Autrefois, la période automnale était marquée par la grande foire aux oies maigres à Riguepeu.
Elle a été annulée cette année certainement en raison des maladies qui touchent les volatiles.
A Riguepeu, on vendait les oies maigres à des volaillers-gaveurs qui venaient des Landes, de la Dordogne, des Bordelais, on a même vu une année un gaveur du centre de la France !
Il avait acheté tellement d'oies qu'il n'avait pas pu toutes les emporter le soir-même et il avait dû faire venir trois camions de chez lui ; en attendant, les oies sont restées dans un parc à côté du moulin de Riguepeu.
L'oie maigre, c'était l'oie que l'on élevait pour la vendre sur la foire de Rigueupeu. A cet effet, on construisait sur la place des parcs pour les enfermer et on retrouve encore des pointes sur le platanes.
Le éleveurs conduisaient leurs oies à pied parfois sur 4 ou 5 kilomètres. Chaque éleveur avait un signe pour son élevage, par exemple un ruban de couleur qui permettait de distinguer les bêtes.
Les acheteurs arrivaient nombreux le matin vers les 10 heures. La mamie qui tenait le petit restaurant racontait qu'au cours du déjeuner de midi qu'ils prenaient chez elle, ils s'accordaient sur le prix proposé aux vendeurs de façon à ce qu'il n'y ait pas de surenchère... sauf une année où un acheteur parisien était descendu, avait mis le feu aux prix et les autres ont dû s'aligner sur le prix proposé.
Toutes les fermes élevaient des oies et en gardaient 10 à 15 pour le gavage local par la gaveuse de la maison avec le maïs du pays.
On les faisait d'abord bien paccager au milieu du sanfoin, du fourrage pour que leur jabot gonfle et qu'on puisse y introduire une bonne quantité de maïs.
Ces oies étaient venues à la ferme grâce aux femelles qu'on avait gardées et dont on avait récupéré les œufs.
On faisait couver ces œufs par les poules parce qu'elles s'occupaient bien des oisons.
Le temps du gavage
On enfermait les oies dans un local peu éclairé, recouvert de paille à la température tempérée.
Le maïs produit à la ferme était bien sec. On le faisait bouillir dans l'eau dans laquelle on avait rajouté un peu de graisse pour que le maïs glisse bien dans le gosier.
Ma grand-mère racontait que certaines pissaient sur le maïs car cela faisait gonfler les foies. Elle disait qu'elle ne le faisait pas et qu'elle avait pourtant des foies qui approchaient le kilo !
Les oies étaient gavées deux fois par jour quand l’aube se levait et quand l’obscurité avait gagné les bâtiments. avec un gavoir spécial inventé par un vicois, Monsieur Auxion, avec une petite trémie, une manivelle qui actionnait une palette et une vis sans fin qui entraînait le maïs jusque dans le jabot de l’oie.
La femière remplissait la trémie de maïs et tournait la manivelle lentement, de temps en temps, elle caressait le cou de l’oie pour faciliter la descente du maïs dans l’œsophage et ajoutait un peu d’eau pour aider à la digestion. Puis elle libèrait l’oie qui, nullement stressée, regagnait ses congénères et s’ébrouait.
Avant l’invention du gorgeoir, on utilisait un simple entonnoir et on poussait le grain avec un bâton à bout rond.
Au bout d'un certain temps, les oies commençaient à se déplacer difficilement dans le parc.
Le temps du plumage
C'était le moment de passer à l'étape suivante : le sacrifice.
La fermière faisait le tour de ses voisines pour fixer le jour où l'on allait tuer les oies à la maison. Chaque famille envoyait quelqu'un.
Quand les bêtes étaient tuées, il fallait les plumer.
Le plumage sec se faisait quand on voulait récupérer le duvet très doux et très chaud que l'on mettait dans les édredons.
On fabriquait une grande housse en toile épaisse que l'on remplissait de duvet pour mettre sur les lits.
Si on avait assez d'édredons à la maison, on vendait le duvet au chiffonnier qui venait avec son petit peson généralement faux! Il payait tout de même bien car il était en affaire avec un fabricant d'édredons.
On gardait une aile avec les plumes pour faire un plumeau qui servait... à déplacer la poussière !
La deuxième méthode de plumage consistait à tremper l'oie dans l'eau bouillante, les plumes s'enlevaient facilement et c'était plus rapide et complet
Le temps des foies
Une fois que les oies étaient alignées sur la table, arrivait l'opération cruciale, les ouvrir pour constater le résultat du gavage et voir celles qui avaient le plus gros foie.
Aujourd'hui, on parle de magret, de confit mais autrefois, c'était le foie qui comptait le plus.
« A quet qui bet, que diou pesa un kilo ! Ah qu'il est beau, il doit peser au moins 1 kilo ! » disait la fermière et chacun laissait ses oies pour venir voir la bête qui avait offert un tel foie.
On commentait aussi la couleur, il fallait qu'il soit rose et pas sanglant
Mais il y avait aussi des déceptions : « Celui-là, tu ne le vendras pas, il est petit et sec, il y a des traces de nerfs, et ça, ce n'est pas bon. »
« Je m'en doutais, c'est l'oie qui restait toujours dans son coin et qui ne mangeait pas. Tant pis, on le gardera pour nous. »
Les foies étaient destinés à être vendus sur le marché mais on en gardait pour les festins, la première communion du petit, le baptême du petit cousin, pour la voisine qui nous avait aidés.
Le lendemain, la fermière passait à la découpe et à la confection des confits dans la grande marmite en cuivre.
Après cuisson, ils étaient disposés dans des pots de terre et recouverts de graisse.
Le gastrononome appréciait aussi les ossilles, c'est-à-dire la carcasse de l'oie sur laquelle reste un peu de viande que l'on fait griller.
Si aujourd'hui, l'élevage et la production sont devenus industriels, il est à noter que dans la région, fonctionne une petite conserverie, Riguecoop, qui travaille les oies à l'ancienne avec des recettes d'autrefois : cette petite structure qui fonctionne en coopérative est composée de ruraux qui connaissent bien ce travail de conserverie de l'oie et du canard et qui perpétuent les traditions.
Pierre DUPOUY