Lous aiguilhounes vous souhaitent bonne année !

20200103192842sJqb-image(760x340).jpg

En ce premier jour de l'année, revenons encore une fois sur nos pas :

L'hiver est rude, la neige recouvre le sol et dessous une belle couche de glace transforme toutes les mares en patinoires.

Nous avons choisi le pré de Pruadère car un long abreuvoir pour les bêtes permet de réaliser de belles glissades.

Nous sommes en train de glisser quand arrive Petiton, 85 ans, avec son petit veston bien léger pour lutter contre le froid et le béret vissé sur la tête.

« Alors, on s'amuse, on glisse ? De mon temps, pour le 1er de l'an, on avait d'autres façons de s'amuser !

On se regroupait à plusieurs jeunes et on passait dans les fermes pour souhaiter la bonne année aux gens.

On nous nommait les Aiguilhounes peut-être en référence au gui des druides gaulois ou plutôt en raison de l'aiguillade, un bâton terminé par un aiguillon qui servait à activer les bœufs.

En retour de nos vœux, on attendait bien entendu des étrennes.

On chantait pour faire sortir les gens qui étaient autour du feu. Les paroles étaient orientées en fonction des destinataires.

Pour les croyants, on chantait : « Si vous nous donnez un peu de blé, nous ferons le pain béni, si vous nous donnez un peu de farine, nous ferons le gâteau de Marie »

Il était souvent question de vent :

« Ici souffle le vent de derrière, ouvrez la porte du grenier.

Ici souffle le vent du sud, ouvrez la porte des écus.

Ici souffle le vent du Nord, ouvre la porte du trésor. »

Si après l'aubade de demande, les hôtes se montraient généreux, on les remerciait par les couplets suivants :

« De braves gens nous avons trouvés, ils nous ont donné l'aiguillouné

Que Dieu garde la maison et les gens qui sont dedans

Que le bon Dieu vous donne autant de bœufs que les poules vous feront d'oeufs"

Quand le maître de maison était réputé être un coureur de jupons, on chantait "que le bon dieu vous donne autant de filles qu'il y a de moucherons dans votre chai".

Quand les gens visités faisaient la sourde oreille, ou même chassaient les aiguilhounes, il y avait pour eux quelques anathèmes colorés comme ceci :

"Si vous ne voulez rien nous donner dans vos poireaux nous irons ch...

Ceux qui ne nous donneront rien, à l'enfer iront tout droit "

On leur promettait aussi un prochain charivari.

Puis on partait en courant !

Je me souviens d'une année où, cachés derrière les roseaux d'une mare, nous avions vu les plombs tomber dans l'eau !

Je crois qu'après cet épisode, je n'ai plus jamais « fait l'aiguilhouné » !

Une année, s'était joint à notre groupe un citadin qui jouait de la flûte. Cette année-là, la récolte avait été bonne !

On nous donnait des œufs, de la farine, parfois des sous.

Les œufs, on les vendait à l'épicier.

Puis on allait chez le boulanger et on versait sur la pastière les sous que l'on avait ramassés et on achetait des gâteaux.

On portait la farine à une mamie qui nous faisait « la coco » de Marie.

Quand on recevait des pots de confiture et des pots de miel, on se les partageait.

Cette tradition s'est perdue. Les familles désapprouvaient cette pratique que l'on assimilait parfois à de la mendicité.

C'était pourtant une bien plus jolie façon de souhaiter la bonne année que le texto tout prêt agrémenté de quelque emoji que l'on envoie à minuit... si toutefois il y a du réseau !!!

Bonne année à tous !

Pierre DUPOUY

 

 

Publicité
Suggestion d'articles
Suggestion d'articles