En ce lundi de Pâques, nombreux seraient les pêcheurs de sortie... en temps normal...
À défaut de partie de pêche en plein air, voici un petit souvenir de pêche "illégale"....
La pêche est un sport encadré par des règles très précises et bien entendu des sanctions sont prises si on ne les respecte pas.
Mon père et moi étions pêcheurs à la ligne du dimanche. Nous jetions notre ligne et attrapions quelques poissons....mais notre butin était souvent bien maigre...
Mais au printemps, nous devenions plus assidus.
En effet, à cette saison,, les poissons remontaient la rivière de l’Osse après la digue.
Nous avions des nasses en fil de lin que nous fabriquait notre voisin de Pruadère Petiton, un écologiste avant l’heure qui vivait de braconnage, de pêche, de cueillette...
Il était d’une grande adresse et fabriquait des nasses en jonc ou encore mieux avec du lin, nasses qu’il vendait pour améliorer son quotidien.
Au printemps, nous allions donc dans la rivière poser ces fameuses nasses. On mettait la nasse au milieu de la rivière et on fermait le passage avec des pierres.
Les poissons rentraient alors dans la nasse et ils ne pouvaient plus en sortir.
Les prises étaient extraordinaires !
On posait les nasses, le soir quand la nuit commençait à tomber, et on allait les relever le matin de très bonne heure.
On faisait bien attention à ne pas croiser les gendarmes. À l’époque, il y avait peu de voitures et donc peu de contraventions à mettre ; alors les gendarmes se concentraient davantage sur les actes illégaux de pêche ou de chasse.
Un jour, nous étions dans le pré et on entend parler français… Les gens du coin parlant tous patois, mon père se méfie et nous dit : « Attention, rentrons, les gendarmes sont là ! »
Nous rentrons et nous nous mettons tout de suite à curer l’étable. On tombe même les tricots pour montrer qu’on était là depuis un bon moment !
Les gendarmes arrivent en effet juchés sur leur bicyclette ; l’un d’eux a derrière lui un gros sac bien rempli...
L’un nous dit :
« Ouh la, vous êtes sortis de bonne heure, ce matin, vous avez les pieds mouillés ainsi que les fonds de pantalon !
- C’est vrai que nous sommes sortis de bonne heure pour faire une clôture car, aujourd’hui, on va mettre les vaches dans le fond du pré de Pruadère. Là, on continue le travail à faire comme vous le voyez »
Le gendarme ouvre alors son sac et laisse tomber les nasses par terre.
J’ai cru que mon père allait avoir une attaque en voyant la belle nasse que Petiton avait particulièrement soignée.
« Est-ce qu’il y a là du matériel qui vous appartient ?
- Ah non !
- Et toi, petit ?
- Non, moi je pêche un peu à la ligne et c'est tout.
- Et vous monsieur ?
- Oh moi, je suis tout seul sur ma terre et j’ai autre chose à faire le soir entre panser les bêtes, faire têter les veaux que d’aller poser des nasses dans la rivière."
Le gendarme remet alors le matériel dans son sac pour le ramener à la gendarmerie où il sera détruit.
Nous invitons tout de même les gendarmes à boire le café et on parle de tout et de rien. Ils savent pertinemment que nous sommes les propriétaires du matériel mais ils ne disent rien.
Au détour de la conversation, ils glissent tout de même : « Vous savez que l’Osse coule dans la vallée et qu’en face, il y a des collines hautes où vivent des habitants qui ont peut-être aperçu ces pêcheurs…. »
On savait en effet que la gendarmerie avait été alertée par un habitant des collines qui avait dénoncé notre braconnage sans toutefois pouvoir donner de noms.
Mais sans preuves….
Un voisin eut moins de chance. Il était encore en train de vider les nasses dans son seau quand les gendarmes arrivèrent sur la berge. Pris en flagrant délit, il reçut alors une importante amende.
Petiton se remit à faire des nasses.
En attendant, nous posions des bouteilles dans la Mouliaque qui regorgeait de goujons et de vairons avec lesquels on faisait une omelette…sans avoir vidé les poissons au préalable…
Un mois après, Petiton avait refait une belle nasse.
Malgré tout, on arrêta, cette année-là, le braconnage car on savait que le voisin avait été lourdement pénalisé et nous ne voulions pas jouer avec le feu…