La compagnie Gilles Bouillon reprend une partition qu'elle a déjà interprété avec succès au cours de l'année écoulée à Auch, Lectoure, Gimont, Saint Clar, Marsolan ; Vania avec Nine de Montal , Christophe Brault, Sumaya Al-Atia ,Olivier Augron et en alternance Edouard Bonnet ou Philippe Dusseau. Deux représentations prévues dans le Gers à Condom le 25 janvier puis le 28 à Eauze avant d'embarquer en région parisienne.
Comme dans toutes les pièces de Tchekhov, il s’agit d’histoires de familles.
Loin d’ici, il y a longtemps en Russie et pourtant cela renvoie étrangement à nos histoires de familles ici et maintenant. Reflets de nos vies, au plus près des spectateurs.
Un soir d’été, dans un jardin, tout commence par des jeux, des rires, des verres de vodka… des éclats, des bribes de paroles, des échanges, des bouts de conversations, échos d’un certain bonheur de vivre et de rester vivant quoi qu’il arrive.
Il y aura aussi de grands moments de paresse, de corps au repos, de rêves et puis aussi des réveils brusques, des secousses désagréables comme des tremblements de terre. Chaos « des montagnes russes » du plus haut au plus bas. On se fâchera très fort, et puis on se réconciliera très vite. On chantera, on dansera, on conjurera le sort par la fête et le bonheur d’être ensemble. On se réunira autour de quelques éléments de décors : des tapis, des chaises, quelques tables, des bouteilles, des verres…
Avec les acteurs très près de nous, si près de nous.
Il y aura même des coups de pistolet, des poursuites et des menaces de mort. Au petit matin, l’ordre et le travail reprendront en douceur, avec une belle délicatesse. Un peu comme les personnages du Songe d’une nuit d’été de Shakespeare, qui après une folle nuit d’amour et d’ivresse, retrouvent leur sagesse et l’accord du désaccord… Jusqu’à la prochaine fois…
Une maison à la campagne.
Ça se joue comme en coulisses, une table de cuisine, un bout de terrasse, un coin de bureau. On s'y rencontre entre deux portes, on s'y donne rendez-vous dans les interstices de la vie domestique. Espaces de vacuité, d'intimité, d'aveux ... et d'une certaine liberté.
En arrière-plan de la scène il faut imaginer les champs, les bois, les grands espaces de la nature. C'est là que se manifeste la grande originalité de la pièce et le génie visionnaire de Tchekhov qui pose, plus d'un siècle avant nous, la question fondamentale de l'écologie. L'extermination des forêts en est le symbole alarmant : « Nous avons affaire à une dégénérescence provenant de la routine, de l'ignorance, de la plus totale absence de conscience de soi... » Avec un homme qui résiste, solitaire, en plantant des arbres, comme dans le conte de Jean Giono.
Il y a d'abord le maître de maison, professeur à la retraite. Inactif, il semble pourtant tirer les ficelles de tous les personnages : de lui dépend les femmes, leur vie de tous les jours, leurs opinions, les décisions de l'existence. De lui dépend leur destin. Depuis toujours. Même absent, il hante les pensées des autres personnages. Présent absent. Comme le Dieu caché.
On jouerait Oncle Vania de Tchekhov, à l'essentiel, avec les nerfs. Dans une légèreté scénique qui concentrerait le plaisir du jeu autour de cinq personnages, deux actrices, trois acteurs.
Acteurs de leurs histoire et romanciers de leurs passions. Oncle Vania, propriétaire terrien. Astrov, le médecin, l'homme des forêts. Elena, la femme du professeur. Sonia, fille d'un premier mariage du professeur. Téléguine, propriétaire ruiné. Face à l'inéluctable, à la difficulté de vivre, ces cinq personnages nous touchent infiniment par leur profonde humanité, leurs fragilités, leurs faiblesses, leurs contradictions, leur énergie, leur infatigable désir de vivre.
Leurs histoires d'amour splendides et dérisoires.
Pour un metteur en scène c’est une joie de diriger ce quintet de façon quasi musicale, d'explorer les gouffres, les sursauts, la vitalité, l’humour de ces personnages.
Bernard Pico, dramaturge et Gilles Bouillon, metteur en scène