C'est l'hiver - du moins sur le calendrier ! -, le temps des fêtes, celui du rassemblement des familles et de l'évocation par les plus anciens des souvenirs des hivers d'antan.
En voici un...
Lou destanadé arrivait après les vendanges, quand l'hiver soufflait sous votre porte et vous obligeait à vous cantonner au coin du feu.
La dernière récolte de l'automne était celle du maïs.
A cette époque, rien à voir avec les hectares de maïs que l'on voit aujourd'hui !
On avait un champ de maïs pour gaver les oies, pour les cochons, pour les poules, également pour confectionner des armottes, ces gâteaux réalisés avec de la farine de maïs.
Au moment de la récolte, le champ était clair puisqu'on avait déjà coupé les pointes pour nourrir les vaches.
Il s'agissait d'arracher l'épi de sa tige et de le mettre dans un baquet encore collant de la vendange des semaines précédentes.
Quand le baquet était plein, on le versait dans un tombereau, c'est-à-dire une charrette que l'on pouvait basculer, ce qui était pratique pour décharger son contenu dans la grange.
Quand la récolte était dans la grange, il s'agissait de dépouiller les maïs, c'est-à-dire enlever les spathes qui cachaient le grain. On enlevait quelques feuilles mais on en laissait 3 ou 4 pour pouvoir faire des manoques, c'est-à-dire de longues tresses qui seraient accrochées le long du mur exposé au midi.
On jetait le reste.
Lou destanadé se faisait l'hiver quand les journées sont courtes et que l'on organisait des veillées.
On invitait alors les voisins à venir dépouiller.
On s'installait autour du tas de maïs par affinités, les jeunes avec les jeunes, les vieux entre eux... et on commençait ce travail d'arrachage des feuilles.
Très vite, on se retrouvait ensevelis sous les spathes de maïs qu'on se jetait alors à travers !
Certains épis avaient la maladie du charbon. La grande astuce était de prendre du charbon et de barbouiller les joues des filles !
Le propriétaire comprenait alors qu'il était temps d'arrêter et que l'on ferait une autre soirée de dépouillage car la pagaille commençait à gagner sa grange.
Munis des lampes-tempête, on prenait le chemin de la cuisine.
Dans le feu, glougloutait l'eau d'une grande marmite où cuisaient les châtaignes avec des feuilles de thym pour leur donner du goût.
On avait aussi sorti des pains de 4 kilos et les jeunes se taillaient de grandes tartines de toute la largeur du pain qu'ils faisaient griller devant le feu puis garnissaient de confiture ou de pâté.
On passait ensuite aux châtaignes et on voyait les convives d'un habile petit coup d'Opinel déchirer la peau des châtaignes.
La soirée s'annonçait bonne car on accompagnait les châtaignes de vin nouveau, du bourret, un vin qui avait un petit peu de piquant.
On apportait des Marie-Jeanne, c'est-à-dire des bouteilles de 2 litres et demi.
On en buvait beaucoup car le degré n'était pas encore celui du vin.
Il y avait aussi les gâteaux cuits dans la poêle.
Quelques papis se mettaient à chanter des chansons d'autrefois que les convives reprenaient en choeur.
C'était un peu la fête !
Pierre DUPOUY