Dès ce soir, avec le film de Christophe Honoré (« Plaire, Aimer et Courir vite »), c’est Cannes qui s’invite à Plaisance. Suivront « En guerre » avec Vincent Lindon, et « Everybody knows »(« Todos lo saben ») d’Asghar Faradi. Pour ce dernier, on a beaucoup hésité pour la VF ou la VO espagnole sous-titrée (car le film fait beaucoup d’entrées avec les deux), mais on n’a pas pu se résoudre à doubler les voies originales de Pénélope Cruz et Javier Bardem: ce sera donc la VO le samedi 2 juin.
Pour continuer dans les tandems: demain jeudi 17 c’est le couple prolifique Agnès Jaoui- Jean Pierre Bacri qui donnent une nouvelle version de leur talent et de leur vision sur notre époque dans « Place Publique »)
Samedi nous vous proposons deux films d’artistes singuliers: le premier est réalisé par Wes Anderson, c’est un film d’animation en slow motion avec tout un tas d’acteurs français (Auteuil, Lindon, Amalric, Garrel…) qui donnent leur voix à des chiens jetés sur une île-ordure: « L’île aux chiens » est un petit bijou sur le thème de l’exclusion qui convient aux jeunes de 8 à 88 ans.
Le second est un film sur le peintre autrichien « Egon Schiele » que nous avons choisi en partenariat avec le salon des métiers d’art qui a lieu ce week-end et qui vous sera présenté par sa présidente Marie-Jo Chauvin le samedi 19 donc à 21h.
Le we d’après sera consacré à une thématique forte sur la nature et nos choix contre le dérèglement climatique, avec notamment « Irrintzina » présenté par le collectif Rivages le samedi 26 mai. Et d’autres événements-animations suivront encore puisque le 31 mai je vous présenterai personnellement le film sur le détournement de l’avion d’Air France en 1976 « Otages à Entebbe », et le samedi 2 juin à 17h c’est le président des Rencontres Littéraires de Nogaro, accompagné de l’écrivain Jean-Claude Lalumière, qui viendront présenter « Le ciel étoilé au-dessus de nos têtes ».
Vous voyez qu’à Ciné Europe on n’arrête pas de vous faire des propositions, et ça ne va pas s’arrêter! puisque que, avec tout ce qu’on a vu de bon à Cannes cette année, on va essayer de continuer sur notre bonne lancée. Après une semaine intense passée sur la croisette, je vous livre mon expérience et mon ressenti. Car le rôle de l’exploitant c’est surtout de partager sa passion du cinéma…
"il est temps de couper le cordon, faire le bilan de mon festival de Cannes 2018 et de retourner dans la réalité.
De la vie ou du cinéma, lequel inspire l’autre? Et si la frontière était poreuse, avec un échange incessant entre les deux…
On peut aimer la vie grâce au cinéma, et aimer le cinéma parce qu’il est le témoin de la vie, celle qui se cache derrière les mensonges et les non dits, celle qui est révélée par les histoires qu’on nous raconte.
Et ceux qui nous racontent ces histoires en payent parfois le prix de la liberté. Lorsque le cinéaste iranien Jafar Panahi n’a plus le droit de sortir de son pays et que c’est un siège vide qui est acclamé dans le grand théâtre Lumière, lorsque l’actrice iranienne Golshifteh Farahani n’a plus le droit elle de rentrer dans son pays d’origine parce qu’elle a osé ôter son voile et montrer ses seins, lorsque la réalisatrice Wanuri Kahiu (la première kényane à présenter un film en sélection officielle) n’a pas le droit de sortir son film « Rafiki » dans son propre pays parce qu’il traite de l’amour entre deux filles… Le cinéma écrit la liberté, il en est le symbole et le révélateur. Si je suis libre d’être moi aujourd’hui, moi entièrement, dans ma singularité, c’est en grande partie grâce au cinéma, qui nous donne des repères et des forces.
Cannes, pendant une semaine ou deux, nous donne l’occasion de vivre l’intensité du monde: en visionnant une quinzaine de films en 7 jours j’ai suivi un lépreux sur sa carriole à la recherche de sa famille, j’ai accompagné un-e adolescente et son père dans la décision de changer de sexe, j’ai compris comment ce photographe suisse avait été assassiné lors du dernier conflit européen en Croatie, j’ai vibré avec cette femme déterminée à se battre contre une entreprise nationale prête à se compromettre et dérégler les lois de la nature, j’ai kiffé et j’ai tremblé en écoutant ces jeunes de banlieue se traiter de frères alors qu’ils devaient apprendre le respect de l’autre pour découvrir enfin la fraternité, j’ai découvert la peine de ces parents tunisiens qui malgré l’amour de leur fils n’ont pas réussi à l’empêcher de partir en Syrie, j’ai assisté à l’accouchement de cette marocaine qui par déni de grossesse voulait oublier ce qui était arrivé, j’ai dansé au son des bals traditionnels en touchant mes partenaires et en sentant le battement des coeurs qui peuvent encore battre à l’unisson… bref j’ai vécu plusieurs vies, j’ai fait preuve d’empathie ou de rejet, j’ai ri et j’ai pleuré. Et j’ai surtout rencontré l’autre! Sur l’écran et dans la vie. Dans la rue et dans les fêtes. J’ai été invité, choyé, par des inconnus ou des amis. Par ce producteur-distributeur et son équipe qui, reconnaissant pour le travail et la détermination à promouvoir son film dans notre petit cinéma de province alors que la plupart n’en voulait pas, m’a admis au sein de sa tribu et m’a permis de rencontrer les acteurs, parmi lesquels un collègue steward, lui aussi « multipass » aux vies multiples, qui m’a promis de faire son possible pour venir à Plaisance présenter le film. J’ai bu de la vodka avec mon ami réalisateur et sa productrice polonaise qui ont le projet de tourner un long-métrage dans notre région. J’ai mangé avec les jeunes collaborateurs gersois qui montaient les marches pour la première fois et j’ai conduit avec la programmatrice qui nous permet de voir ici tous les films du monde. J’ai marché seul pour rentrer tard la nuit et dormir un peu. J’ai rêvé que j’y retournerai l’année prochaine, que j’y retrouverai ceux que je connais et que j’en découvrirais d’autre. Je remet l’uniforme demain, vers une autre destination, un autre continent. Partir et revenir, l’incessant mouvement, le titre d’un film, le tempo de nos vies…"
Patrick
(ps: je précise que ce séjour accrédité est pris sur mon temps de vacances personnel et à ma charge)