Une hystérie anti-communiste alimente le révisionnisme historique en France

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W. E. Gutman

Un mythe cultivé par la France proclamait que l’Algérie était française. En réalité, l’Algérie était une misérable colonie dont les ressortissants—environ dix millions—avaient été tenus dans un étau écrasant d’infériorité politique, économique, sociale, et culturelle par une élite de moins d’un million de colons pendant plus d’un siècle.

La France avait construit des écoles et des hôpitaux mais la grande majorité des Algériens ne bénéficiaient ni des droits ni des privilèges accordés à leurs maîtres colonisateurs. L’humiliation ressentie par les colonisés découlait moins de l’iniquité de leur circonstance que du rang symbolique et réel d’infériorité imposé par l’usurpateur. Le fractionnement de la société coloniale en deux domaines divergents—le conquérant et le conquis—dura jusqu’aux années 60. Il est vrai qu’on accordera aux Juifs algériens la nationalité française mais on la refusa aux musulmans auxquels les urnes furent aussi interdites. Quand des élections truquées déclenchèrent des manifestations, censures, arrestations, exécutions hors-judiciaires, et rapts s’ensuivront.

En novembre 1954, soixante-dix attentats terroristes simultanés contre les « pieds noirs » en Algérie, mèneront à une guerre laide et sanglante d’indépendance. Peu avant, la France, bientôt remplacée par une Amérique en proie à une hystérie anti-communiste, avait abandonnée l’Indochine à la suite d’une guerre amère et vaine qui culmina en une défaite cinglante à Dien Bien Phu. La débâcle française dans ses colonies du Vietnam, Laos, et Cambodge, et sa perte de prestige sur le plan international, soulèveront une vague de ferveur nationaliste parmi les Français, surtout ceux nés en Algérie et qui la considéraient comme la leur.

La France expédia un grand nombre de légionnaires ; les conscrits de l’armée suivirent. Peu après, des bruits anecdotiques ainsi que des témoignages de mauvaise conduite des soldats français circulèrent librement en métropole, comme le furent les troublantes révélations qu’un grand nombre de Français avaient été massacrés. On apprit aussi que des Algériennes furent violées, que des hommes furent battus, immergés dans des bains d’eau glacée, arrosés d’excréments, et électrocutés (traitement que mon feu père, résistant, endura aux mains de la Gestapo française lors de son arrestation à la Prison de Fresnes).

Des documents déclassés, y compris des photos et une surabondance de comptes rendus de presse, livres, et documentaires verseront une lumière bouleversante sur les atrocités commises par les Français en Algérie.

On se souviendra de Maurice Papon (décoré par De Gaulle en 1961 !) lorsqu’il était secrétaire général de la police de Bordeaux pendant la Seconde Guerre mondiale. Il participa à la déportation de plus de 1600 Juifs. Il est également connu pour ses activités dans la guerre d’Algérie, au cours de laquelle il a torturé des prisonniers insurgés en tant que préfet du département de Constantine, et a ordonné, en tant que préfet de la police de Paris, la répression sévère d’une manifestation pro-Front de Libération Nationale (FLN) contre un couvre-feu qu’il avait "conseillé. »

Refusant de s’avouer vaincus, les Algériens luttèrent avec vaillance et perdirent plus de cinq cent mille combattants durant les huit ans de conflit. Les hostilités prendront fin avec l’indépendance de l’Algérie et l’anéantissement de l’empire colonial français.

Tant que les lions n’ont pas leurs propres historiens, l’histoire de la chasse glorifiera toujours le chasseur.

W. E. Gutman est un journaliste et écrivain franco-américain. Il vit en Floride.

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