Aujourd'hui dimanche, les cloches de l'église retentissent pour annoncer la messe. C'est là une de leurs rares fonctions.
Autrefois, les cloches avaient bien d'autres rôles comme celui de protéger des orages !
Je n'ai jamais aimé les orages, sans doute une survivance des vécus d'orage de mon enfance à la campagne.
Mon grand-père regardait à l'Ouest et disait : « Qué s'encrumo de darré »
Lou darré, c'était l'Ouest où apparaissaient les premiers nuages.
Tout en disant cela, il partait rentrer le bétail dans le pré et disait à ma grand-mère de fermer portes et volets parce que « le courant d'air, ça attire la foudre ».
Elle aussi commençait à s'agiter, à rentrer oies et dindons en prévision d'une pluie diluvienne voire de la grêle.
Même si les poules se débrouillaient, elle surveillait si la glousse et ses 25 poussins étaient bien rentrés sous la grange et si la poule avait bien mis ses petits à l'abri sous ses ailes.
C'était fait ! Elle était rassurée.
Elle rentrait dans la cuisine et plaçait au centre de la table un cierge gros et haut qu'elle allumait.
C'était un cierge de la première communion d'un ancêtre religieusement conservé dans du papier de soie.
Elle plaçait autour des feuilles de laurier bénies.
On la voyait aussi discrètement – à l'abri des regards moqueurs de mon grand-père – faire le tour de la maison avec un seau et faire 4 petits tas de cendre qu'elle avait récupéré au feu de la Saint-Jean ou de la bûche de Noël selon la saison ; la cendre est supposée protéger la maison de la foudre.
Mon grand-père quant à lui ouvrait le volet et guettait le son des cloches.
C'était une tradition : toutes les églises et même les petites chapelles sonnaient les cloches lorsque l'orage grondait sur le secteur, comme l'atteste une enquête de 1840 sur le carillon du tonnerre.
Les vibrations étaient supposées dissiper les nuages porteurs de grêle et les croyants pensaient que la cloche bénie pouvait éloigner l'orage.
Mais sonner les cloches par temps d'orage n'était pas sans danger : le clocher très élevé et le plus souvent surmonté d'une croix de fer ou d'une girouette en métal pouvait attirer la foudre au contraire de l'effet escompté.
En 1781, à Lannepax, un pan du clocher s'effondra et 4 sonneurs furent grièvement blessés.
Des arrêtés d'interdiction furent pris par l'Evêché mais guère respectés tant la croyance du pouvoir des cloches sur les orages était profondément ancrée.
Le carillonneur de Cazaux d'Angles démissionna plutôt que de renoncer à sonner les cloches !
Aujourd'hui, les cloches se sont tues mais ma peur de l'orage est restée.
Heureusement, dans mon quartier, un propriétaire dont la maison avait été touchée 5 fois par la foudre fit installer un paratonnerre, ce qui me rassurait et me faisait dire : « Moi, je me moque de l'orage, il tombera chez le voisin et ma maison sera protégée ! »
Pierre DUPOUY
La cloche de la chapelle rurale de Saint-Pé réputée particulièrement efficace contre l'orage