"Voulez-vous une part de galette des Rois confectionnée chez un Républicain ?"
C'est la question que me pose un papi qui a ouvert sa fenêtre alors que je passais !
Je rentre dans la cuisine. Une odeur de gâteau parfumé à la vanille et au vieil armagnac envahit la pièce !
Ce gâteau doré repose sur la table. Il a été cuit dans un four de campagne constitué d'un plateau équipé de pieds pour le poser sur les braises.
Sur le plateau doté d'un couvercle, on pose le gâteau. Sur le couvercle, on met aussi de la braise.
Ainsi, le gâteau va cuire doucement et d'une manière uniforme.
« C'est aujourd'hui l'Epiphanie, reprend le papi, le jour où les rois Mages rendent visite à l'enfant Jésus, pour moi, c'est juste le jour de la galette ou plutôt du tourteau pour moi !
Ma femme en réalise de succulents mais elle refuse de révéler sa recette ! »
«Oh, ce n'est pas un secret, dit celle-ci, mais je ne vous dirai pas tout ! Vous avez vu dans ces émissions à la télévision ces cuisiniers mesurer parfaitement leurs ingrédients.
Ma mesure à moi c'est "lo pugnat", c'est-à-dire la poignée que je prends dans ma main.
Il y a tant de pugnat de farine, tant de sucre puis j'ajoute les œufs et les parfums, la vanille, l'armagnac.
Je brasse tout ça avec une cuillère de bois dans ma grésale, je pétris la pâte sur la table puis je fais une couronne que je place dans le four de campagne.
Au préalable, j'ai bien entendu mis une fève dans la pâte ou parfois plusieurs pour ne pas faire de jaloux ! »
La galette des rois trouverait son origine dans l'antiquité, plus particulièrement dans les Saturnales, des fêtes populaires romaines qui célébraient le solstice d'hiver entre décembre et janvier.
Au cours des banquets, la fève d'un gâteau permettait d'élire le roi d'un jour.
Au IVème siècle, l'Eglise rend fériée la date du 6 janvier pour célébrer la naissance de Jésus et l'adoration des Mages.
La tradition du tirage au sort du roi est conservée mais n'a rien à voir avec la religion si ce n'est la date !
L’Épiphanie célèbre les Rois mages et la galette des rois est une fête traditionnelle païenne.
C’est une coïncidence temporelle. La confusion vient surtout du mot « roi ».
En 1711, le Parlement interdit la fabrication de galettes à cause de la famine, la farine devant être utilisée uniquement pour fabriquer du pain.
A l'époque de la révolution, hors de question d'élire un roi !
Cependant pas question de ne pas partager de gâteau qui devint la galette de la liberté ou l'égalité sans fève ni roi !
Aujourd'hui, la galette est partagée en famille, au travail, entre amis tout au long du mois de janvier !
Pâte feuilletée à la frangipane dans le Nord de la France, dans le Sud, c'est le gâteau des rois
La fève, légume ou élément de vote ?
Sans fève pas de magie de l'épiphanie !
Pour beaucoup, l'intérêt de la galette c'est la fève plus que le gâteau !
Avec la galette des rois, les gens jouent à qui sera le roi.
Pourquoi une fève ?
La fève fait partie des symboles du solstice d'hiver, un symbole positif. C'est le 1er légume du jardin au printemps.
Quand elles ne sont pas encore trop grosses, on peut les manger à croque sel puis elles rentrent dans les soupes les garbures, ensuite, on les met dans un bocal et on les utilise pour l'Epiphanie.
On l'utilisait dans la Grèce antique pour élire les magistrats puis pour élire lors des Saturnales romaines le maître de la fête.
Les premières fèves en porcelaine apparaissent à la fin du XVIIIème siècle, peut-être pour éviter qu'elle ne soit avalée par celui qui ne voulait pas payer la galette suivante, selon la tradition !
Objet de collection, elle est convoitée par les fabophiles.
Traditionnellement, l'enfant le plus jeune passe sous la table et distribue à l'aveugle les parts aux différents convives. Le roi se pare de la couronne en carton doré et choisit sa reine.
La tradition veut aussi qu'on partage la galette en autant de parts que de convives plus une, la part du Bon Dieu ou part de la Vierge ou la part du pauvre.
Depuis Valéry Giscard d’Estaing en 1975, l’Elysée célèbre l’Épiphanie avec une galette qui ne contient pas de fève. En effet, selon les règles républicaines de la Révolution française, à l’Elysée il peut y avoir un Président… mais pas de roi ! Donc même si le couronnement de celui ou celle qui remporte la fève n’est que symbolique, il ne peut être accepté au sein de la résidence officielle de la République…
Au nom du respect des principes de la République, la galette de l'Elysée ne contient aucune fève !
Pierre DUPOUY