Vendanges avec "nauquets" et "semaous"

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Sur le plateau, s’étalent des vignobles de plusieurs hectares, mais sur la pente de la colline, un propriétaire a gardé un carré de vigne et vendu ses autres terres.

C’est une vigne de quelques sillons de cépages différents : Terras, Gaillard, Jurançon, Noah.

Le propriétaire a gardé ce coin de terre pour, dit-il, fabriquer son vin de tous les jours.

Il sait aussi que son vignoble n’est traité qu’avec du souffre et du sulfate.

Pour déterminer le moment de la vendange, il n’a pas besoin d’appareil sophistiqué. Il croque quatre ou cinq grains et il décide que les vendanges au Petit Carré auront lieu vendredi.

Il faut tout de même faire quelques préparations : il sort les comportes de la grange, les dispose près de la mare et les remplit d’eau pour vérifier leur étanchéité.

Quelques-unes n’ont plus de fond, il faut donc convoquer le charron qui est débordé de travail mais qui dit : « Pour toi, je viendrai dimanche matin ». Ce « pour toi » fait plaisir au propriétaire.

Il faut aussi nettoyer le tonneau qui contenait le vin blanc car, à l’intérieur, s’est déposée une épaisse couche de tartre qu’il faut enlever. Pour cela, il y a un spécialiste dit « Ficelle », très maigre qui se déplace comme un serpent pour rentrer dans le tonneau par une toute petite porte. Auparavant, on a introduit dans le tonneau une bougie allumée. Si elle s’éteint, il y a du gaz carbonique et on retarde le nettoyage.

Ce tartre était vendu au chiffonnier.

Le vendredi des vendanges, les vendangeurs des champs et de la ville arrivaient au Petit Carré. Le propriétaire avait déjà apporté les comportes. Il distribuait alors à chaque vendangeur un baquet et une paire de ciseaux. Le groupe s’engageait dans les sillons. Le vigneron donnait quelques consignes : « Quand vous arriverez aux Noah, mettez le baquet sous le cep car il s’égrène et je ne veux pas faire du vin avec les rafles »

On désignait trois porteurs, généralement les plus jeunes qui avaient pour mission de porter les baquets pleins de raisin, de les verser dans le fouloir où généralement un enfant tournait la manivelle pour écraser les grains et le jus tombait dans la comporte.

Une ambiance gaie régnait dans le vignoble, blagues et « moustéjado »; il s’agissait d’écraser sur la figure d’une vendangeuse une grappe de raisin très juteuse. Elle aurait de la pommade toute la matinée.

A midi,quand la cloche sonne au village, on met en place le pique-nique : un feu pour les grillades de saucisses et de ventrèche, des tranches de fromage. L’aïeule a quitté le groupe des vendangeurs et revient avec un panier plein de raisin de table : Muscat, Malaga, Chasselas ; c’est le dessert. Après le repas, les vendangeurs font une courte sieste dans le chemin herbeux du vignoble.

Puis la vendange reprend.

Chacun revient à son sillon, l’ambiance est moins enjouée que le matin, car le soleil d’automne brûle les dos penchés sur les ceps.

Le soir, le propriétaire rapportera ses comportes et mettra leur contenu dans une grande cuve où se fera la vinification.

Les vendangeurs ont eux aussi regagné la ferme et pensent déjà à « l’escouoso » (repas de fin de vendange).

On débute le repas par une garbure garnie de cuisses d’oie, on poursuit avec un civet de lièvre et un rôti d’oie de Guinée.

Puis, on apporte sur la table le plat de châtaignes grillées.

Le voisin qui a vendangé, il y a quinze jours, a apporté une bonbonne de bourret.

Le café est accompagné d’un vieil armagnac tiré d’une bouteille recouverte de poussière.

On chante quelques chants occitans soufflés par les anciens et on esquisse quelques pas de danse.

Dans le grand vignoble d’à côté, on entend encore ronronner la machine à cueillir le raisin. Le viticulteur attend de remplir ses cuves en comptant le nombre d’hectolitres que cette vendange lui rapportera, ce qui lui permettra de rembourser quelques emprunts qui gâchent ses nuits…

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