Dimanche 3 juillet, les estangois et estangoises étaient conviés par la municipalité à assister à la cérémonie commémorative de la tragédie survenue à Estang le lundi 3 juillet 1944. Pour se rendre au mémorial, lieu des exécutions, le cortège avec en tête les porte-drapeaux a quitté le village, en refaisant le trajet douloureux que les estangois avaient fait alors.
C’est en présence des maires des communes voisines, de la conseillère départementale, du président de l’Amicale du Bataillon de l’Armagnac et de la population, qu’ont eu lieu le dépôt de gerbes, la minute de silence avec sonnerie aux morts.
Lors de son discours, 72 ans après les terribles évènements, le maire d’Estang, France Ducos avec beaucoup d’émotions a retracé cette journée du 3 juillet 1944
Les Faits
: « Nous sommes réunis pour rendre hommage aux neuf otages lâchement assassinés. Nous venons de parcourir ensemble le trajet qui fut celui que ces hommes ont emprunté sous la menace des armes des soldats allemands. Malgré le débarquement des troupes alliées et l’espoir qui renaît, l’ennemi allemand occupe encore notre région et tient garnison à Mont de Marsan.
Sur dénonciation, la Kommandantur de Mont de Marsan apprend la présence de « terroristes », en fait de réfugiés juifs, au château de Bégué à Barbotan les Thermes. Une opération de répression est mise en place, et le château de Bégué est investi. Des hommes sont interpellés pour être amenés à Mont de Marsan.
C’est ainsi que dans la matinée du 3 juillet au péril de sa vie, Georgette Dulhoste arrive à bicyclette de Cazaubon pour annoncer la présence d’un détachement allemand au chef-lieu de canton, mais sans pouvoir préciser son importance.
L’information est transmise au P.C du Bataillon de l’Armagnac basé à Maupas et placé sous le commandement du capitaine Parisot. Celui-ci décide de tendre une embuscade sur l’itinéraire probable du retour (Cazaubon-Labastide).
Une seconde embuscade est prévue au carrefour entre Estang-Cazaubon et Monclar-Lias. Hélas, le scénario ne se déroule pas comme prévu et le combat s’engage au nord du village, puis rapidement dans tout le village. La colonne allemande se déploie et entre dans Estang par le chemin de Liberté en direction de la route de Peyré. »
Les combats et les victimes
« Nous savons que la première victime Louise Cazauran voulant fermer ses volets est prise pour cible, et est mortellement blessée par plusieurs balles à un bras et à l’abdomen. En voulant lui porter secours, ses voisins André Pupkiewiez, Jean Coupaye et Paul Sansoulh sont arrêtés. Viendront ensuite Alfred Duclaux et Jean Bartherotte interpellé dans sa maison. Avec lui se trouvait Robert Rouquette qui, par miracle, réussit à s’échapper. Regroupés dans un premier temps devant l’ancien puits de la ville basse, ils sont ensuite entraînés par la rue de l’école vers le centre du village.
Dans le même temps, la bataille se poursuit au carrefour de la gendarmerie. Les gendarmes et leurs familles sont expulsés de leurs logements par la force et alignés sous la menace des armes sur le bord de la route.
Partout dans le village l’échange de coups de feu est permanent. Des civils surpris ou expulsés de leur domicile sont interpellés et regroupés devant les arènes avant de rejoindre à la gendarmerie les autres otages.
On sait maintenant que la troupe allemande se composait de deux compagnies du régiment de sécurité 197, soit 250 hommes transportés par une douzaine de véhicules, mais également un peloton d’une cinquantaine de motocyclistes. Le combat est inégal en hommes et en matériels, mais avec beaucoup de courage le Bataillon de l’Armagnac a malgré tout tenu tête.
Cet accrochage sanglant se solde par neuf tués chez les allemands, deux résistants tués : Léonce Destouet et Hans Haffner, un résident pris en otage et exécuté : André Ousteau, deux victimes civiles : Louise Cazauran et Jean Lalanne, de très nombreux blessés, une population terrorisée et une prise d’otage d’environ quarante hommes, femmes et enfants, qui seront conduits sous la menace des armes vers le carrefour de Pignay.
Seuls neuf hommes sont retenus, le reste de la population est libéré à l’exception des trois gendarmes arrêtés ultérieurement, puis déportés dans des camps de concentration. L’adjudant Verdier et le gendarme Capdeville mourront en déportation. Seul le gendarme Mélignier reviendra des camps de la mort.
Les neuf otages fusillés
En représailles des neuf allemands morts au combat, le commandant de la troupe nazie annonce que neuf otages, autant que de soldats allemands tués, vont être fusillés.
À 21 heures, l’entrepreneur en maçonnerie Jean Bartherotte (50 ans, père de trois enfants), le cultivateur Lucien Bouqué (30 ans), le pharmacien Jean Coupaye (32 ans, père de trois enfants) le charpentier Alfred Duclaux (51 ans, père de trois enfants), le cultivateur Jean Dupeyron (39 ans), le négociant Louis Dupuy (43 ans, père de trois enfants), André Ousteau (19 ans) et volontaire de la 4e compagnie du Bataillon de l’Armagnac, le journalier réfugié à Estang André Pupkiewiez (40 ans, père de 4 enfants), Paul Sansoulh (41 ans, père de 4 enfants, et réfugié à Estang), seront lâchement abattus dans ce pré, et ce n’est qu’au lever du jour que leurs corps seront relevés et rendus à leurs familles. »
Avant le chant des Partisans et la Marseillaise interprétés par l’Harmonie Estangoise, France Ducos a conclu son discours en rendant hommage à ces hommes et ces femmes martyrs du nazisme, puis a précisé : « Plus que jamais, il convient de dénoncer toutes les doctrines de haine, de racisme et toutes violations des libertés fondamentales. Cette journée du souvenir ne doit pas se limiter à la mémoire du passé, mais elle doit s’inscrire aussi dans le présent et l’avenir. »