"Crâne de Berger", quand un berger se met en scène…

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Nous avons eu le privilège d’assister vendredi 21 mai dans la chapelle de La Petite Pierre à jegun à la sortie de résidence du spectacle « Crâne de berger » de la compagnie La foule.

Un berger, un vrai, qui émerge d’un amas de laine de brebis et se met à nous raconter tout ce qu’il a retenu dans sa boîte crânienne pendant des mois d’estive…

Derrière lui, un grand écran de projection sur lequel sont déjà inscrits des mots et sur lequel seront projetées des vidéos mais qui servira aussi d’espace de création pour Ratko Krsanin qui officie à la régie, visible de tous.

Un propos, une forme, un spectacle difficiles à décrire et définitivement atypiques !

Nous avons voulu en savoir plus en rencontrant le principal protagoniste du spectacle Vincent Rodier, le berger-acteur-auteur-coréalisateur.

Echanges : 

Journal du Gers : Pouvez-vous nous expliquer la raison de votre présence à La Petite Pierre ?

Vincent Rodier : Nous sommes sur la fin de la création. Nous avons déjà joué le spectacle il y a un mois et nous avons mis à profit cette semaine de création à La Petite Pierre pour le peaufiner.

Journal du Gers : Pouvez-vous vous présenter à nos lecteurs ?

Vincent Rodier : J’ai grandi à Pouylebon à côté de Mirande. J’ai fait des études de lettres sur Toulouse et c’est là que j’ai commencé le théâtre.

J’ai joué mais me suis surtout consacré à l’écriture et à la mise en scène.

Journal du Gers : Comment passe-t-on d’un métier « public » à un métier exercé en solitaire, celui de berger ?

Vincent Rodier : Depuis l’enfance, j’ai toujours été amoureux de la montagne et des Pyrénées.

Mes années de théâtre à Toulouse ont été des années souvent frustrantes car après des mois de travail avec mes compagnons, la diffusion par manque de réseau restait souvent confidentielle.

J’ai donc éprouvé le besoin de revenir à une activité liée à la montagne.

Je suis parti en 2009, j'ai fait une formation professionnelle de berger  et j’ai vécu trois estives dont on voit les images dans le spectacle.

Après une parenthèse de quelques années, j’ai repris il y a trois ans mon métier de berger de troupeaux ovins dans les Hautes Pyrénées.

Je pars début juin pour 4 mois.

Journal du Gers : Comment est né le projet du spectacle « Crâne de berger » ?

Vincent Rodier : Le projet est né de ma rencontre avec mon collègue Ratko que j’avais déjà croisé lors de mes années de théâtre sur Toulouse. Il était déjà plasticien et réalisait des vidéos.

Quand il a su que j’étais berger, il n’a pas compris pourquoi j’avais laissé tomber le théâtre alors qu’il me prêtait un don potentiel en tant qu’acteur et il trouvait dommage que je sois devenu berger !

Il est venu me voir sur l’estive pour m’interroger pour essayer de comprendre mes motifs. Il est monté avec une caméra avec l’idée de faire au départ un film sur mon parcours.

De fil en aiguille, ce qui devait être un film documentaire à la Alain Cavalier a subi une évolution.

Il était monté avec une petite caméra qu’il m’a laissée pour des images en plus.

Je l’ai très peu utilisée au départ.

Peu à peu, par temps de brouillard où je ne pouvais pas trop travailler, je me suis pris au jeu et j’ai commencé à filmer mon quotidien, la montagne, mes brebis, puis j’ai commencé à me mettre en scène.

Le film s’est donc transformé en spectacle vivant avec les images de Ratko et les miennes, ce qui mêle deux regards, le sien, extérieur, plus documentaire et le mien un peu plus introspectif.

Les images sont donc de nous deux, j’ai écrit les textes et nous avons fait ensemble la mise en scène et construit le spectacle.

Journal du Gers : Comment peut-on définir ce spectacle atypique ?

Vincent Rodier : J’ai eu peur au début de l’appeler théâtre car nous ne sommes pas dans du théâtre conventionnel.

C’est un spectacle qui a pour objectif de partager un témoignage, une parole directe.

Journal du Gers : Quand on a vu le spectacle, le titre paraît très bien choisi.

Vincent Rodier : Oui, un des propos est de montrer ce qui peut se passer dans la tête d’un individu qui est isolé pendant plusieurs mois.

Il y a du temps qui passe qui est propice à la réflexion.

Je pensais qu’il pouvait être intéressant de faire partager mon expérience, mon ressenti que d’autres personnes partagent peut-être dans d’autres circonstances.

J’ai écrit les textes soit en direct soit en bas, parfois à partir des vidéos.

Par exemple, j’ai trouvé un jour une brebis malade que j’ai été obligé de porter jusqu’au parc pour la soigner. Ratko a filmé toute la descente et ce sont ces images qui m’ont inspiré le texte sur les fardeaux que l’on porte tous.

Journal du Gers : Parlez-nous de la performance graphique de Ratko au cours du spectacle.

Vincent Rodier : L’idée de la performance graphique est venue plus tard.

Je souhaitais intégrer son travail et il a décidé d’intervenir en direct sur le plateau.

NDR : Ratko intervient pendant la représentation en dessinant au pastel sur l’écran de projection et en mettant en œuvre sa technique toute personnelle dite du « frappage » qui consiste à frapper la toile avec des branches imbibées de peinture noire.

Cette technique de « frappage » lui est venue pendant le conflit dans les années 90 en ex-Yougoslavie.

Un certain écœurement s’est manifesté chez lui et il a voulu exprimer sa colère par le geste du frappage. Il s’est aperçu que le geste en apparence violent aboutissait à un résultat apaisé

qui contrastait avec la violence du geste. Il en parle comme d’un exutoire.

Journal du Gers : C’est aussi un exutoire pour vous ?

Vincent Rodier : En effet, à un moment, Ratko me tend les branches et m’offre ainsi l’opportunité d’apaiser ce trop-plein dans ma tête.

Journal du Gers : Parlez-nous de la musique qui joue un rôle important dans la représentation ?

Vincent Rodier : C’est une musique originale composée par le troisième larron, Nicolas Fourcade, ami aussi de longue date qui est parti du canevas du spectacle et des vidéos pour composer mais qui s’est aussi laissé guider par ce que la montagne et les grands espaces pouvaient lui inspirer.

Journal du Gers : Le projet du film tient-il toujours ?

Vincent Rodier : oui, le projet du film tient toujours comme un prolongement au spectacle.

On a suffisamment de temps d’images pour réaliser un film et même plusieurs films de genres différents, film documentaire, sociologique, onirique…

« Crâne de berger » sera joué sur scène dans notre région à partir du mois d’octobre, quand Vincent sera rentré de son estive !

Nous vous donnerons les lieux et les dates le moment venu.

Contact :  Ratko Krsanin et  Vincent Rodier 

Compagnie La Foule [email protected]

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