Il y a cent ans… 1918 : le grand tournant ?

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À l’occasion du centenaire de la première guerre mondiale, la Société archéologique du Gers et les écrivains publics du Gers se sont associés pour vous faire découvrir la chronologie des événements marquants de la Grande Guerre, tels qu’ils ont été vécus par les Gersois, au travers des grandes batailles qui l’ont émaillée. Chacun d’eux sera l’occasion d’un article qui en reprendra les grandes lignes et s’appuiera sur des portraits d’hommes, soldats gersois, morts ou disparus. L’idée de cette série est de leur rendre hommage pour, qu’à travers eux, le sacrifice de tous ceux de 14 ne soit pas emporté par l’oubli, même cent ans après.

1918… se doutent-ils, ces soldats gersois, que cette nouvelle année qui commence verra enfin l’enfer se refermer ? Imaginent-elles, ces femmes de l’arrière, seules aux commandes dans les fermes, les ateliers, les commerces, les usines du Gers, qu’elles retrouveront bientôt leurs hommes ? Peut-être…

Ainsi, en ce 1er janvier, la une de l’Express du Midi titre-t-elle : « 1918 : Le grand tournant ».  L’article qui suit, signé du journaliste Victor Lespine[1], ne peut que nous interpeller par sa justesse de regard et son caractère prémonitoire :

« Au seuil de cette quatrième année de guerre, lorsque, regardant en arrière, dans l’immensité des champs de bataille, nous considérons l’amas effroyable de ruines […] Nos esprits interrogent. Ils veulent savoir et connaître. […] Et avec tous les éléments d’information dont nous disposons, il nous plait de nous répéter à nous-mêmes que finira le drame commencé il y a douze cent quarante-sept jours.

Que de chemin parcouru à travers les fautes, les erreurs, les incohérences et les contradictions […] Seuls les ignorants et les insensés pouvaient croire qu’il suffirait de quelques mois d’héroïsme pour abattre l’ennemi […] Sans doute, nous n’étions pas prêts pour résister au choc savamment et dès longtemps prémédité à Berlin. Sans doute, notre infériorité en hommes et en armes était manifeste ! Ils s’en aperçurent tout de suite, les héros qui, en août 1914, durent se replier sur la Marne sous le nombre des mitrailleuses et de l’artillerie lourde ennemie ! Sans doute, nous avions encore beaucoup à apprendre […] La déception a été dure et cruelle. Il a fallu se rendre à l’évidence et entreprendre, sous le feu de l’envahisseur, l’œuvre de réparation et de salut. […]

Ce fut le souhait de Nouvel An de 1915. Mais deux autres millésimes devaient se succéder avec leur cortège de vœux et aussi de regrets. Notre cuirasse de fer et de feu devenait plus solide à mesure que de nouveaux alliés venaient à nous. 1917, qui nous prit la Russie, nous donna l’Amérique. 1917 fut le point culminant qui nous permit d’observer bien des lacunes, bien des faiblesses, bien des dangers. […]

Et voici 1918 qui s’offre à nous pour tout réparer, pour tout sauver, pour nous rendre la paix ! Certes, le douloureux cliquetis des armes se poursuit et, dans les dispositions que prend l’adversaire, comme dans nos propres préparatifs, tout indique que ce n’est pas la fin immédiate. Il faut encore se battre, puisqu’il faut avancer. Il faut que notre volonté de finir la guerre – et de la bien finir – s’affirme en un geste décisif et victorieux. Les morts des trois premières années l’exigent, et nul parmi ceux qui ont le devoir de les venger ne songe à reculer. Mais cette pensée commande si impérieusement aux hommes et aux choses, qu’elle éveille une autre idée non moins prenante et irrésistible : la paix ! […]

De cette paix, qui éclaire les premiers pas indécis de 1918, nous ne sommes séparés que par quelques efforts. Mais la séparation est visible. Le chapitre du sacrifice n’est pas clos. Pour le terminer, il faudra des semaines et des mois qui nous paraîtront bien longs. […]

Salut donc à l’année nouvelle qui, au grand tournant de la guerre, nous promet la réalisation de l’idéal français ! Salut à 1918 qui rendra nos larmes moins amères et mettra des lauriers sur les tombes de nos martyrs. Salut à 1918 qui annonce notre paix ! […] »

1918 semble donc réveiller l’espoir… Mais, en ce mois de janvier, les Gersois continuent de faire face aux mêmes difficultés : les pénuries et les difficultés de ravitaillement, le rationnement et les réquisitions, l’absence des hommes et de main d’œuvre. Et toujours, toujours, sans trêve, des soldats continuent de tomber. 28 morts sont à déplorer pour le seul mois de janvier 1918, 25 en février et jusqu’à 68 en mars : ce premier trimestre porte donc à 126 le nombre des soldats tués. Mais il est difficile désormais d’identifier des régiments spécifiques car les soldats sont déployés dans toutes les unités, en fonction des besoins et non plus par affectation régionale. 

[1] Victor Lespine : Journaliste (1870, à Toulouse – 1949). Collaborations : Le Roussillon ; L'Express du midi (Toulouse) ; Le Journal de Toulouse ; La Gazette du Tarn.

PORTRAIT : Isidore, Jean, Bertrand RICAUD

Né le 14 décembre 1897, de Germain et Apolomie  Corrégé, à Sarcos, dans le canton de Masseube, Isidore est mobilisé à compter du 28 août 1916. Incorporé au 11ème Régiment d’Infanterie (casernement de Montauban et Castelsarrasin), il rejoint ses camarades à l’automne et fait son baptême du feu en participant avec eux à bataille de Verdun. Au printemps 1917, il participe également à la bataille de Moronvilliers, dans la Marne, avant de passer au 348ème régiment d’infanterie (casernement d’Abbeville – Somme), le 17 septembre, dans le secteur de Verdun.

Le 328ème RI vient d’essuyer, au cours des semaines précédentes, des pertes graves et importantes, le régiment est donc recomposé. Isidore se retrouve donc, une nouvelle fois, sur les hauteurs de Verdun, jusqu’en Octobre. Le régiment est ensuite envoyé dans le secteur de Saint-Mihiel où le jeune homme fête ses vingt ans. Malheureusement, le 1er janvier 1918, alors que le secteur est plutôt calme, un coup de main[2] allemand se produit par surprise dans une tranchée et deux soldats sont tués. Parmi eux se trouve Isidore.

Il est inhumé sur la commune de Saint-Mihiel (Meuse), dans la Nécropole Nationale de Vaux-Racine, tombe 1349. Son nom est transcrit sur le monument aux morts de Sarcos, d’où il est originaire.

[2] Les coups de main sont des opérations de petite guerre, dans le sens où elles engagent sur un front réduit des effectifs limités. Elles visent principalement des positions adverses de petite envergure. Un coup de main est de courte durée. Le principe est d'engager un combat rapide sur un lieu précis sans laisser le temps à l'ennemi de s'organiser et de se défendre.

Photo de Une : « Coup de main » début 1918

Photo ci-dessus : le monument aux morts de Sarcos (Gers)

 

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