Les " vieux", une source solide de revenus...

67cabc7e3f79709e7914d6a508b5bec6.jpg

...le scandale des EHPAD du groupe Orpea

Sorti le 26 janvier chez Fayard, Les fossoyeurs, révélations sur le système qui maltraite nos aînés de Victor Castanet a dû être lu par les plus hautes instances de l’État si l’on en croit les décisions qui ont été prises récemment.

Trois ans d’enquête

L’ouvrage, résultat de trois ans d’investigations, révèle la maltraitance des personnes âgées dans les EHPAD du groupe Orpéa, des personnes âgées devenues une source inépuisable de revenus pour le groupe.

A qui la faute ?

A nous tous, qui n’avons pas vu ce qui se passait sous nos yeux.

Aux élus qui sont complices parfois sans le savoir d’un système qui permet de gagner de l’argent, beaucoup d’argent.

Journaliste indépendant, Victor Castanet a enquêté pendant 3 ans.

Au fur et à mesure de l’avancée de son enquête, il a été menacé par téléphone, insulté, on lui a proposé de l’argent, beaucoup d’argent pour qu’il arrête tout, jusqu’à 15 millions d’euros...

Mais Victor Castanet ne mange pas de ce pain-là, il a résisté et a publié son livre.

Il a pu le publier grâce à la directrice de chez Fayard qui lui a donné du temps et des moyens pour le réaliser.

Le livre débute par une présentation de la vie dans la résidence "Les bords de Seine", établissement privé coûteux (6 500€ à 12 000€ par mois).

Au fil des pages, on découvre que les résidents y sont rationnés en protection hygiénique, - "pas plus de trois par jour" indique une auxiliaire de vie-, limités en nombre de toilettes, quitte à macérer dans leurs excréments, restreints en nourriture aussi, enfermés dans leur chambre pour les personnes atteintes d’Alzheimer...

L’auteur raconte la terrible fin de vie de l’écrivaine Françoise Dorin, qui malgré les visites quotidiennes de son conjoint, le comédien Jean Piat, dépérit en quelques semaines seulement et décède d’une escarre massive non soignée, soigneusement cachée à sa famille.

C’est cette même patiente qui va passer une nuit entière sur de la ferraille, son matelas anti-escarre n’ayant pas gonflé et personne ne s’en étant aperçu…

Au cours de ces trois ans, Victor Castanet a pu observer mais aussi échanger avec le personnel et les résidents, recueillir de nombreux témoignages, rassembler des documents...ce qui confère toute sa  force à l'ouvrage.

« Il faut que ça crache ! »

Après les exemples de maltraitance, le livre aborde l’aspect financier.

Vous pouvez lire le livre un crayon à la main, noter au fil des pages les chiffres énoncés et faire à la fin le total des bénéfices réalisés par le groupe.

Pour réaliser ces bénéfices, il faut un système qui privilégie la rentabilité sur le bien-être… quitte à enlever une biscotte aux résidents ou leur servir de la purée à l’eau.

Mais le personnel direz-vous ?

S’il réagit, s’il veut faire preuve d’humanité, il est rappelé à l’ordre, voire renvoyé.

« Il faut que ça crache ! » dit le DGE d’Orpea, c’est-à-dire qu’un établissement doit générer des revenus importants dans les trois mois après son ouverture.

Et les contrôles obligatoires ?

On les contourne ou l’on achète ceux qui les réalisent.

"J'appelle l'assureur !"

Le groupe aurait bénéficié aussi d’ un allié de poids en la personne de Xavier Bertrand, dit « l’assureur » qui aurait aidé Orpea à se développer durant ses deux passages au Ministère de la Santé.

Au cours de réunions d'Orpea, on entendait souvent le fondateur du groupe dire  "Ok, j'appelle l'assureur !" à propos d'un dossier tendu qu'il fallait débloquer.

"L'assureur", c'était en fait Xavier Bertrand avec qui le le patron d’Orpea déjeunait régulièrement et qu'il pouvait  "sonner" à tout moment pour appuyer un financement ou une implantation d’EHPAD, pousser un dossier, lever un blocage…

C’est ainsi que le groupe a pu acquérir un monastère dans le Sud-Est pour en faire un EHPAD alors que le conseil général et la mairie s’opposaient à l’achat.

A la réunion suivante, le dossier était réglé et les travaux pouvaient commencer...

On peut se féliciter de la persévérance de Victor Castanet si l’on en croit les récentes annonces gouvernementales.

Un vaste plan de contrôle annoncé

L’ouvrage a fait l’effet d’une bombe et dans le sillage du scandale qu’a créé sa publication, le  gouvernement a annoncé mardi dernier un vaste plan de contrôle des 7500 EHPAD en deux ans pour prévenir les maltraitances.

"Il commencera par les EHPAD qui ont été signalés et sera accompagné d'un renforcement pérenne et significatif des moyens humains des agences régionales de santé (ARS) dédiés aux contrôles", a annoncé le secrétariat d'Etat à l'Autonomie dans un communiqué.

La vague de contrôles de tous les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes, privés, associatifs et publics, s'inscrit dans un panel de mesures annoncées par le gouvernement au terme d'une consultation lancée par la ministre déléguée chargée de l'Autonomie Brigitte Bourguignon, après la publication du livre-enquête de Victor Castanet.

Ces contrôles concerneront "la prévention des effets de la maltraitance", la "qualité de l'accompagnement" et s'accompagne d'"un contrôle financier accru" par la chambre régionale des comptes, selon l'entourage du ministre de la Santé Olivier Véran.

Une plateforme en ligne sera créée pour les signalements de maltraitance par les familles et les professionnels.

Le 3977, numéro national dédié à la lutte contre les maltraitances envers les personnes âgées, va bénéficier d'un million d'euros supplémentaires.

Le gouvernement a aussi annoncé la publication chaque année de dix indicateurs clés permettant aux familles d'évaluer et de comparer les EHPAD (incluant par exemple le taux d'encadrement, le budget quotidien pour les repas par personne, la présence d'une infirmière de nuit et d'un médecin coordonnateur, les partenariats avec un réseau de santé...). Il veut rendre obligatoires des enquêtes de satisfaction qui seront affichées dans chaque établissement.

Il reste à espérer que ces enquêtes seront réalisées par des personnes honnêtes et supervisées par des hommes d’État non corrompus...

Mais tous les EHPAD ne se ressemblent pas, bien heureusement...

Quand on lit ce livre et qu’on soi-même patient d’un EHPAD public, on savoure sa chance de séjourner dans un cadre agréable entouré d’ un personnel compétent, dévoué et à l’écoute.

Je ne pense pas que l’on servait dans les EHPAD du groupe Orpea dont parle Victor Castanet de petits dejeuners campagnards avec jambon, pâté, œufs frits et fromage, des petits-déjeuners comme ceux que prépare  Charlotte !

Grâce à ces moments privilégiés, les résidents de l’EHPAD rural dont il est question ici se régalent mais retrouvent aussi des souvenirs de leur vie à la campagne.

Ces établissements-là méritent de recevoir la note maximale...

Pierre Dupouy

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles