Daniel Marcadet : Au long de mes quatre précédents "Itinéraires gascons", la ruralité a été omniprésente.
La Préhistoire et l'Antiquité sont aujourd’hui mieux connues par les avancées de l'Archéologie.
Depuis la Grande Guerre, "le siècle des mémoires vivantes", grâce à des témoignages directs, de nos Gersois des villages et des fermes, en est la conclusion. Ces dernières tranches de vie, recueillies oralement, nous font ressortir les bouleversements que nos parents et nous-mêmes avons vécu dans cette "Révolution silencieuse".
Auparavant, pendant des siècles, c'est le pas lent du paysan gersois, dans son "destin de peines et de labeurs", que nous voyons avancer, avec prudence, ponctué de quelques rares "fureurs», sursauts de survie.
Daniel Marcadet, [email protected] Corep Toulouse, 234 p. format A4 Prix ttc : 24 euros
Préface :
« L’étude de la terre et des paysans est un domaine fondamental pour comprendre ce monde que nous avons perdu ... C’était celui de nos ancêtres, ce fut celui de l’humanité à partir du Néolithique » Jean-Pierre Poussou, 1999
La parole des paysans comme témoignage historique direct est particulièrement rare, ce sont d’autres témoins qui s’expriment presque toujours pour eux, des récits de voyages, des écrivains naturalistes, ou des notables locaux qui sont censés traduire, par exemple, les requêtes des paysans dans les cahiers de doléances de 1789, pour nos communautés rurales. Ce sont ces mêmes sortes de témoins qui décrivent les moments de fièvres paysannes, pour s’en inquiéter ou pour alerter les autorités.
Que fait Rouget de l’Isle de différent dans ce couplet de notre Marseillaise, choisi comme titre énigmatique ? Il ne dénonce pas la misère paysanne, mais l’invasion étrangère contre laquelle la Nation se mobilise. C’est un autre des principaux facteurs des malheurs de nos campagnes que ces troupes guerrières, de passage ou installées, tout au long de l’Histoire, des légions de César en 56 av. J.C, des bandes de "routiers "plus tard, jusqu’aux divisions allemandes en 1944. Nos communautés paysannes n'ont d'ailleurs pas toujours été des victimes passives, depuis les Bagaudes de la fin de l'Antiquité en passant par les "fureurs" évoquées par Pierre Goubert pour le XVIIème siècle, jusqu'aux mouvements du XXème, contre la PAC par exemple. C'était parfois une question de vie ou de mort, éviter la famine pour sa famille pendant des siècles, ou à notre époque assurer la survie de sa ferme. Mais les obscurs travaux et les jours restent l'essentiel, le pas lent et prudent du paysan, jusqu'à la rupture productiviste des années 50-60 de ce XXème siècle de tant de bouleversements, jusqu'au fond des campagnes.
Entre les chasseurs-cueilleurs puis les premiers agriculteurs et ceux de notre XXIème siècle, le projet consiste à mettre l’accent sur les paysans et les terroirs de notre Gascogne gersoise, tout au long de l'Histoire, en utilisant les travaux des historiens, et des témoins le plus souvent possible, avec le même état d’esprit que celui qui m’a guidé dans les quatre premiers « Itinéraires gascons », dans lesquels ruraux et paysans occupaient déjà une grande place, parfois reprise ici, parfois vue sous un autre angle. Certaines périodes, survolées dans les quatre premiers « Itinéraires gascons », sont ici développées : l’Antiquité et la Préhistoire, l’époque classique également. « Itinéraires V » n’est donc pas la suite des quatre premiers.
La période récente, celle de l’ère du tracteur et de la mécanisation, la "révolution silencieuse" comme l'appelait heureusement Gilbert Sourbadère, sera consacrée à des témoignages directs, des parcours de vie d’agriculteurs et ruraux gersois. A l’époque où les paysans sont devenus très minoritaires dans la société même rurale, ils ont désormais le tracteur pour barrer les routes, ils ont même été les précurseurs de ce type de luttes sociales, pour se faire entendre, ne pas rester silencieux quand ils sont menacés. Leur poids économique et social reste très fort, le retour en force du manger local, du bio, les problèmes très sensibles de pénuries alimentaires, tout contribue à garder à l’agriculture le rôle décisif qu’elle avait quand nos agriculteurs représentaient jusqu’à plus de 80% de la population de notre pays, dont la citation initiale de Jean-Pierre Poussou nous rappelle le fond paysan.