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Nous vous proposons aujourd'hui un petit conte en trois épisodes à lire à vos enfants en cette période de confinement.
Les adultes sans enfants peuvent le lire aussi!
" Au fil de l'eau avec Grenouillette" par Pierre Dupouy
1er épisode
Le coucou a donné le signal, finies les froideurs du matin, la jonquille a osé ouvrir sa corolle d’or : le printemps est là.
Dans un bois où tout craque de réveil, une source timide lâche un filet d’eau dans une éponge de mousse : c’est la source de la Mouliaque.
Ne la cherche pas dans ta page des fleuves français ou sur une carte IGN…
Elle est si pure qu’un bleu très pâle serpente dans l’étroite vallée.
Sous les chênes séculaires, la source s’étale en un trou d’eau.
C’est là que Grenouillette, petit point noir dans une masse visqueuse, naîtra, turbulent têtard.
Plus vite que ses sœurs, elle prendra pattes et palmes. La grenouille qui a fait ses universités parle de métamorphose.
Pour Grenouillette, ces transformations lui permettent de connaître un monde nouveau, celui de la terre.
Ce sont de longues explorations dans les roseaux et les ronciers.
Un jour, l’aventure…
Grenouillette s’est aperçue que l’eau courait après la source.
Un soir d’été, une large écorce de chêne vient passer près d’elle, elle saute à bord et est ravie d’être ainsi emportée, parfois à vive allure.
Les primevères et les violettes saluent d’un coup de corolle cet étrange navigateur.
Pour se dégourdir les cuisses, elle effectue quelques plongées et, en quelques brasses, arrive au gué du village de Bazian.
Elle se faufile entre les grosses pierres et perçoit alors un drôle de chant.
Ca chante et ça siffle. Grenouillette saute sur le talus et fait la connaissance d’Alfred le scieur de long ; il s’agite autour d’une énorme machine noire qui crache de la fumée grisâtre et lance de temps à autre des jets d’une salive blanchâtre. C’est la locomobile qui actionne une large courroie dentée qui mord dans les arbres.
Quelques exercices de plongée...La Mouliaque a du fond.
Grenouillette continue sa route jouant avec les vaguelettes du ruisseau qui griffent les branches d’aubépine.
Un bruit sourd d’eau qui s’écrase ! Elle a juste le temps de sauter sur le rivage pour ne pas être entraînée dans la chute du moulin. Elle en tremble encore de tous ses membres ; un œil vers le précipice qui bouillonne, Grenouillette est prise de vertige. Elle s’installe sur une pierre de la digue. A côté, un ronflement sonore...Le chapeau rabattu sur les yeux, le meunier n’a pu résister au tic tac de son moulin et est tombé dans un sommeil profond peuplé de rêves.
Il se souvient du temps de ses ancêtres, meuniers du moulin banal, exploités par le seigneur du château qui, sur la colline, écrase de sa masse la modeste bâtisse sur la Mouliaque.
Il s’agite, parlant tout haut de l’audace de son aïeul qui, conduit vers les oubliettes du château, sortit de sa blouse un énorme gourdon et retrouva sa liberté…
Le meunier sursaute et regagne ses meules.
A suivre…