Philippe Pace, ophtalmologue installé à La Varangue depuis 2011, a fermé son cabinet fin décembre au grand dam de ses patients.
Même s'il quitte avec nostalgie une patientèle et un cabinet qu'il appréciait, il compte bien profiter avec son épouse de sa retraite toute neuve.
Un changement de vie radical après 25 ans de frénésie parisienne :
Philippe Pace revient pour nous sur la genèse de son installation vicoise.
« J'ai exercé 25 ans à Paris face à la Tour Montparnasse.
Mon épouse et moi-même à partir des années 2010 2011 avons eu assez de l'ambiance parisienne et avons décidé de changer de site.
Habitués des vacances gersoises, nous avons été mis en rapport avec Pepito ( Joseph Berenguer, président de La Varangue) en 2010 par un ami commum, nous nous sommes tout de suite bien entendus et Pepito m'a installé un cabinet sur mesure !
J'ai travaillé un peu plus de 11 ans de septembre 2011 à décembre 2022."
Une patientèle radicalement différente :
Philippe Pace nous dit éprouver de la la tendresse pour cette patientèle rurale qui n'a rien à voir avec la patientèle urbaine.
Tout d'abord, il s'est attaché à ces patients « sincères et authentiques » qui ne vous dérangent pas pour rien. En effet, il a tout de suite été confronté à des pathologies lourdes, diabète, glaucome, traumatismes divers alors qu'à Paris, il avait plus le sentiment d'être un prestataire de service répondant à des demandes plus de confort qu'à des besoins médicaux réels.
D'autre part, alors qu'on trouve à Paris 500 ophtalmologistes et beaucoup de centres hospitaliers qui permettent de diluer la demande, il a rencontré dans le Gers une patientèle résignée à des délais d'attente interminables. Alors que seule la ligne téléphonique était ouverte mais pas le cabinet, il avait déjà deux mois de rendez-vous pour des pathologies sérieuses.
En toute modestie, en plus du sentiment personnel d'attachement sincère à ses patients, il a eu l'impression de soulager ses confrères dans l'Ouest du département.
Le regret de ne pas avoir trouvé de successeur :
C'est la raison pour laquelle il regrette de pas être remplacé.
Comme il nous l'explique, ce n'est pas faute de ne pas avoir tout fait pour trouver celui à qui il céderait son cabinet.
Depuis janvier 2021, il a cherché un repreneur par le biais des différents canaux mais n'a trouvé personne.
Il n'a pas reçu un seul appel ! Même s'il le déplore, il n'est guère étonné.
En effet, comme il nous l'explique, dans toute la France, ville ou campagne on trouve des cabinets tout équipés à céder.
La raison est structurelle : chaque année entre 400 et 450 ophtalmos partent à la retraite et seulement entre 100 et 150 jeunes médecins arrivent sur le marché du travail : mathématiquement, seul 1 sur 3 est remplacé.
De plus, les nouveaux venus s'installent dans les grandes villes et préfèrent travailler en équipe au sein d'un même cabinet.
« L'ophtalmologue seul dans son cabinet, comme je l'ai exercé pendant 36 ans, c'est fini et c'est dommage », nous dit-il.
Certainement, toute une politique de santé à revoir...
En attendant, il n'a pas abandonné ses patients et s'est efforcé pendant toute sa dernière année d'exercice de les orienter vers des collègues gersois qui prennent encore de nouveaux patients.
Et pour ceux qui se trouvent vraiment en difficulté, il reste les métropoles comme Toulouse ou Mont de Marsan où l'offre de soins est assez importante.
Une savoureuse anecdote :
Des anecdotes, il en aurait beaucoup à raconter sur sa pratique gersoise, elles sont autant de petite histoires émouvantes qui font qu'il éprouve une vraie tendresse pour sa patientèle.
Il y a l'histoire de ce monsieur qui est resté pendant tout un week-end avec une limaille dans l'oeil, une résignation qui force le respect.
Il y a aussi l'histoire de ce très vieux monsieur de plus de 85 ans venu le voir avec sur le nez une paire de lunettes « sécurité sociale » rafistolée à grands renforts de morceaux de scotch noirci par les années. Le patient avoue ne pas avoir vu d'ophtalmologue depuis...22 ans.
Le médecin récupère les lunettes avec force précautions et s'aperçoit que les verres sont devenus véritablement opaques... Il les essuie, les nettoie longuement et les rend au patient ravi qui « retrouve la vue ». Après avoir contrôlé sa vue et prescrit de nouveaux verres un peu différents, il le laisse partir en lui conseillant de ne pas attendre 22 ans pour revenir le voir !
Un mois après, un ami de ce monsieur arrive au cabinet et lui dit : « Je viens vous voir parce que vous avez redonné la vue à mon ami ! »
L'ophtalmologue se voyait ainsi érigé au statut de demi-dieu...alors qu'il s'était contenté d'essuyer des lunettes !
Une anecdote touchante qui illustre bien ce qu'il a apprécié ici : « C'est toute la différence entre l'ophtalmo des villes qui fait une prestation et l'ophtalmo de campagne qui devient quelqu'un d'important même s'il s'agit seulement d'essuyer des lunettes ! »
Les deux aspects de la profession qui l'ont touché ici, c'est d'une part la confiance accordée par les patients et la gravité médicale des consultations de personnes qui ne se déplacent pas pour rien.
Philippe Pace adresse ses meilleurs vœux à ses patients, avant tout une bonne vue et le moins de problèmes oculaires possible !
En ce qui le concerne, il va profiter de son temps libre pour voyager avec son épouse et voir davantage ses enfants et petits-enfants disséminés aux quatre coins de la France.
Nous leur souhaitons une heureuse retraite.
Joseph Berenguer dit Pepito et Philippe Pace