Nous retrouvons pour la dernière fois Grenouillette....
Une morue dans la Mouliaque
Tout à coup, à la sortie d’un méandre, Grenouillette aperçoit, luttant dans le courant, une masse blanchâtre attachée par une ficelle à un pied de néflier.
« Un poisson prisonnier », pense-t-elle, mais une espèce qu’elle ne connaît pas...Du goujon, du vairon, de l’écrevisse même, elle en rencontre tous les jours, mais celui-là n’a pas de tête !
La berge résonne de bruits de pas. Grenouillette reconnaît les quatre galopins qui ont l’habitude de venir lui lancer des pierres quand elle prend ses aises entre les touffes d’herbe.
Ils descendent au ras de l’eau et d’un coup de couteau libèrent « le poisson »…
Surgit alors de derrière la haie, Jean-Louis du Tricoulet, propriétaire du poisson, qui n’était autre qu’une morue mise à dessaler dans le courant du ruisseau.
Il était équipé, le bougre, d’une solide branche de noisetier.
Trois des corsaires sautent la rivière, le quatrième retombe côté Jean-Louis ; c’est lui qui sera rossé et devra courir le long de la berge pour rattraper la morue.
Grenouillette éclate d’un croassement de joie : la voilà en partie vengée des poursuites de ces habitués de l’école buissonnière.
Grenouillette continue sa route, saute par-dessus les nasses ou les bouteilles mise en place au milieu de la rivière et où déjà s’affolent des poissons prisonniers, victimes d’un manque de réflexion
Tout à coup, le ruisseau débouche sur une masse d’eau jaunâtre : Grenouillette est au confluent de la Mouliaque et de l’Osse.
Elle s’interroge sur la couleur de l’eau , elle qui vient de parcourir des kilomètres dans une onde pure comme au temps du fabuliste Jean de La Fontaine.
Un ragondin aux dents jaunies par une surconsommation de maïs hybride, à la queue écaillée par les ans, sort de son terrier et lui explique qu’elle prend contact avec le monde de la pollution.
Les collines voisines semées en maïs sont arrosées et l’eau revient à la rivière chargée de terre et de produits chimiques.
Ecoeurée, Grenouillette arrête là son périple et, le soir-même, elle effectue le voyage inverse avec une hâte, retrouver la source où elle était devenue grenouille accomplie.
Pierre Dupouy