Las battéros, travaux des champs mais aussi moments de partage

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Lundi 15 août se déroule la 24ème édition de la fête des battages à l’ancienne à Auterive :

https://lejournaldugers.fr/article/59468-battages-a-lancienne-cest-le-retour-lundi-15-aout

C'est l'occasion de faire remonter les souvenirs...

"Une grosse machine rouge tourne dans un champ dans un nuage de fumée et de poussière.

Elle dépique le champ de blé et un papi qui conduit ses vaches au pré me dit :

« Tu as vu ? Il est tout seul dans sa machine, tout seul depuis ce matin 5 heures jusqu’à 22 heures peut-être. Il s’arrêtera sans doute pour boire une bière qu’il tirera de son frigo. Dans ces machines, tu as le frigo et la radio !

Ah ! On est loin de la période de las battéros... »

Qu’étaient las battéros ?

C’était le jour où arrivait à la ferme la machine à battre, c’est-à-dire la machine pour dépiquer.

Les gerbes de blé ou d’avoine avaient été entassées sous forme de gerbières.

D’ailleurs pour réaliser ces gerbières, on faisait appel à un spécialiste qui savait placer les gerbes de manière à ce que le blé soit protégé de la pluie.

Le jour de la battéra était fixé.

L’entreprise arrivait avec son matériel, c’est à dire une routière, une énorme machine qui nous effrayait nous les gosses mais qu’on admirait aussi.

Elle crachait de la fumée, de la vapeur au ras des roues et elle faisait un bruit de train qui nous impressionnait.

Elle traînait un batteur, une presse et une petite remorque appelée un caifat où l’on mettait les huiles, les graisses, les vêtements et les cales pour que la machine soit de niveau.

La machine était installée au pied de la gerbière, on préparait les courroies pour activer la batteuse et la presse et on regardait si le feu brûlait bien dans la routière.

La routière était une sorte de locomotive avec des roues énormes, un gros cylindre qui constituait son ventre.

C’était une machine difficile à conduire car le mouvement du train avant se faisait par des chaînes animées par un volant.

Les voisins réquisitionnés

On avait convoqué les voisins pour le jour fixé.

Chacun se mettait à sa place, las battéros se répétant plusieurs fois au mois de juillet, chacun avait plus ou moins son poste désigné.

Il y avait celui qui était à la presse pour passer le fil de fer dans les grandes aiguilles , l’autre faisait passer les gerbes, l’autre tirait le paillon, c'est-à-dire l’écorce des grains.

Il y avait aussi ceux qui portaient les sacs de 80 kg, en général les costauds car il fallait monter les escaliers tout au long de la journée.

Pour comptabiliser les sacs récoltés, un homme s’occupait de faire un trait par sac sur une page collée à la batteuse.

Comme le paiement de l’entrepreneur était proportionnel  au nombre de  sacs,  de temps en temps, on oubliait de noter un trait !

Mais l’entrepreneur était malin, il mettait un caillou par sac et quand il voyait à la fin de la journée que les chiffres  ne correspondaient pas, il allait voir le préposé au marquage et lui demandait si son crayon était épointé !

L’autre se justifiait en disant qu’il avait oublié.

Le travail était très dur à tous les postes.

Une fois dans la matinée et une fois dans l’après-midi, le chef de l’entreprise sifflait deux ou trois coups, c’était la pause boissons.

Aussitôt, chacun quittait son poste et tous se regroupaient autour de la fermière qui avait amené deux grosse Marie-Jeanne de vin rouge ou blanc, des bouteilles de deux litres et demi qui avaient été rafraichies à la fontaine du jardin.

Quand le chef trouvait que la pause durait trop longtemps, il donnait deux coups de sifflet pour que chacun regagne son poste.

Un entrepreneur nous racontait que beaucoup de fermes étaient exploitées à moitié par le propriétaire et à moitié par un métayer, alors quand l’entrepreneur savait que le patron était une" peau de vache" pour son métayer, il ouvrait une vanne et 4 ou 5 sacs de blé ne passaient pas par le comptage !

Les fameux repas de battage

Un moment fort des batteros, c’était les repas qui avaient lieu dans la grange où l'on installait de longues tables avec des bancs.

Le menu, c’était une garbure, des tomates et des haricots à l’huile et au vinaigre, de la poule bouillie et la guinetto, l’oie blanche ou grise qui ne pouvait pas être gavée, ni vendue et que l'on faisait rôtir. C'était une viande dure peu appréciée qui est aujourd'hui un mets de choix !

On ne servait pas toujours de dessert sauf si le propriétaire avait un verger mais on n'oubliait pas le café ni l'armagnac !

L'occasion de s'amuser un peu...

Le papi poursuit : « J’étais jeune à l’époque et on s'amusait lors de ces battages.

Je me souviens de Jean-Louis qui était avare et servait l’armagnac dans des petites fioles de pharmacie, ce qui nous permettait juste de mouiller un sucre!

Un jour, on décida de lui faire une blague. Quand il apporta l’armagnac, on mit tout dans la soupière pour faire un brûlot.

Jean-Louis comprit le message et l'année suivante, il apporta l'armagnac dans des bouteilles de taille conséquente ! 

Il nous arrivait de grimper sur le toit - c'était facile chez nous car les toits descendent très près du sol à l'Ouest pour se protéger du vent - et on bouchait la cheminée avec un sac de paille.

On choisissait le moment où les cuisinières préparaient les repas au feu de bois et on s'amusait de les voir sortir en courant de la cuisine pleurant à chaudes larmes à cause de la fumée !

La solidarité jouait à plein mais il y avait toujours quelques "tire au flanc" !

Je me souviens du Gustave qui sur la gerbière ne faisait passer que quelques gerbes et était le plus souvent appuyé sur le manche de sa fourche.

Un jour, lorsqu'il descendit pour boire, on lui scia le manche jusqu'au niveau de la douille. Quand il revint, son premier travail fut de prendre appui sur sa fourche... et il piqua du nez dans la paille !

Vexé, il prit les deux morceaux de sa fourche et quitta les lieux."

Certes, les journées étaient fatigantes mais elles permettaient de se retrouver tous ensemble et de passer de bons moments dans la convivialité et le partage..."

Pierre DUPOUY

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