste Ernest, on continuera à se retrouver là-bas ! "
C'était la dernière émission de Radio Pais qui n'émettra plus sur les ondes, le reporter s'étant transformé en boîte muette....
Pierre DUPOUY