Un dimanche dans une palombière !

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Un dimanche d'automne, j'emprunte en voiture un chemin tortueux et boueux... Je me demande où je vais arriver. Je suis invité dans une palombière.

Me voici sur un plateau à l'endroit de la palombière quand j'entends crier : « Tu crois qu'avec ta voiture rouge les palombes vont se poser ? »

Je comprends et fais vite marche arrière pour aller me garer derrière les autres véhicules.

Par un petit sentier, j'arrive dans le bois.

Je crois me trouver devant une petite cabane mais c'est en fait une vraie petite maison avec une cheminée d'où s'échappe déjà une fumée... alors qu'il n'est que 7 heures du matin !

J'entre et je vois assis au fond de la salle mes amis chasseurs très affairés, l'un pèle des pommes de terre, un autre râpe des carottes, un autre rince des oignons.

« On fait la garbure !», me dit-on. « Rajoutes-y quatre morceaux de confit Léon! »

La marmite est garnie, on ajuste le feu et maintenant on va rejoindre les copains sur les branches.

On grimpe sur une échelle de quelques mètres qui ne me semble pas très solide...

On arrive sur le plateau d'envol à partir duquel les six gaillards se répartissent dans les branches.

Je reste là – je ne suis que spectateur - et je les regarde avec leur fusil en bandoulière et leur panière aller d'une branche à l'autre tels des gamins lors d'une séance d'accrobranche. « Oups, celle-là a failli craquer ! »

Celui qui a failli tomber se rattrape, pose son appeau et ajuste la ficelle depuis l'endroit d'où il va tirer.

Tout est installé. Tous sont en place. Silence, on tourne ! On attend les palombes.

On entend quelques oiseaux piailler par ci par là quand tout d'un coup, un compère lève le bras car il a vu au loin arriver un vol de palombes.

Tout le monde se prépare, on est prêt à tirer les appeaux pour faire s'agiter les palombes artificielles et attirer les vraies palombes sur les branches.

Elles arrivent, se posent sur les branches.

Silence, tout d'un coup, on entend un fracas de tir en groupe. C'est une terrible fusillade. On entend tomber sur les feuilles quelques oiseaux.

On redescend pour faire le bilan. « On va en avoir 18 » dit Marcel qui les ramasse et les met dans le carnier.

« Bon, il est moins le quart, on ne va pas remonter, on reviendra là-haut plus tard ! »

On tombe les carniers, les grosses vestes et on se met autour de la table, et quelle table, d'une épaisseur extraordinaire, sur laquelle on pourrait poser un bœuf.

Le préposé à la garbure garnit les assiettes, du chou, des patates et un bout de confit. On n'entend plus que le bruit des cuillères dans les assiettes profondes.

Trois d'entre eux versent un peu de vin dans leur assiette encore chaude et grasse et ils font chabrot.

« Nous, nous sommes les paysans qui faisons chabrot, les trois autres sont des fonctionnaires distingués, ils ne font pas chabrot » rigole l'un d'entre eux.

« Ah maintenant, on va déguster las tapas, comme ils disent dans les bistrots. »

Et voilà que surgissent les toasts recouverts d'une épaisse couche de foie gras, tellement épaisse qu'on ne voit même plus le pain !

Quel délice ! « Pas de palombière sans foie gras ! » dit un convive. « Sors-nous le Tarriquet doux de la dernière fois, » dit un autre.

Le préposé à la cuisine coiffé d'une toque de cuisinier – dérobé on ne sait où - et d'un grand tablier active la braise.

Il sort du frigidaire six côtes de bœuf, une masse de viande qui ferait pâlir un régiment de vegans ! Il étale la viande sur le grill.

« Les braises sont des braises de sarments de Tanat dont j'avais un fagot. On devrait retrouver le fumet dans le goût de la viande »

« Fais attention, pas trop cuit mais pas cru non plus ! » Le cuisinier n'écoute pas, tourne et retourne sa viande puis y plante un couteau.

Tous viennent voir : « C'est parfait ! » Chacun  reprend sa place et déguste une grosse tranche goûteuse.

Ils ont tous sorti leur couteau de chasseur pour découper la fameuse viande. « Bravo au boucher et au cuisinier ! »

Pour accompagner la viande, des frites cuites dans une friteuse achetée sur la foire. « C'est loin de valoir les frites de ma mère cuites dans la graisse d'oie ! Ton appareil, c'est bon pour les Parisiens en vacances ! » dit l'un d'eux.

François sort de son sac des bocaux de cèpes : « Voilà ce qui va bien aller avec le bœuf ! »

« Où les as-tu trouvés tous ces champigons ? »

« J'étais chez mon cousin dans les Pyrénées qui m'a conduit dans un bois.C'était la caverne d'Ali Baba ! Je suis resté deux jours chez lui et je n'ai mangé que cela ! »

Les champignons cuisent dans la poêle et ils accompagneront le bœuf, « du vrai bœuf français ! »

On entend les couteaux se refermer.

C'est le moment du dessert mais mes amis chasseurs ne sont pas très « dessert ».

En revanche, l'un d'entre eux sort de son cabas une grosse boule de fromage des Pyrénées qui vient d'un copain d'Ossau. Même si plus personne n'a faim, ils se taillent une bonne tranche « pour voir s'il a du goût ».

Puis vient le moment du café et de l'armagnac. On sort les bouteilles poussiéreuses avec des dates, il y a même un millésime de 70 ans.

On sort de table, on s'étire un peu, trois vont s'asseoir sous un chêne, d'autres sortent des lits de camp pour la sieste avant la reprise de la chasse...si toutefois reprise il y a !!!

Le week-end suivant, autre invitation, autres amis chasseurs  qui pratiquent la technique du filet.

Cette fois, on s'enfonce davantage dans le bois jusqu'à une clairière où trône en son centre une "machine avec des bras de fer".

Les chasseurs sont plus jeunes que ceux du groupe du week-end précédent.

Ils jettent au sol du blé, du maïs sur la terre puis regagnent différents points du bois. Quelques palombes descendent picorer.

Quand on estime qu'il y en a suffisamment, les bras de fer se rabattent et toutes les palombes sont captives.

Il y en a beaucoup plus que le week-end précédent !

Sur le retour, on rencontre les anciens : « Voilà, c'est à cause de vous que la ligue de protection des oiseaux s'en prend à nous en disant qu'on va faire disparaître l'espèce ! »

« Mais non, des palombes, il y en aura toujours et notre passion de la chasse, on ne nous la prendra pas! » le rassure un des jeunes.

Que ce soit avec "les vieux" ou "les jeunes chasseurs", moi qui ne suis pas chasseur, je n'oublierai pas de sitôt ces invitations à la palombière !

Et je peux en témoigner, ce sont tous des passionnés et des amoureux de la nature... et du bien-vivre ensemble !

Pierre DUPOUY 

Photo : F. Sabathe 

 

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