Le gavage des oies à l'ancienne

Numérisation_20200506 (2).jpg

Les vacances approchent et nous ne savons pas encore comment elles se dérouleront en cette période sensible.

Espérons tout de même que le Gers pourra accueillir des visiteurs qui feront l’acquisition de confit et foie gras, souvenirs gastronomiques par excellence du pays gascon.

Canards et oies sont aujourd’hui gavés dans des ateliers de gavage en grand nombre selon une technique industrielle.

Nous allons faire un retour en arrière dans le temps pour aller gaver avec ma mère et ma grand-mère dans une petite ferme du Sud-Ouest.

Douze oies cacardent sur un douillet tapis de paille à l’abri des premiers froids de l’hiver protégées par des murs de bottes de paille.

« Ici, nous dit la gaveuse, on gave à l’ancienne, rien à voir avec les centaines d’oies coincées dans des épinettes de fer qui tendent le cou pour recevoir par pompe à gaver même pas du maïs mais une sorte de pâté »

Chaque ferme élève un troupeau d’oies et on garde 3 ou 4 oies de semence et un jar, qui siffle dans la basse-cour et cherche à pincer les mollets.

Elles pondront des œufs qui seront couvés par une poule ou une dinde, l’oie étant une mauvaise mère.

Naîtront les oisons qui constitueront le troupeau, une partie sera gavée à la ferme et le reste sera vendu en « oies maigres » à la foire d’octobre de Riguepeu.

Elles sont achetées par des volaillers des Landes ou de Dordogne qui les font gaver « à façon » par des personnes qui touchent un salaire par bête avec une prime pour le poids.

Dans chaque exploitation, on réserve une pièce de terre ensemencée en maïs pour engraisser les oies et le porc.

Le maïs ramassé à la main et dépouillé est mis en cordes attachées sur le mur du midi.

La technique de gavage

Une certaine quantité de maïs est mis dans une marmite en fonte, on ajoute de l’eau, parfois du lard ou de la graisse rance et on fait bouillir.

Dans un grand éclat de rire, ma grand-mère me disait : « Il paraît que certains pissent sur le maïs, les foies seraient plus gros avec cet apport naturel. Moi, je ne le fais pas et j’ai des foies qui approchent le kilo ! »

Le gavage se fait deux fois par jour quand l’aube se lève et quand l’obscurité a gagné les bâtiments.

Ma grand-mère allume la lampe à pétrole car il n’y a pas d’électricité dans la grange.

Elle capture une oie par le cou, s’agenouille sur un sac bourré de paille et bloque l’oie entre ses cuisses.

Elle introduit l’embuc du gorgeoir dans l’œsophage.

C’est un appareil inventé par un artisan vicois, M.Auxion, avec une petite trémie, une manivelle qui actionne une palette et une vis sans fin qui entraîne le maïs jusque dans le jabot de l’oie.

Elle remplit la trémie de maïs et tourne la manivelle lentement, de temps en temps, elle caresse le cou de l’oie pour faciliter la descente du maïs dans l’œsophage et ajoute un peu d’eau pour aider à la digestion. Puis elle libère l’oie qui, nullement stressée, regagne ses congénères et s’ébroue.

Avant l’invention du gorgeoir, on utilisait un simple entonnoir et on poussait le grain avec un bâton à bout rond.

Foie gras et confit 

Au bout d’une vingtaine de jours, la gaveuse remarque que les oies se déplacent peu et commencent à respirer plus difficilement.

Le moment du sacrifice est arrivé. C’est l’occasion de convoquer les voisines pour cette corvée d’abattage et surtout de plumage.

Autrefois, on plumait à sec pour garder le duvet qu’on vendait au chiffonnier ou qu’on utilisait pour garnir les édredons.

« C’était pénible et long » dit une plumeuse. Aujourd’hui, on plume à la vapeur ou on trempe l’oie dans l’eau bouillante. L’oie se plume bien mais le duvet recueilli est de mauvaise qualité.

Les oies bien blanches seront suspendues par le cou dans un pièce froide où « elles durciront » avant d’être découpées.

Quand on ouvre l’oie, on attend avec impatience de découvrir la grosseur du foie gras.

On garde des oies pour les grands festins, puis on vend les autres.

Les oies sont découpées en quartiers qui sont roulés dans le sel, le manteau graisseux est découpé en cubes qu’on fera fondre dans la grande marmite en cuivre.

On fait cuire les quartiers dans une cocotte avec un peu de graisse. De temps en temps, ma grand-mère enfonce une paille de balai dans la chair pour voir où en est la cuisson.

Quand les quartiers sont bien dorés, ils sont disposés dans des pots de terre et recouverts de graisse.

Une feuille de papier journal doublée et ficelée sur les bords assure la fermeture du pot.

Les pots seront alignés sur une étagère dans la cuisine, bien en vue pour que les visiteurs constatent que, dans cette ferme, il pourra y avoir de bonnes garbures avec des cuisses d’oie !

On prépare aussi les foies qu’on fait cuire au bain-marie.

Les bocaux de foie ne sont ouverts que pour une grande occasion, Noël, Jour de l’an, première communion, baptême ou fête du village.

Pierre Dupouy - Illustrations : Robert Nimetz

Numérisation_20200506 (3).jpg
Numérisation_20200506 (3).jpg
Numérisation_20200506 (4).jpg
Numérisation_20200506 (4).jpg
Numérisation_20200506 (6).jpg
Numérisation_20200506 (6).jpg
Numérisation_20200506.jpg
Numérisation_20200506.jpg
Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles