Quand l'entretien des chemins communaux était imposé aux usagers...

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De nos jours, on voit de plus en plus d'habitants des petites  communes réaliser bénévolement de petits travaux destinés à améliorer et embellir leur cadre de vie.

Ces "prestations" étaient autrefois imposées par deux lois de 1824 et 1836 qui fixaient cette imposition en nature à trois journées de travail pour l'entretien de la voirie communale.

Héritées des corvées du Moyen-Age, ces prestations étaient non plus au service du seigneur du pays mais de la communauté.

Les mairies effectuaient la répartition des tâches.

Je me souviens de mon grand-père adjoint au maire que je voyais couper à la rivière des tiges de vergnes de 50 cm de long, les affûter à une extrémité et avec son couteau tailler un plat à l'autre.

Le maire arrivait le matin à la maison avec les données des prestations.

Avec un crayon à mine grasse, mon grand-père inscrivait sur les bouts de bois la longueur de la route à entretenir, la quantité de pierre à y déverser et le nom du propriétaire.

Il fallait aussi creuser des fossés pour l'écoulement des eaux des collines, couper les branches qui débordaient sur la route...

Ils partaient ensuite planter les piquets limitant les chantiers.

On ne fournissait pas la pierre. Il fallait aller la chercher dans les carrières.

Là les carriers avaient fait tomber des pierres du bloc de roche.

On allait chercher la pierre avec le tombereau qui permettait de verser directement le contenu sur le chemin sans avoir à soulever les blocs.

Mais il fallait tout de même charger et jeter les pierres dans le tombereau !

On accédait à ces carrières par des chemins boueux dans lesquels on s'embourbait et il fallait parfois alléger la charge  pour  se dégager.

Puis venait un deuxième travail, il fallait couper cette pierre en morceaux gros comme une balle de tennis.

On tapait  sur les grosses pierres avec un marteau pour obtenir des éclats.

Au préalable, on avait préparé un sac de blé qu'on remplissait de paille pour s'asseoir au pied du tas de pierres que l'on avait transportées.

Avant de commencer, on regardait ces pierres en se disant qu'il allait falloir en donner des coups de marteau pour obtenir les pierres adaptables au chemin !

Ce travail se faisait l'hiver quand les agriculteurs avaient moins de travail, il faisait très froid.

Le premier travail que l'on réalisait était de couper les ronces sur le bord du chemin, d'en faire un tas et de faire un bon feu de bois.

Une anecdote me revient : mon père qui était un gros fumeur avait toujours dans sa poche un paquet de cigarettes et il en fumait peut-être autant qu'il y avait de pierres !

Nous avions une pie apprivoisée Margot qui vivait avec nous. Elle nous accompagnait lors de ces tâches, profitait de ce moment pour se percher sur les arbres, se poser sur l'épaule de mon père et tout à coup, lui voler une cigarette, une cigarette qu'elle allait cacher sous le toit !

C'était le petit moment d'amusement au cours de cette dure journée.

Quand on avait réalisé des tas de pierres, on prenait la brouette et on allait les éparpiller sur la route en commençant par boucher les trous puis on aplanissait pour que le passage se fasse convenablement.

On prenait soin de confier les chemins à empierrer à ceux qui les utilisaient le plus souvent, c'était la garantie qu'ils fassent cela convenablement ! Mais ce n'était pas toujours possible.

Ceux qui avaient un chemin à faire à 4 ou 5 km de leur propriété se contentaient du strict minimum et cela donnait des chemins difficilement praticables !

Mais à la fin des prestations, le maire et mon grand-père réalisaient une visite d'inspection et prenaient des notes.

Ceux qui n'avaient pas réalisé les prestations convenablement devaient payer et avec cet argent on payait un cantonnier professionnel.

Cela engendrait des disputes dans les villages.

Le maire attendait en général que les élections soient passées pour éviter d'être sanctionné dans les urnes par certains propriétaires.

Il y avait aussi les fameux fossés à curer. Ces fossés s'étaient tout au long de l'année remplis de terre et s'étaient refermés.

Il fallait enlever la terre, la mettre dans un tombereau et la porter dans ses champs.

Je me souviens d'un propriétaire qui n'utilisait pas le chemin qu'il devait entretenir et qui demandait à mon père de lui prêter sa charrue et ses bœufs. Il se contentait de passer la petite charrue dans le fossé qui se refermait vite par la terre rejetée par le versoir.

La disparition de ces prestations fut une aubaine pour les agriculteurs car c'était un travail difficile réalisé sans matériel adapté.

Aujourd'hui, ces travaux communs réalisés par les habitants se font dans la bonne humeur car c'est du bénévolat et les conditions de travail sont plus faciles !

Pierre DUPOUY

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