En début d’année, le temps suspend son vol. Bonne année 2023 !
« L’ignorant affirme , le savant doute et le sage réfléchit. » ( Aristote)
Je vous livre les questions qui me hantent et serais désireux de connaître vos propres réponses. D’en débattre avec vous.
Pour entrevoir les chemins de l’avenir, je vous suggère un découpage temporel entre court, moyen et long terme. Pour nous interroger ensemble.
I) À court terme (2023-2024) :
- L’amorce d’une récession aux États-Unis et en zone euro va-t-elle se transformer en récession mondiale ?
- Compte tenu du niveau effrayant de la dette mondiale = 300 000 milliards de dollars, soit 3,5 années de PIB, la récession va-t-elle déclencher une crise immobilière et financière ?
- Les émissions-record de dettes en Europe seront-elles compatibles avec la fin des renouvellements de titres annoncée par la BCE ?
- Les Banques centrales résisteront-elles aux pressions et maintiendront -elles leur cap de lutte contre l’inflation ?
- Ou, sous la pression d’une crise globale et d’États impécunieux, relanceront-elles finalement la planche à billets ?
- Leurs pertes prévisibles seront-elles instrumentalisées par les États pour faire pression sur elles ?
- Les Français comprendront-ils enfin la nécessité de financer leurs retraites ? Avec un déficit de 30 milliards par an pour les seuls fonctionnaires d’État (selon la Cour des comptes ) et de 15 milliards/an pour le régime général (en moyenne annuelle d’ici à 2030 selon le COR), ne pas les financer reviendrait à les laisser s’effondrer. A l’occasion d’une crise financière par exemple. Ou d’accumuler sur le quinquennat quelques 200 milliards d’endettement supplémentaire conduisant précisément à cette crise financière.
Mes amis, je ne sais pas répondre.
Nous arrivons à une limite
Mais je vois bien que nous arrivons à une limite , un point de retournement ( « tip point ») de l’Histoire.
Dans l’hypothèse d’une grande récession avec crise financière, les États n’ont plus de réserves et les Banques centrales vont peut-être refuser de leur en fournir pour combattre l’inflation. Car la base monétaire mondiale a été multipliée par 8 en 20 ans !
II ) A moyen terme ( 2025-2027) :
- La France va-t-elle continuer sa folle course à l’endettement ? Nous allons passer prochainement le cap des 3000 milliards de dettes, soit un endettement deux fois plus rapide que dans la zone euro depuis 2019. La note sur la dette française a été placée en perspective négative par Standard and Poor. Danger !
- La Chine , l’Inde , les États-Unis qui brûlent de plus en plus de charbon tiendront-ils leurs engagements pour stabiliser la crise climatique dans le long terme ? D’où le « conflit des horizons » entre les contraintes d’aujourd’hui et les objectifs de demain.
- Serons-nous capables d’engager les formidables investissements pour réussir la transition énergétique ?
- Tout en économisant la quantité importante d’énergie qui va nous manquer à terme ?
- Et en réduisant des inégalités obscènes, de 1 à 15 entre un footballeur à la mode et un PDG du CAC 40, puis de 1 à 200 entre ce PDG et une infirmière de nuit ? Soit une différence de 1 à 3000 (!) entre le footballeur et l’infirmière de nuit…On est chez les fous.
- Les jeunes pourront-ils se loger alors que les inégalités de patrimoines sont au plus haut niveau depuis 1910 selon le Conseil d’Analyse Économique ?
- Les catastrophes climatiques (sécheresses , inondations , tempêtes ) vont-elles nous doper pour agir contre la crise climatique ou au contraire nous inhiber ?
- Sera-t-il possible d’endiguer cette crise générale de la démocratie qui menace depuis plusieurs années avec le Brexit, l’invasion du Capitole , la vague populiste, la perte du dialogue et du respect, la barbarie des langages ?
- L’Europe sera-t-elle capable de s’unir et de conserver l’euro en franchissant le cap fédéral ?
- Et la France de se décentraliser enfin pour remettre à plat ses dépenses et son management publics avec les 400 000 textes normatifs qui nous régissent ? Pour avoir des services publics plus décentralisés, moins bureaucratisés, plus participatifs et donc plus efficaces.
Franchement je ne sais pas. Je ne parierais pas. Car il me semble que les sujets de fond ne sont pas traités, la gouvernance française semble immobile.
Mais je vois l’épuisement de notre système politico-médiatique tout à ses jeux stériles et celui de nos concitoyens qui n’en saisissent plus le sens. Je vois le chaos cognitif, la perte de l’information exacte et nuancée, la perte de sens.
Je vois aussi le recul de la coopération internationale, la sale guerre. L’hubris, la démesure , l’absence de limites qui font plonger notre civilisation.
III) A long terme ( 2030)
Ma seule intuition bien documentée est que nous allons manquer d’énergie, mais cette pénurie sauvera peut-être le climat. Et nous calmera peut-être de la démesure.
- Comment le monde réagira-t-il à la fin du pétrole et à l’augmentation continue de son prix vers 2030 ?
- Comment compenserons-nous entre 2030 et 2035 l’obsolescence de nos centrales nucléaires avant la mise en œuvre des nouvelles ?
- Relancera-t-on le projet nucléaire « à neutrons rapides » qui carbure ses propres déchets ? Mais qui a été bêtement abandonné deux fois, en 1998 (Superphénix) puis en 2019 ( Astrid). Débâcle stratégique française ……
- Et comment compensera-t-on la perte d’énergie électrique liée à la baisse sans cesse croissante du débit des rivières ?
- Les renouvelables pourront-ils satisfaire une demande d’électricité qui aura augmenté de 30 % ?
Mes amis je ne sais pas.
Mais j’essaierai tout au long de 2023 de répondre à ces questions et à quelques autres.
Avec la part de doute, d’incertitude et de nuance qui découle du patient travail de la raison. Loin du stérile tumulte médiatique et des idées convenues.
Bonne année au Centre d’Étude et de Prospective Stratégique , Bonne année à vous qui lisez cette chronique !
Dr Maxime MAURY, Officier des Palmes académiques, Professeur affilié à Toulouse Business School, Ancien directeur régional de la Banque de France.