Pour ceux qui l'auraient raté, le chapitre 1 de la dernière nouvelle de François Macé, c'est ici : https://lejournaldugers.fr/article/49197-le-petit-monde-de-vic-le-retour
Chapitre 2 :
La chanteuse entre en scène, tape sur le micro et toussote pour en vérifier le fonctionnement.
Josy l’observe. La démarche est mal assurée.
« C’est pas possible ! Elle n’a jamais marché avec des talons ! »
Un grand costaud, les cheveux en queue de cheval et portant un Stenson blanc et une chemise noire, s’approche de Josy pour la saluer.
Cette dernière lui tend sa joue pour une bise distraite.
« La chanteuse, tu as vu ? »
- Ben oui, elle est chouette, t’as vu ses fesses ? Boudiou ! »
Désabusée, Josy lui retourne :
« Vous les hommes y a rien à y faire ! »
Un pique nique est prévu avant le départ de la fête vers 19h. Une table est dressée un peu à l’écart sur la pelouse. Une grande nappe en papier blanc la recouvre. Tous se retrouvent avec les musiciens.
Hubert interpelle Josy au passage devant sa buvette.
« Hola ! Je t’offre une petite bière. Tu n’arrêtes pas de porter des objets, d’organiser ».
- Je ne refuse pas ! Tu as vu la chanteuse ? Elle n’a pas chanté pour se chauffer la voix ?
- Pas fait attention ! J’ai vu ses fesses, cela me suffit ! »
Là-dessus Josy soupire, avale son verre de bière et laisse Hubert à ses occupations.
Elle trouve une place libre à l’extrémité de la table. Le groupe est loin d’elle.
Si la bassiste et le batteur sont joviaux et échangent des banalités et des souvenirs, la chanteuse, elle, s’est enfermée dans le mutisme le plus complet.
La bassiste se rend compte de la situation.
« Elle toujours comme cela, c’est le trac. Elle se concentre et se remémore les paroles des chansons ».
Un silence admiratif s’impose sur la table de convives bavards.
Le concert débute à 21h comme prévu pour s’achever tard dans la nuit. Pas loin de 200 danseurs sont venus des régions voisines pour répondre à l’invitation.
Le concert se déroule dans une chaude et bonne ambiance. Hubert sert bières après bières à la buvette. A 22h30, il en est à son quatrième fût.
C’est à ce moment que le maire entre. Il est vêtu d’un pantalon blanc, d’une ceinture rouge et d’un bandana autour du cou. La marinière achève la tenue. Les danseurs proches de lui s’arrêtent. Ils sont stupéfaits. La tenue vestimentaire n’est pas vraiment en adéquation.
Un irrespectueux se permet de lancer à la ronde :
« Olé ! »
Hubert l’appelle à la buvette.
« Vous prendrez bien une bière ? Pour la mairie, on fait un prix ! 2,50€ ! »
Le maire tend un billet de cinq euros.
« Vous laissez la monnaie pour l’association ? »
Sans attendre la réponse, Hubert referme le couvercle de la caisse métallique, cela sous le regard médusé de l’élu.
« Mettez un chapeau ! Cela vous ira mieux ! » Hubert sort un Stenson de dessous le bar. Le maire devient aussi rouge que son bandana.
Le groupe annonce une pause de vingt minutes. C’était prévu et c’est l’usage.
Crazy Ladywest descend de la scène en se tordant la cheville une fois de plus sous le regard de Josy.
Elle marmonne :
« Je ne l’aurais pas vue boire que de l’eau à table, je penserais qu’elle est soûle ! »
Elle se rattrape in-extremis à l’épaule de la bassiste.
Un guitariste monte sur scène pour interpréter deux ou trois chansons nostalgiques de l’Ouest américain.
Josy suit du regard la chanteuse qui s’en va aux toilettes. On ne sait pourquoi, cette dernière lui emboîte le pas et la suit avec une relative discrétion.
Comme on peut s’en douter, toutes les deux entrent dans les toilettes réservées aux femmes.
Josy perçoit le jet de l’urine dans la cuvette des toilettes.
« Elle pisse dru comme un homme ! » marmonne cette dernière en se lavant les mains avec énergie. Les hommes, elle connaît.
Ensuite, elle perçoit une long froissement de tissu et de jean qui se réajuste avec difficulté.
La porte s’ouvre enfin. Crazy Ladywest lui décoche un sourire gêné. Les cheveux sont quelque peu en bataille.
Crazy Ladywest se penche pour se laver les mains. Josy les observe. On ne la trompe pas. Même manucurées, ce sont des mains d’homme.
Josy lui passe la main sur la joue. Cela gratte.
Elle se recule et observe Crazy Ladywest de dos. Ses fesses sont de travers.
« Vous n’êtes pas la chanteuse de l’année dernière ! »
La-dessus Josy lui envoie une claque sur les fesses.
« C’est tout mou ! Je m’en doutais ! C’est quoi cette histoire ? »
-Vous promettez de ne rien dire ? Je suis le frère jumeau de Crazy Ladywest, elle est malade. Quant à moi, j’ai des problèmes de prostate ! J’ai tout de même 55 ans ! Je l’ai remplacée comme je le fais parfois. On chante en play-back… »
Josy est plutôt satisfaite d’elle. Perfide et sournoise, elle lui tape sur le bas du dos.
« Je ne dis rien à Jeff si vous me donnez vos fesses ! »
- Pas avant la fin du concert ! »
Elle lui plante une bise sur la joue.
« Vous chantez bien, tout le monde est content ! C’est le principal. En fin de compte si vous aviez annulé au dernier moment on aurait été sacrément ennuyé. »
Epilogue
Vers deux heures du matin, les membres du club rangent la salle pour la journée du lendemain qui sera animée également.
Hubert compte ses pièces de monnaie. Le club pourra s’acheter des chapeaux neufs.
Josy interpelle Hubert.
« Tu n’as pas arrêté de lorgner les fesses de Crazy Ladywest ».
Il s’en défend avec vigueur.
« J’ai un cadeau pour toi ! »
Elle se penche et ramasse, posée à ses pieds, une paire de fesses moulées dans une espèce de culotte en latex.
« Je t’offre les fesses de Crazy Ladywest ! ».
Cette dernière s’éloignait accompagnée de son équipe. Hubert s’aperçoit que la chanteuse flotte dans son jean et a perdu toutes ses formes rebondies.
« Mais c’est quoi cette histoire ?
- Plus tard, tu pourras dire que je t’ai apporté les fesses de Crazy Ladywest ! »
Il lorgne incrédule l’objet posé sur le bar. Deux ou trois bénévoles curieux commençaient à s’approcher. Il dissimule le tout à ses pieds.
"Belle soirée, n'est-ce pas? " leur lance-t-il...
Texte et illustrations : François Macé