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Italo Scaravetti n'a guère quitté Dému où il est né. Il s'est passionné pour le patrimoine et l'histoire de ce village dont il raconte ici une page vivante et riche.
"A Dému une page d'histoire se tourne. Elle est plutôt glorieuse.
Le 1er avril 1978, Bernard et Claudine Devillers ouvraient une petite épicerie-essence à Dému. Eh oui, il y a quarante sept ans jour pour jour ! Dans les années 1990, Franck Devillers et sa sœur Fabienne prenaient la suite. Le 28 février dernier, ils sont partis en retraite. Mais le florissant multi-services persiste et signe avec Cathy, Marie et Nicolas. Il n'y a aucune interruption concernant le "sandwich de Franckie". Désormais il s'agit du patrimoine de Dému.
De la Champagne au Gers
Bernard Devillers était employé chez un vigneron en Champagne. Il a voulu améliorer son sort. Il devient régisseur de trois domaines viticoles mais il doit avec sa femme Claudine quitter Reims pour un petit "trou", un village dans le Gers. Il accompagne l'aventure en Armagnac du "Champagne Pol Roger".On ne sait si leurs enfants ont apprécié l'école de Dému mais l'école de Dému a apprécié ses enfants.
Une station en perdition
En 1978, les Devillers rachètent une petite station service qui débutait mais qui allait fermer. Elle était trop bien placée pour la laisser perdre. Bernard embauchera son fils. Sa fille viendra plus tard. Ils ajoutent des prestations, la vidange, la petite mécanique, la fourniture et le montage des pneus.
Assurer la continuité
Progressivement ils assurent la succession des commerces qui ferment dans le village : le bureau de tabac, l'épicerie. C'est un véritable multiservices qu'ils construisent.
Le local s'agrandit, l'épicerie est complète avec fruits et légumes. A la saison, c'est là qu'on trouve les meilleurs melons de la région. La maison est pionnière pour la spécialité de produits régionaux, les bonnes bouteilles par exemple. Ça n'empêche pas de proposer aussi du champagne. Il ne faut pas oublier les cousins du pays d'origine ! La maison Devillers accueille aussi dans ses rayons les productions locales. Ce n'est pas un mince mérite.
Les produits régionaux s'affichent depuis l'origine devant la porte - Cathy, Nicolas qui a rejoint le groupe pour assurer la continuité, Frank et Fabienne
Ajouter des services
La Poste ferme au début des années 2000 mais, à Dému... elle reste ouverte. On institue chez Devillers le premier "Point Poste" du département. Le Crédit Agricole ouvrira aussi un guichet à Dému, un "Point vert".
Dans cette petite échoppe, on trouve tout, les billets de loterie par exemple. Si quelque chose manque, revenez le lendemain, vous l'avez. Il y a aussi le minimum de service culturel en zone profondément rurale, la presse, des cartes postales du village... On est une "petite surface" moderne certes, le client a le droit d'aller visiter les rayons. Cependant, on a conservé le charme des épiceries d'antan : le client est servi au détail, au comptoir.
Il faut une spécialité
Il y a depuis le début un dépôt de pain. Avec ça, la maison Devillers s'est taillé une solide réputation. Il suffit d'y ajouter du jambon et du beurre. Le sandwich est dans tous les cas servi avec gentillesse. Il est inégalable par sa taille, ses contenus, son goût et bien sûr... son prix, surtout s'il est pimenté de l'humour hors pair labellisé "Franckie". Il faut dire que les camionneurs et les automobilistes au long cours apprécient quelques minutes dans un lieu chaleureux et ont... bon appétit !
Franckie face aux clients. Parfois les clients se pressent. Au comptoir on reçoit la marchandise, on paye... tout en papotant.
Un trio opérationnel
L'usage est de dire "chez Franckie" mais il y a aussi Fabienne. Frère et sœur, avec aussi Cathy, une providentielle tierce personne, ont fait de cette petite station une entreprise florissante.
Une affaire de camions
La maison Total a aménagé de façon privilégiée cette station. Les plus gros gabarits y ont accès. Vingt-quatre heures sur vingt-quatre, on peut faire le plein. Ce village équidistant de Toulouse et de Bayonne est donc devenu le rendez-vous des camionneurs, possiblement espagnols ou portugais qui transitent par exemple vers toute l'Europe.
Au début des années 2000, la municipalité avait aménagé le parking en face, sur l'ancien foirail. Bien rangés, les camions y contiennent nombreux. Le lieu n'est pas tout à fait un camping. Toujours est-il que le matin, à l'ouverture du magasin, ils sont là, les camionneurs, pour le café-croissants...
Mais aussi d'avions et de bateaux...
Au début des années 2000 justement, Airbus, ce "passant considérable", déroule la splendeur de l'A380 le long de la route 124 qui de ce fait est restée "nationale". Devant la station Devillers, il y a donc des avions qui passent mais aussi, très souvent, des bateaux, des maisonnettes sur roues qui marquent un temps d'arrêt-sandwich...
Visiteurs et V.I.P.
C'est grâce à la station que nos contemporains parfois lointains, jusqu'à Paris, identifient Dému au bord de cette route qui relie Toulouse à l'océan.
Beaucoup de voitures s'y arrêtent aussi et parfois la petite station voit surgir des clients illustres comme Jean Amadou, Vincent Lindon, David Halliday, Zinedine Zidane... Fabien Barthez est un familier. Dému est ainsi un avant-poste de Nogaro où il se passe toujours quelque chose. Ne parlons pas d'Anthony Jelonch qui lui est là... sur son terrain.
Fabienne : Pour le client, il y a toujours quelqu'un
Du matin au soir, d. & f. compris
Pendant des décennies, c'est un endroit plein de vie, ouvert tous les jours tôt le matin et tard le soir, dimanches et fêtes, premier de l'an et premier mai aussi... Quand tout est fermé ailleurs c'est le lieu de rencontre de tous ceux qui, dans la contrée, aiment la convivialité.
Porte ouverte sur le lendemain
Nous disions Franck et Fabienne mais ils n'en seraient pas arrivés là sans Cathy. Après une vingtaine d'années de bons et loyaux services en parfaite entente avec ses employeurs, elle prend la responsabilité du magasin. Dans cette affaire qui n'est pas mince elle sera aidée par son compagnon Nicolas et par Marie sa sœur. Une continuité intégrale est assurée. C'est pour nous une chance inouïe. Nous leur souhaitons tous les bonheurs des jeunes entrepreneurs.
Franckie arbore le gilet Total. La canne symboliserait-elle la retraite ?
Un petit... merci !
Nous ne saurions omettre de remercier ces travailleurs infatigables qui ont beaucoup fait pour notre bien-être et la survie de notre village. Nous leur souhaitons tous les bonheurs des retraités.
A Dému nous pouvons nous enorgueillir d'une telle réussite. Nous bénéficions d'un véritable service public qui rejaillit aussi sur les alentours et même sur le département.
Notre hommage voudrait symboliquement tenir lieu d'une véritable distinction qui reste à créer, la "Médaille d'Honneur de ville de Dému"
Photo-titre : Face aux pompes, face à l'avenir - Le trio historique auquel s'est joint Nicolas
Texte et photos : Italo Scaravetti