Récemment a eu lieu le retour des lions sculptés qui accompagnent la statue de l’intendant d’Etigny au début des allées d’Etigny. C’est l’achèvement de l’important programme de restauration mené par les municipalités d’Auch depuis une dizaine d’années.
L’origine de la promenade, futures « allées d’Etigny ».
A l’ouest de la ville, le long de la route de Vic, une « promenade » existait depuis l’époque de Louis XIV. En 1690, une délibération municipale révèle qu’elle avait fait l’objet d’un aménagement paysager sans doute insuffisant car le texte précise : … il faut procurer un moien de planter et entretenir des ourmeaux afin de conserver la beauté de la promenade …. Les portiers de ville devront y veiller. La grande affaire de la ville est l’aménagement du parvis de la cathédrale qui a débuté à la fin du XVIIe siècle et n’est toujours pas achevé un demi-siècle plus tard.
Cependant, l’ouverture de la ville vers l’ouest devient une préoccupation importante. En 1747, la Communauté écrivait que … l’entrée de cette ville qui conduit à la grande place devant l’église métropolitaine est tout à fait irrégulière … L’intendant de la Bove insiste pour améliorer cette situation. La ville a donc décidé de faire …une nouvelle porte et une nouvelle rue qui conduise à la grande place. Cette porte doit être faite à côté et au midy de celle qu’on appelle aujourd’hui la Porte neuve ; le nouvelle rue doit être bordée de l’un et de l’autre côté, de belles maisons uniformes, certaines de ces maisons doivent aussi du côté du couchant faire face à la promenade et par ce moyen embellir considérablement le dehors et le dedans de la ville … Suivant les ordres de l’intendant le terrain a été marqué, « piqueté », par le sieur Loguet ingénieur du roi.
Sur le plan Trudaine de 1758, antérieur à la construction de l’actuelle mairie, le tracé des routes et de la patte d’oie sont présents et les plantations s’avancent au milieu de l’actuelle place de la Libération, à l’alignement de l’actuelle rue Gambetta. La place de la mairie n’existait pas encore. Sur le plan dit Prosper Lafforgue des Archives départementales, légèrement plus tardif et, hélas plus abimé, la mairie a été construite et les Allées ont leur alignement actuel. L’aménagement avec l’escalier a certainement été décidé sous l’impulsion de l’intendant d’Etigny. Remplaçant Loguet en 1753, l’ingénieur Picault, sans doute suivant un ordre de l’intendant, travaille à l’aménagement du noeud routier à l’arrivée de la route de Vic. Il décide de baisser le niveau de la nouvelle place (place de la Libération) mais aussi celui du passage qui l’unit au parvis de la cathédrale, « peut-être de trois pieds », presque un mètre. Le profil est modifié pour l’écoulement des eaux. Le riche bourgeois Laborde qui vient de faire construire le grand immeuble, s’inquiète du dégagement des fondations de sa maison et de l’obligation pour lui de construire un perron de plusieurs marches indispensable désormais pour accéder à sa porte d’entrée. Il en est de même pour la route de Vic-Fezensac, actuelle rue du docteur Samalens. En 1787, Me Cortade, supérieur du Séminaire, déclare qu’une partie de la maison du Séminaire ayant été construite à neuf pour former un corps de logis plus considérable (avec) la porte d’entrée au milieu du corps du bâtiment …, demande à la ville la permission de faire un perron saillant sur la grande route (Archives départementales du Gers, C.557). Dans un autre document de la même année, on peut lire qu’on a fort baissé le terrain lorsqu’on a pavé la rue du Séminaire … Un voisin, Eloi Cardes seigneur de Panassac indique qu’il ne lui est plus possible d’entrer dans sa maison sans un perron de plusieurs marches... A la veille de la Révolution française, les travaux de terrassement qui ont dû être considérables, ont mis les Allées d’Etigny en hauteur par rapport à la rue et à la place. L’aménagement d’un grand escalier est devenu indispensable. Sous l’Empire, Sentetz a proposé d’y installer la statue de d’Etigny flanquée des deux lions qui viennent d’être restaurés. Au début du XIXe siècle, le projet d’une grande statue du célèbre intendant est décidé. La première pierre est posée solennellement le 24 septembre 1803 au départ des Allées d’Etigny et la statue commandée au sculpteur toulousain Jean-Pierre Vigan (1754-1829). Il s’engage à livrer la statue en « beau marbre statuaire de 2,11 m et de la poser sur un piédestal d’ordre dorique, en marbre blanc veiné, fin, d’Italie, des deux tiers de la hauteur de la statue, non compris le socle, et d’une largeur proportionnée, ayant quatre panneaux de marbre blanc, ornés de rosaces d’un jaune de Sienne, et de guirlandes de laurier de marbre blanc ; le socle de piédestal en marbre gris d’Italie, dit d’agate. ». L’artiste s’engage aussi « … à exécuter en pierre fine… deux lions de proportion naturelle, tenant des faisceaux, emblèmes du pouvoir, et des balances, emblèmes de la justice, et à les faire poser sur des piédestaux … ». Il doit recevoir 12 000 francs et doit livrer l’œuvre en 1805. Le modèle de la statue aurait été moulé en octobre 1806 par Getty à Bordeaux. Dans une lettre de novembre 1806, Vigan écrit à Sentetz fils que l’énorme bloc de marbre de Carrare est arrivé sur les bords du canal à Toulouse. Un nouveau courrier indique que le statue, enfin achevée en décembre 1811, est portée à Auch et déposée momentanément, avec les deux lions de pierre, dans la cathédrale car les piédestaux ne sont pas prêts. Elle n’est placée et inaugurée que le dimanche 27 juillet 1817. L’artiste a touché 9 600 fr, le reste est versé à sa veuve en 1829. Il est difficile d’expliquer ce long retard, circonstances politiques ? lenteurs de l’artiste ? difficultés de paiement ? Je ne sais.
Les deux lions ont la même origine que la statue. Ils ont été commandés à Vigan et réalisés par son atelier. Celui de droite tient un faisceau. Ce choix fait sous le Consulat correspond bien à l’idéologie de l’époque. Faisant référence à l’Antiquité romaine, la république française l’avait pris comme nouvel emblème de la France, représentant l’union et la force des citoyens autour de la Liberté. Celui de gauche tient la balance, symbole de la Justice que l’intendant d’Etigny aurait protégé et fait respecter pendant son séjour à Auch. Il n’a rien à voir avec le palais de Justice visible à l’autre extrémité des Allées qui ne sera construit qu’un demi-siècle plus tard.
Les lions d’origine trop usés et fragilisés par les ans, les intempéries et la pollution sont désormais conservés à l’abri. Des copies ont été installées à leur place.
Texte et photos Jacques Lapart.