Cet article est le compte rendu de la 2e rencontre – le 4 mars 2016 à Saint-Mont - du Journal du Gers avec André Dubosc, principal artisan de la conquête de la qualité des vins de Saint Mont. [« Saint-Mont » avec le tiret concerne le village et « Saint Mont » sans tiret concerne l'AOC].
André Dubosc est manifestement embarrassé d'être mis en avant par les médias depuis de nombreuses années. Il en convient pourtant, c'est en faisant connaître son action, qu'il travaille le mieux à faire connaître et apprécier le Saint Mont. Mais il veut que l'on sache qu'une foule d'autres hommes et femmes se sont passionnés pour l'aventure du Saint Mont et lui ont sacrifié leurs forces et leurs loisirs. Il cite en exemple Bernard Dupouy, vigneron à Couloumé-Mondébat, qui vient de décéder. Un vigneron très attaché au Saint Mont, qui acceptait sans rechigner d'animer des points de vente du Saint Mont dans des villes éloignées et difficiles d'accès. Et les employés n'étaient pas en reste, qui passaient l'heure du déjeuner à mettre le vin en bouteille à la main dans les premiers temps…
Découvertes en Allemagne et en Écosse
Notre hôte revient sur ses débuts de technicien, puis directeur des 3 Caves de Saint-Mont, Aignan et Plaisance-du-Gers. En 1973, il fait un stage dans la distillerie du whisky Johnny Walker avec des professionnels de l'armagnac. Puis en 1974, il fait un stage dans la région viticole de Worms (1) qui le marque : « Ces gens font du bon vin blanc, meilleur que le nôtre, avec de mauvais raisins ! » Il ajoute : « C'est là que j'ai appris à faire du bon vin blanc, dans une hygiène parfaite ! ».
Un autre stage aux États-Unis, en Californie, lui fait découvrir un outillage ultra-moderne. Au cours de ces différents stages, il acquiert la conviction qu'il est fondamental de séparer production et commercialisation.
À l'époque précédant ces stages, les Caves avaient 3 « jambes » : le Saint Mont (qu'il fallait développer), les vins blancs « réducteurs de prix » (ils étaient bon marché) et le Madiran (dans le Gers). L'idée était donc de faire la promotion de ces 3 « jambes » les unes par les autres.
Une culture paysanne originale
C'est alors qu'en 1976, un Plan Grand Sud Ouest, dont la partie agricole (soutien aux filières) était due à Yves-Jean Bentegeac (2) est mis en route. Le plan de développement du Saint Mont est formalisé. C'est alors que l'œnologue Claude Houbard est embauché pour vinifier et effectuer la mise en bouteille stérile comme la pratiquaient déjà les Allemands.
D'Irouléguy (Pyrénées Atlantiques) à Marcillac-Vallon (Aveyron), en passant par le bassin de l'Adour, les vignerons sont fiers de leurs cépages originaux. Ils se sentent d'une culture paysanne différente de celles du Bordelais et du Languedoc et ils ne voulaient être englobés ni dans l'un, ni dans l'autre. C'est pourquoi, dans les années 1980, Guy Dartigue, président de producteurs Plaimont, crée l'Association viticole du Sud-Ouest à Toulouse. C'était un avantage vis-à-vis de la grande distribution, qui affectait tous ces vins dans un seul rayon « Sud-Ouest ».
Puis l'association a suscité la création de l'Interprofession des vins du Sud-Ouest d'Irouléguy à Marcillac, où entre aussi le Cahors, mais pas tout-à-fait le Bergeracle Bergerac.
Coup de tonnerre à Toulouse
Des opérations spectaculaires sont montées entre 1980 et 1985. Un avion complet de vignerons prend l'avion à Pau et ses passagers vont à Paris faire la promotion de leur vin dans les magasins Nicolas. L'opération est renouvelée plusieurs fois et il arrive que les vignerons fassent la rencontre impromptue de célébrités. Ces actions augmentent la motivation des vignerons. Comme aussi l'expédition qui a consisté à envahir le Champ de mars autour de la Tour Eiffel en compagnie des d'une paire de bœufs, une idée de Georges Lescun avec la complicité des grands restaurants gascons (Roger Duffour, Maurice Cosculuella, Bernard Ramouneda) qui recevaient au 1er étage de la Tour Eiffel.
Pour faire connaître le Saint Mont, il faut frapper fort : avec la bénédiction du maire de Toulouse, Dominique Baudis, le 24 septembre 1993, 120 vignerons investissent la place du Capitole à Toulouse. La veille, ils ont planté 400 pieds de vigne dans du sable apporté tout exprès et, le lendemain et pendant 3 jours, ils vendangent et pressent le vin dans un pressoir pour la plus grande joie du public. Et ils avaient invité d'autres représentants des vins du Sud-Ouest.
Dans la même veine, de nombreux vignerons (avec béret et tablier) et le commercial Jean-Luc Garnier « font » le Tour de France cycliste en faisant déguster - aux cavistes, aux distributeurs et au public - les vins blancs, le Saint Mont et le Madiran dans toutes les villes étapes. Le Tour est même passé une fois à Saint-Mont ! Ce fut grandiose : les coureurs ont traversé le village où 300 vignerons faisaient la haie. À chaque étape, un stand « kilomètre 92 » recevait clients et amateurs .
Et puis une opération de prospection est effectuée chez les cavistes de Londres. Et un Anglais, Simon Loftis, écrit un livre à la gloire du Saint Mont, tandis que le guide britannique des vins Adnam met le Saint Mont au rang des grands vins.
Les restaurateurs gascons coopèrent – Les restaurateurs gersois de la Ronde des mousquetaires mettent le Saint Mont dans leur carte des vins. Le célèbre André Daguin, à l'Hôtel de France à Auch, est le premier à le faire. André Dubosc cite, par exemple, Bernard Ramouneda à Castéra-Verduzan et Maurice Coscuella à Plaisance-du-Gers et, à Lectoure, l'Hôtel Le Bastard.
Les Châteaux
Très tôt, Producteurs Plaimont avait pressenti l'importance pour l'image du Saint Mont de posséder des châteaux-images. Patiemment, de 1975 à 1987, on négocie avec Janine Touzet, propriétaire du Château de Sabazan et de 14 ha de vignes. Elle accepte de planter du Saint-Mont sur 4 ha (3), puis elle construit un chai de vinification. Enfin, en 1987, un accord avec la Cave d'Aignan donne à celle-ci en location le reste du domaine viticole qui est alors planté en cépages Saint Mont.
Dans le secteur d'Aignan, en 1989-1990, ce sont les 55 ha de vignes du Château Saint-Gô (à Bouzon-Gellenave) qui intéressent Plaimont : il s'agit du domaine Vanderhaegen que son propriétaire vend pour cause de départ en retraite. Plaimont rachète et donne en location à six jeunes vignerons, de même que le vignoble du Château de Sabazan est donné en location à sept jeunes. Pourquoi en location ? André Dubosc répond que, vu la situation économique, personne ne pouvait acheter et investir, d'autant qu'il fallait rénover les chais de vinification et élever le vin en barriques.
Il y eut ensuite les Châteaux du Bascou (Bouzon-Gellenave) et Larroque (Pouydraguin) où sont effectuées des expériences de culture avec, par exemple, un encépagement de 8 000 pieds/ha (au lieu de 4 000), expériences qui donnent des vins intéressants pour l'image du Saint Mont, mais encore peu rentables.
Le Monastère de Saint-Mont a un vignoble qui rejoint ceux des Châteaux dans une filiale de Plaimont Producteurs créée pour les gérer : Châteaux et Terroirs Vascons.
La fête de l'assemblage du Faîte
C'est dans la cérémonie de l'assemblage du Faîte rouge et blanc, en février de chaque année, que s'affiche clairement la volonté d'André Dubosc d'associer pleinement à la réussite des vins de Saint Mont vignerons et employés. Ceux-ci dégustent et jugent à l'aveugle les assemblages et décident de celui qui sera retenu. Au même titre que les parrains internationalement connus, comme experts en œnologie, qui président la cérémonie.
Épilogue
En 2000, l'organisation en coopératives par cantons cède la place à une organisation par vins, d'où la naissance de la Cave coopérative des vins de Saint Mont, qui a gardé les 5 unités de production de Saint-Mont, Aignan, Sabazan, Saint-Gô et Plaisance-du-Gers.
En 2006, André Dubosc prend sa retraite et est remplacé par Xavier Gomard, puis, en 2006, par Jean-Pierre Grangé. Mais il continue à s'intéresser au Saint Mont, au Madiran, au Pacherenc, aux vins blancs et à ceux qui le font. Et chacun sait ce que lui doivent l'entreprise commune de Producteurs Plaimont en général et des vins de Saint Mont en particulier.
(1) Région où l'on fait du Liebfraumilch, un vin blanc très connu dans le monde. (2) du cabinet du ministre de l'agriculture Jacques Chirac et futur préfet de région à Toulouse. (3) AOC Vin délimité de qualité supérieure (cette appellation a disparu. On se souvient que la 1e demande d'obtention de l'AOC VDQS date de 1975 et qu'elle n'a abouti qu'en 1981. (4) Le reste était planté en cépages destinés à l'armagnac.