Petite parenthèse

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Se tirer la bourre

La cloche a sonné. Douze millions d’élèves, petits et grands, ont réinvesti les cours de récréation. Et à peine poussée la porte de leurs classes, ils vont être confrontés à de nouveaux tests d’évaluation ou « de positionnement », chers aux ministres de l’Éducation successifs. Mais qu’ils se rassurent, ils ne seront plus les seuls à être évalués !

Par la même occasion, leurs enseignants le seront également. Tandis que leurs établissements seront eux-aussi pesés, toisés, jugés par une série d’indicateurs, dès le premier semestre 2019, permettant « une évaluation régulière et transparente »…

Autrement dit, le gouvernement poursuit l’instauration d’une « culture de l’évaluation », visant à privatiser le système éducatif national par la mise en concurrence directe des établissements. De quoi les inciter à se tirer la bourre…

On connaît bien la bourre, constituée de résidus de laine ou de tissu. Ce terme existait déjà au XIIe siècle. On sait également que lorsqu’on brosse un chien ou un chat, on récolte pas mal de touffes de poils, appelées également bourre.

Mais l’expression argotique « se tirer la bourre » n'apparaît qu'au XIXe siècle. Elle serait issue du milieu de la chasse à courre. Une fois le gibier rattrapé et tué, les chiens avaient le droit (aujourd’hui encore) de dépecer  à titre de récompense une part de la bête, lui arrachant ainsi  ses dernières touffes. Ce qui pouvait donner lieu à une bataille acharnée au sein de la meute, tous « se tirant la bourre » avec vigueur.

Une explication dérivée, plus loufoque, reviendrait aux lutteurs de foire amenés à s’empoigner et à s’arracher partie de leur pilosité dans leur combat viril.

Ni territoires de chasse à courre, ni foires d’empoigne, nos écoles publiques ne sauraient suivre le modèle américain où des managers aux dents longues remplacent peu à peu les directeurs (issus du corps enseignant); où des entreprises privées gèrent des écoles financées sur fonds publics par le biais de chartes -les charter schools - (dérogeant aux obligations de respect des programmes nationaux officiels), avec de juteux profits à la clé, en économisant sur les repas, les salaires…voire même les enseignements jugés non essentiels.

Mais avec la mise en place d’une prime d’intéressement collectif made in France dépendant des « bons points » des écoles REP+, et la possibilité pour les chefs d’établissement de recruter certains enseignants sur des « postes à profil », c’est tout le cadre national des statuts, des programmes et des diplômes qui est aujourd’hui menacé.

Avec pour objectif de n’en garder que la bourre.

Illustration Pixabay.com

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