Après une 1e émission réussie sur les Droits de l'homme et la tolérance, Parlem TV a choisi d'organiser un débat sur la Santé en milieu rural le 24 mai à la salle d'animation. Le public était là et on a pu y reconnaître de nombreux maires et élus du territoire de la communauté de communes. Il a été question de désertification médicale, de l'organisation du service public, des rapports soignant-soigné, de la prévention etc.
Les invités : Nathalie Chaoui, médecin, réseau de santé Arpège (1), Claude Chouteau, président du Comité de défense de l’hôpital public (2), Élisabeth Dupuy-Mitterrand (présidente de la Communauté de communes du Bas-Armagnac) et Philippe Pinazo, médecin installé à Nogaro, à l'origine du projet de maison de santé pluridisciplinaire de Nogaro.
Élisabeth Dupuy-Mitterrand
relève que le conseil de la Communauté de communes du Bas-Armagnac (CCBA) a voté, le jour-même, une motion de rejet (3) de la création d'un GHT (Groupement hospitalier de territoire). La loi dispose que ces GHT soient effectifs dès le 1er juillet 2016. Un projet médical unique pour un territoire donné, avec un hôpital support (qui pourrait être celui de Mont-de-Marsan) et la mobilité du personnel d'un établissement à l'autre du territoire du GHT. Tous les établissements publics de santé, sauf dérogation, auront l’obligation d’adhérer à un GHT. On craint une aspiration des moyens par l'hôpital support. L'élue aurait préféré que la CCBA puisse conclure un contrat de santé avec l'Autorité régionale de santé pour un programme d'action co-construit selon les besoins locaux. Elle souhaite aussi que les internes qui travaillent sur le territoire CCBA obtiennent les aides auxquelles d'autres ont droit.
Philippe Pinazo
explique l'origine de la maison de Santé de Nogaro : les médecins avaient le projet de créer un pôle médical en instituant une équipe pluridisciplinaire autour du patient, à la faveur de loi du 21 décembre 2006. Il soulève le problème de la démographie médicale dans le Gers : 54 % des médecins partent en retraite dans les prochaines années, tandis que 68 % des jeunes médecins choisissent de s'installer à Toulouse. Pour répondre à la demande de santé en milieu rural, une seule solution : être performant. Certes, il faut plus de médecins, mais aussi des réseaux qui permettent de développer un projet de Santé au plus près de la population. Philippe Pinazo estime que le GHT va complètement modifier le paysage médical, alors qu'on n'a rien vu venir.
80 % des demandes d'urgence pourraient être traitées par les médecins généralistes en ville (dits « de premier recours). Et il y a de plus en plus d'appels pour rien, qui accroissent la fatigue des médecins, facteur facilitant l'erreur médicale. Il faut un pôle territorial de Santé allant de la prévention aux urgences pour pouvoir répondre à toutes les demandes. Il faut aussi que les urgences vitales soient prises en tout temps.
Selon lui, les systèmes de Santé sont différents selon les pays en Europe, mais ils ont des résultats similaires et mitigés. S'agissant de la maison de santé de Nogaro, ses résultats sont extraordinaires, mais c'est rare : c'est le village gaulois ! Pour lequel on peut craindre la submersion par les patients d'autres territoires.
Philippe Pinazo souhaite aussi que le bilan de santé puisse être effectué.
Nathalie Chaoui
souhaite mettre en place des coordinatrices pour soulager les médecins du « terrain », encore faut-il que ceux-ci acceptent de travailler avec Arpège. S'agissant des GHT, elle constate qu'Arpège n'a rien vu venir et n'a pas été convié à en discuter, alors que c'est tous ensemble qu'il faut avancer. Il faut promouvoir le travail en équipe - qui entraîne une expérience commune - et répondre ainsi à tous les besoins, y compris sociaux, dans la relation soignant-soigné.
Il y a beaucoup à faire, notamment pour les jeunes : pour eux, il n'y a pas de prise en charge psychologique. Par ailleurs, il est important de ne pas faire entrer les patients dans la dépendance médicale et les examens à tout va ne sont pas une bonne solution. La prévention doit, par exemple, éviter l'engrenage avant même une fracture du col du fémur qui, de problème en problème, retranche 5 ans de vie au patient.
Pour Claude Chouteau,
l'appauvrissement des budgets des hôpitaux entraîne une situation plus tendue. L'est du département se développe et l'ouest agricole est en perte de vitesse. Les critères d'attractivité d'un territoire pour une famille de médecin sont les mêmes que pour les autres familles : ce sont le cadre de vie et les possibilités de scolarité. Il faut donc maintenir un bon niveau d'activité à l'ouest.
Problème : si des cas d'urgence sont retirés aux hôpitaux d'Auch et de Condom, c'est leur budget qui souffrira, car les hôpitaux sont rémunérés au nombre d'entrées. Et, à terme, ils deviendront des hôpitaux locaux ou de super-maisons de retraite.
L'exercice libéral de la médecine ? Seul le choix de l'installation est libre. Pour l'intervenant, les médecins sont donc « des salariés de la Sécu ». Quel est le projet des étudiants en médecine ? L'exercice collégial : ils ont peur de l'isolement. À noter que l'on n'a pas de données sur l'état sanitaire de la population, en particulier sur la santé des agriculteurs exposés aux produits phytosanitaires. « Cela relève de la prévention sociale de masse ». Ne pas reproduire les 40 ans de faux-semblants pour l'amiante. Au sujet de la prévention, Claude Chouteau regrette la disparition de la médecine scolaire.
Le public a posé plusieurs questions dont les réponses sont incluses dans le texte ci-dessus. Il émane de cette rencontre une satisfaction sur le fonctionnement de la maison de santé de Nogaro et une forte interrogation sur l'avenir de l'organisation de la santé sur le territoire et le département.
On pourra retrouver la vidéo de l'émission et aussi la commenter en allant sur le site de Parlem TV : http://parlemtv.fr/?Plateau-TV-La-sante-en-milieu-rural
(1) Le réseau Arpège cherche à développer une collégialité médicale et une liaison ville - hôpital. Il s'adresse aux personnes qui veulent rester ou revenir à leur domicile, y compris en soins palliatifs et à tout soignant qui a besoin de conseils. Il veut simplifier les démarches administratives et soutenir psychologiquement les patients, les aidants et les soignants. (2) Comité qui s'oppose à « la financiarisation de l'hôpital public où le patient devient un client et l'hôpital une entreprise » de la loi Touraine et dénonce le dégradation de la situation de l'hôpital d'Auch et des hôpitaux locaux du Gers. Claude Chouteau annonce la création d'un observatoire départemental de la Santé pour inverser la politique actuelle. (3) Sans effet concret.