Le petit monde de Vic : Atout coeur 2

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2 ème partie

Rappelez-vous, c'était hier ! https://lejournaldugers.fr/article/48033-le-petit-monde-de-vic-atout-coeur

Nous avions abandonné nos protagonistes, Pierre, René et Georges, résidents de Château Fleuri, abasourdis par l'annonce du mariage de Guillaume, petit-fils de Pierre, venu avec son père Louis en renfort inviter les trois compères à la future cérémonie.

Pierre interpelle son fils Louis :

- Depuis que tu es marié, je ne te reconnais plus ! 

- Papa, je suis marié depuis 1977 ! 

- Tu ne fais plus rien que de travailler pour payer les traites de la voiture, de la maison et les études de celui-ci et de son frère. 

- C’est la vie ! répond Louis.

- Quelle vie ?  reprend Georges qui se mêle de la conversation.

Je n’ai jamais été aussi heureux depuis le décès de ma femme dans cet accident de voiture. 

-Cela se voyait un peu trop !  lance René.

Je me rappelle, les gendarmes t’ont posé beaucoup de questions ! .

Les freins qui lâchent dans un virage, c’est vraiment un concours de circonstance malheureux ! conclut René en baissant le ton.

- Que veux-tu dire par là ?  Georges devient un peu agressif.

Georges poursuit en observant Guillaume par provocation :

- Le plus dur a été le moment de l’inhumation. Il me fallait avoir l’air triste. La belle-famille n’en finissait pas de m’embrasser et de me consoler. Je n’avais qu’une envie, c’était d’aller au café arroser cela avec une tournée générale ! Mais cela ne se fait pas. Il faut respecter les usages ! J’ai dû attendre…

- Guillaume, ce n’est pas raisonnable, la saison de sport va reprendre en septembre ! Tu y as pensé ? tente le grand-père. Il enchaîne :

- Elle voudra une maison toujours plus grande, tu passeras ta vie à travailler pour tout payer. 

Guillaume en accusation se sent obligé de se défendre :

- Elle est professeur, c’est un bon travail ! 

- Je te parie qu’en septembre, elle sera enceinte du premier et qu’elle arrête de travailler ! Pierre entame un véritable réquisitoire :

- Je te vois déjà en train d’aller aux commissions en rentrant du travail. 

Pierre lance un tour de table ayant valeur de sondage.

- Georges, tu as tenu combien de temps ? 4 ans si je me souviens bien. L’intéressé opine d’un mouvement de la tête. 

- René, 6 ans ? Et ensuite elle est partie après six mois d’une étrange agonie. Les médecins n’arrivaient pas à diagnostiquer ce qu’elle avait.

Et moi dix ans avant que ta mère ne disparaisse avec un amant de passage.

Louis observe son père durement.

- Tu évoquais les gendarmes tout à l’heure. Ils t’ont posé énormément de questions, car plus personne par la suite n’a entendu parler de maman. 

Pierre l’observe avec assurance :

- Que veux-tu dire par là ?  Pierre pose les mains sur la table en esquissant le geste quasiment impossible de se lever du fauteuil roulant.

Pierre reprend :

-Je parle en mon nom et des celui des hommes ici présents. Il est hors de question que nous assistions à une telle cérémonie symbole, à nos yeux éclairés, de ton malheur à venir ! 

Guillaume pose la main sur une chaise en plastique et s’assoit.

- Les temps ont changé ! 

- Pas les femmes ! reprend Pierre

- De toute manière son costume est choisi et essayé. Il est très beau dedans, argumente Louis.

- Il pourra s’en servir pour venir à mon enterrement qui ne saurait tarder avec des émotions pareilles. 

Rose n’est pas loin, elle perçoit les éclats de voix.

Hypocrite, Pierre se tait et ouvre le ballotin de chocolat et le tend vers Rose.

Cette dernière se rapproche, elle se penche pour prendre un chocolat.

Trois paires d’yeux plongent dans l’échancrure de sa blouse vers son opulente poitrine.

Elle ne reste pas longtemps et s’éloigne.

-Soyez sages ! 

- Ces seins !  commente Georges

- Ces nichons !  ajoute René

- Ce cul !  termine Pierre qui ne lâche pas la conversation.

-Il est hors de question que nous allions assister à ton malheur, reprend Pierre.

-C’est arrangé avec la directrice, le minibus de la maison de retraite est réservé pour vous pour la journée du samedi. 

-Vous auriez pu nous demander notre avis ! 

Un souvenir revient à Pierre :

- Mon père a été prisonnier en Allemagne. Lorsqu’il a revu sa femme, ta grand-mère, au bout d’une semaine, il a été à deux doigts de repartir là-bas, mais tout était fermé. Je parle du stalag. 

Le temps de la collation arrive. Rose pousse un chariot avec du café et des boissons fraîches.

- Ces jambes !  murmure Georges. Légèrement sourd le ton de ce dernier était un peu haut.

- De la tenue ! envoie Louis passablement énervé par la tournure des événements.

Rose passe à proximité de la table avec le chariot.

-Vous reprendrez bien un chocolat ? 

Pierre tend la boite. Trois paires d’yeux n’en perdent pas une miette une seconde fois.

Louis dévisage, en plissant les yeux, les trois pensionnaires.

La suite ne viendra pas. Trois paires d’yeux observent, en silence, les jambes et le postérieur de Rose qui s’éloigne.

Pierre vient à la question qui le taraudait depuis un moment :

- Nous sommes entre hommes, comment t’y prendras-tu le jour où elle deviendra infernale comme ta mère ? 

Guillaume écarquille les yeux. Trois regards attendent sa réponse. Louis toujours debout saisit une chaise posée contre le mur et s’assoit.

Louis s’emporte envers son père :

- Tu ne peux pas parler comme cela de Marthe, c’est la mère de mes fils. Elle est toujours présente auprès de nous pour prendre soin de sa famille ! 

- Tu n’as pas toujours dit cela ! Si elle est encore là, c’est que tu es faible de caractère ! 

- Que veux-tu insinuer ? 

- Regarde nous trois, nous sommes de vieux mariés et heureux de ne plus l’être ! 

- De toute manière, vous assisterez à la cérémonie à l’église qui se déroulera à 10h30 et à 11h45 à la mairie, c’est toujours plus court. 

Rose revenait pour inciter les visiteurs à prendre congé. L’heure du repas approchait.

Cette fois, c’est cinq paire d’yeux qui observaient le bas de son dos enveloppé dans sa blouse en coton blanc.

En regagnant leur véhicule sur le parking, Louis tente de relativiser la situation.

- Ils se calmeront d’ici samedi. 

Epilogue :

Le samedi matin arrive, Guillaume avait oublié cette journée avec les anciens.

Tout était minutieusement préparé et organisé par les deux familles.

A 8h30, Louis reçoit un appel téléphonique de la directrice de la maison de retraite. Georges est à l’agonie, il réclame le prêtre qui est déjà en chemin. Il est d’usage chez les catholiques que le prêtre donne les « derniers sacrements » à l’agonisant et futur défunt. Il en informe Guillaume :

- Ton grand-père viendra, s’il le faut on ira le chercher… 

Dans le couloir, Rose n’est pas loin de la chambre de Georges. Elle y est attachée comme à tous les pensionnaires.

Elle tend l’oreille et perçoit les murmures du curé et la voix plus forte de Georges.

L’abbé Simonsen, nouveau venu à Vic, ne connaît pas ses ouailles.

Georges demande à être confessé suivant l’usage et la coutume. Soudain, le curé laisse échapper perçu par Rose un :

- Nom de Dieu, vous n’avez pas fait cela ?  puis plus rien d’audible.

A 10h15 les familles sont dans l’église avec les futurs mariés. A 10h25, Mme Lafly, qui prépare l’église pour les cérémonies, vient informer que M. le curé est retenu par un paroissien à l’agonie à la maison de retraite et que celui-ci n’en finit pas de se confesser et qu’on ne sait pas quand M. le Curé sera disponible. A 11 heures, tous quittent l’église pour la mairie. Le curé n’est toujours pas revenu.

A 11 heures, en sortant de l’église, Louis reçoit un autre appel l’informant qu’une catastrophe est en train de se dérouler à l’étage de son père.

Une chambre inoccupée est le siège d’un violent incendie. Les pensionnaires sont tous évacués à l’extérieur dans la cour en attendant de mesurer l’étendue des dégâts.

Des renforts sont en route d’Auch pour soutenir les pompiers de Vic.

En arrivant à la mairie, un adjoint visiblement pressé les reçoit.

- M. Le Maire est à la maison de retraite, il attend le préfet. Il y a un incendie. C’est apparemment sérieux. Les résidents sont évacués .

- Et pour le mariage ? 

- On verra une autre fois, personne n’est disponible ! 

Texte et illustrations : François Macé

Pour lire la première nouvelle de la saga Le petit monde de Vic , Le curé aux chaussettes pourpres, c'est ici première partie  et ici deuxième partie

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