Il avait 94 ans ; si son grand âge en faisait une des mémoires du village, le fait de tenir de très, très longues années le bar-restaurant du village, en faisait un des témoins les plus fiables de la vie locale. Qui n’a pas fréquenté dans sa jeunesse le Café Ladouch. Pierrot le tenait de son père qui l’avait hérité lui-même de son père. Trois lignées de Ladouch s’y étaient succédées.
Le premier, coiffeur de son état, installé là où se trouve actuellement le restaurant, avait acquis la maison attenante pour en faire le café. La vue représentée par une ancienne carte postale en témoigne. C’était un établissement qui fonctionnait bien. Il y venait du monde me confiait Ginette, son épouse. Les rencontres sportives constituaient un appréciable apport de clientèle. Pierrot fit partie de l’équipe de rugby qui jouait dans le pré du Château de Rouquettes après la guerre. Son ancien coéquipier Janot Tobi, ancien boulanger, nous dira qu’il tricotait si vite qu’il avait été placé à l’aile. Tout ce monde se retrouvait ensuite dans son café, comme le jour où les vétérans valenciens rencontrèrent leurs homologues beaucairiens dirigés par un certain Hornoga. Malgré la branlée reçue, tout le monde se retrouva pour festoyer chez Pierrot. Plus près de nous, à l’époque glorieuse, c’est l’ALV basket qui y tenait son quartier général sous l’œil complice du patron des lieux. Il aimait le sport en général qu’il suivait à la télé alors qu’il avait des difficultés pour se déplacer, avec une préférence pour les courses de chevaux.
Pierrot est parti avec ses souvenirs. Nous n’aurons plus l’occasion de discuter du Valence qu’il avait connu, un village vivant, aux nombreux commerces. Dans une société de l’anonymat et de l’individualisme, il représentait une autre façon de vivre. Adieu Pierrot.
Claude Laffargue