Il y a quelques années, couraient dans les guérets, dans les chaumes, se cachaient dans les broussailles des dizaines et des dizaines de lapins.
Hélas, la myxomatose arriva et la population de lapins de garenne diminua.
Ces lapins étaient la cible des chasseurs qui les traquaient avec leur chien, pas un chien de chasse, un chien courant, celui qui gardait les vaches.
On aimait bien les lapins et les cuisinières étaient ravies quand le chasseur revenait avec plusieurs lapins qu’elles préparaient selon différentes recettes : il y avait le lapin en civet, le lapin à l’ail et au persil, s’il était jeune on le faisait griller et on le mangeait avec une bonne rémoulade.
C’était un plat très apprécié.
Pour attraper les lapins, il n’y avait pas que le fusil, on utilisait aussi…le furet !
Le furet est un de ces petits mustélidés très souple au joli poil noir au-dessus et sepia sous le ventre, très agressif et doté de dents pointus ; c’est un excellent chasseur dans les trous et les terriers.
Les agriculteurs fabriquaient des terriers. Ils amenaient dans les champs de grosses pierres qu’ils assemblaient pour construire des galeries qu’ils recouvraient de terre et de branchages.
Les lapins allaient s’y cacher.
La chasse au furet était très pratiquée, en particulier, par les agriculteurs qui avaient créé ces terriers.
Une séance de chasse au furet
Le propriétaire arrivait avec son furet dans une boîte ou dans un sac.
On allait sur le terrier qu’on avait aménagé avec des pierres.
On repèrait les trous de sortie. On y tendait alors les bourses, ces sortes de filets qui coulissent, fixés sur deux piquets plantés dans le sol.
Puis on lâchait le furet.
Le lapin, lorsqu’il sortait poursuivi par le furet, se prenait dans le filet.
Le furet ne revenait pas tant qu’il restait des lapins dans les terriers. C’est ainsi qu’il sortait parfois 4 ou 5 lapins ; c’était une bonne prise qui ravissait le propriétaire du furet car cela démontrait que les bêtes qu’il élevait, étaient des bêtes de chasse.
Il se produisait parfois des incidents avec le mâle, Titin. En effet, quand il pouvait coincer un lapin dans une impasse, il le saignait, il buvait son sang, puis s’endormait. Il fallait alors attendre qu’il sorte.
Jamais, le propriétaire ne laissait un furet dans un terrier.
On repérait l’endroit où on l’avait entendu la dernière fois, on levait les pierres, on faisait des trous et on le trouvait généralement endormi !
Le furet est un animal parfait pour chasser dans les terriers car il a un corps très souple qui lui permet de se glisser dans tous les terriers comme une anguille.
Et puis, il a un tempérament agressif et des crocs qu’il plante dans les jarrets du lapin.
Albert avait son élevage dans une ancienne porcherie où il avait mis des briques, quelques pierres pour que les furets puissent s’amuser.
Il les nourrissait avec du pain et du lait.
Lorsque ceux qu'il avait amenés à la chasse, rentraient au bercail, il les mettait dans une cage et leur donnait de la viande cuite, du poulet, du bœuf pour qu’ils reprennent des forces.
L’éleveur avait démarré avec Titin et Titine qu’on lui avait donnés. Ils firent des petits et il commença à faire un élevage jusqu’à avoir 80 à 100 spécimens.
Pour les vendre, il fallait qu’ils soient aptes à la chasse ; ils ne l’étaient pas avant un an.
L’acheteur venait à domicile les voir et il pouvait les choisir.
Mais Albert le conseillait : « Prends plutôt celui qui est sur la tuile car il est rapide et agressif »
L’éleveur amenait aussi ses furets à la foire, notamment à la foire du 16 août de Vic-Fezensac où il venait avec ses cages grillagées devant les arcades.
La première question des acheteurs était : « Est-ce qu’il mord ? » . Albert mettait alors sa main dans la caisse, attrapait un furet derrière la tête, le sortait et le mettait sur son bras.
Le furet remontait jusqu’à son cou. Il le reprenait alors et le remettait dans sa cage.
Il était suffisamment habile pour que le furet n’ait aucune possibilité de se retourner pour mordre !
« Vous voyez, j’ai mis ma main dans la cage où il y a plusieurs furets et je n’ai pas été mordu, celui-ci a grimpé sur mon bras sans qu’il ne se passe rien...Non, ils ne sont pas « mordants.
Mais attention, quand ils ont pourchassé les lapins dans les terriers, quand vous les récupérez, ils peuvent avoir la dent facile. »
L’acheteur avait un panier ou le plus souvent un sac en jute. Il y avait alors toute une technique. L’éleveur accompagnait le furet au fond du sac et demandait au client de vite le refermer pour qu’il ne remonte pas.
Albert parvenait ainsi à vendre quasiment la totalité de son élevage.
Il en vendait beaucoup car c’était des furets « putoisés », c’est-à-dire des furets qui ressemblaient à des putois avec le pelage noir, ils avaient de petites têtes et tout le corps adapté à la chasse dans les terriers.
Mais il y avait aussi des gens qui voulaient un furet comme animal de compagnie.
« L’animal de compagnie, c’est le furet blanc. Les miens ne sont pas élevés pour cela. » disait-il et il orientait les acheteurs vers un de ses amis qui élevait le furet blanc, un furet sociable, véritable animal de compagnie.
Le putois qui ressemblait à un furet
Ces furets ressemblaient beaucoup aux putois.
Un jour, un paysan qui nettoyait la rivière voit sur un arbre un animal qui ressemblait à un furet.
Il va voir Albert, le spécialiste des furets, pour que celui-ci le récupère.
Albert arrive avec son échelle, il monte et on l’entend pousser un hurlement.
On s’aperçoit quand il redescend qu’il ne tient pas le furet mais que c’est le furet qui est accroché à sa main qu’il a transpercée de ses petites dents !
Il ne lâchait pas. Albert est descendu de l’échelle avec le putois accroché à sa main.
Il ne s’agissait pas du tout d’un furet, mais d’un putois adulte !
Il dut plonger sa main dans la rivière pour le noyer !
Sa main était percée de part en part. On voulait l’amener chez le médecin pour qu’on lui fasse une piqûre afin d'éviter l’infection.
Albert refusa ; chez lui, il versa de l’eau de vie sur sa plaie, puis sa femme lui confectionna un pansement avec un chiffon blanc et du rafia pour tenir le tout.
Sa blessure guérit très rapidement et il n’y eut pas d’infection.
Il disait bien haut que l’armagnac l’avait soigné !
Pierre Dupouy