Après la pêche traditionnelle dans la matinée du 23 février, la municipalité de Perchède organise une conférence au château de Pesquidoux, sur le thème de L’histoire des étangs de l’Armagnac, par Jacques Lapart (1).
Un thème qui a nécessité un travail considérable de déchiffrement des documents manuscrits conservés aux archives départementales. Il y a de la matière, car « l’administration a tout conservé, ainsi que les notaires ». Les procès aussi sont très instructifs.
Un habitat féodal clairsemé
Les Romains ne sont pas venus dans l’Armagnac. Au haut Moyen-Âge, c’était, en grande partie, un pays de landes et de forêts avec un habitat clairsemé. Le Bas-Armagnac n’était pas habité.
Un événement important en 1355 : le pillage par l’armée anglo-gasconne qui a dévasté les petits villages. Il n’y a pas de bastides ou de très petites comme Monguilhem et Labastide-d’Armagnac. Noter que les habitants sont mécontents car la route Auch - Mont-de-Marsan s’arrête au Houga.
Pas de cisterciens dans le Bas-Armagnac
Dans le Bas-Armagnac, il n’y a jamais eu de moines cisterciens, ni bénédictins. En revanche, l’abbaye de Saint-Pierre d’Éauze ainsi que celle de Saint-Mont, se sont fait recadrer par l’abbaye de Cluny et rétrograder au rang de prieurés au XIe siècle.
L’étang, son rôle en Carême
Aux XVIe et XVIIe siècles, la reprise en main de l’Église catholique avec la Contre-Réforme, se concrétise notamment par l’accent mis sur le respect des 40 jours maigres du Carême. Les étangs jouent alors un rôle majeur et l’on pêche jusqu’à la veille du dimanche des Rameaux. Un compte rendu de la visite pastorale d’un évêque indique que « les habitants du Bas-Armagnac ont de la chance : avec leurs nombreux étangs, ils ont du poisson frais en abondance ».
L’étang, objet d’impôts et de transactions
Les étangs appartiennent très peu à la noblesse ou au clergé, mais surtout aux communautés (ancêtres de nos communes), à des bourgeois et à des propriétaires ruraux.
Une prescription royale exempte d’impôt les marais pour encourager leur asséchement. Certains malins veulent faire passer leurs étangs pour des marais. Il y a un cas exemplaire en 1778 et un autre en 1804.
Une grande enquête a lieu, en 1741, pour recenser tous les biens des communautés. Les mentions semblent assez justes, sauf pour les étangs : on connaît l’existence de ceux-ci par les actes notariés, mais certains villages ne jugent pas utile de les déclarer. Comme Perchède. Alors que le cadastre de 1832-1835 y en décrit deux. En revanche, Éauze est cité pour 18 étangs (6 moyens et 12 petits).
Rôle économique des étangs
Les étangs rapportent autant qu’une métaierie et font l’objet de nombreuses transactions. Et malheureusement aussi de vols de poissons. Ils sont au centre de toute une économie : l’herbage tout autour sert de pâturage, les berges produisent de l’osier pour la vannerie. On y vient rouir le lin et le chanvre. De plus, certains étangs, asséchés périodiquement, sont mis en culture, ou bien l’on y prélève de la bonne terre.
À partir du XVIIe siècle, le nombre d’étangs commence à diminuer, mais il y a une incertitude sur le XIXe siècle, car les actes sous seing privé se développent au détriment des actes notariés. À partir de Napoléon III, il y a une vague d’assèchement des marais et des étangs pour faire de la place aux grandes cultures.
(1) Historien et secrétaire de La Société archéologique du Gers.