A Haget, Camille Dutaut (1) tendait l’oreille pour écouter les murmures du Gran cassou [Le grand chêne] qui lui contait l’histoire de la commune. Des fragments de l’Histoire perçus dans la campagne étaient retranscrits dans le bruissement du feuillage de l’arbre. Et quel arbre ! Un chêne séculaire face au roseau.
Parfois le souffle meurtrier du vent laisse à vif les branches des arbres martyrisés par la tempête. Des ravages dus aux hommes, telle la déforestation en Amérique du Sud ou en Asie, sous l’effet de la recherche cupide de bois exotiques ou d’un avide besoin effréné de terres agricoles, sans omettre ici ou là les menaces ponctuelles de suppression d’arbres perturbant des projets baptisés environnementaux.
Quelques arbres croisent notre regard tels des supports publicitaires. Ainsi, ce platane ombrageux en bord de route tracée par l’intendant D’Etigny, nous interpelle pour un restaurant à proximité. Ou encore cet autre platane en ville qui glorifie une marque de produit pétrolier aujourd’hui désuète. Pourtant confondre un arbre et un support publicitaire est réprimé par la loi qui prévoit de lourdes amendes pour les contrevenants…
Les arbres se défendent péniblement dans leur chair en avalant lentement la plaque émaillée intruse. Ces stigmates évoquent la souffrance d’une mutilation sur l’autel de la publicité.
Il existe aujourd’hui encore en forêt dans les environs de Miélan, dans le vallon de Picharot, un orme aux dimensions respectables : trois mètres de circonférence et un houppier qui culmine à plus de vingt mètres de haut. Cet arbre porte une cicatrice profonde de la seconde guerre mondiale. Il a subi les meurtrissures provoquées à la pointe du couteau pour sculpter le message laissé par un individu. L’orme a été gravé de la date 1943 et d’une croix gammée. Qui est l’auteur ? Un soldat allemand ? A cette époque, une garnison allemande occupait la bastide. Elle patrouillait dans la campagne et le long de la voie ferrée. Quelques individus du lieu auraient pu aussi croire aux bienfaits de la doctrine de l’envahisseur. Le temps a passé mais l’arbre a boursoufflé son écorce pour atténuer les marques indélébiles.
- Camille Dutaut. La mémoire d'un vénérable chêne. Lou gran cassou de Haget. Avec le concours de M. Cyriaque. Préface de Marius Nogues. 1970.