Pierre Foret, ornithologue établi à Bezolles depuis quelques année, a eu la surprise de découvrir, lors de ses promenades d’observation dans la campagne, un oiseau que l’on n’a jamais croisé dans notre région, le Rossignol du Japon - ou Leiothrix jaune de son nom scientifique- … qui n’a rien à voir avec notre Rossignol local.
Une colonie s'est installée sur la commune et sans aucun doute dans le Gers.
Une grande première pour le département en matière d'avifaune !
Habituellement élevé en captivité en Asie, ce passereau se serait volatilisé et semble se plaire sur ce village fortifié.
Il a souhaité faire partager sa jolie découverte à nos lecteurs.
Echanges avec un homme passionné :
Journal du Gers : Pierre Foret, pouvez-vous vous présenter rapidement à nos lecteurs ?
Pierre Foret :J’habite dans le Gers depuis une dizaine d’années. Je vivais avant en Nouvelle Calédonie où j’étais pépiniériste et je travaillais parallèlement sur les espèces endémiques de l’avifaune locale sur lesquels je faisais quelques articles, j’ai travaillé aussi en radio et je faisais partie de la société ornithologique là-bas.
Ici, je suis en contact avec la société ornithologique du Gers qui est basée à Auch . Nous faisons régulièrement des sorties, sauf cette année.
Je réalise souvent des comptages pour la société.
Journal du Gers : En quoi consistent ces opérations de comptage ?
Pierre Foret : Equipés de lunettes terrestres, longue-vue, jumelles, sur un parcours de 2, 3 kms maximum, on observe, on écoute, on essaie d’identifier au son, au chant tout ce qui vole autour de nous, on compte, on classifie et en période de nidification, on compte le nombre de nichoirs selon les espèces et on en informe la société.
On revient une fois par mois sur le même trajet.
Actuellement, c’est assez intéressant car, avec le réchauffement climatique, on découvre en hiver des espèces qui étaient des visiteurs d’été qui ont tendance à rester dans nos contrées comme l’Elanion blanc, un oiseau de proie dont l’aire de reproduction est plutôt en sub Sahara.
L’autre jour, j’ai même cru voir un coucou gris qui ne revient qu’en mars avril habituellement.
Journal du Gers : Vous avez donc récemment découvert dans la campagne environnante un oiseau que l’on ne rencontre jamais dans notre région ?
Pierre Foret : En effet, il s’agit du Leiothrix jaune ou Rossignol du Japon dont l’appellation commune est doublement erronée.
Il est en effet classé comme une espèce de fauvette mais son chant rappelle celui de notre Rossignol national, présent à partir d’avril-mai.
D’autre part, il n’est pas du tout japonais.
Son aire de répartition naturelle est plutôt les pentes de l’Himalaya d’Est en Ouest jusqu’au Cachemire et jusqu’au Sud de la Chine mais il a été introduit au Japon comme un oiseau de captivité avant de se libérer de ses volières.
Il a été ensuite réintroduit en France toujours comme un oiseau de captivité par des éleveurs alors que c’est un oiseau sauvage à la base. On l’a découvert le long du Gave de Pau dans les Pyrénées Atlantiques en 2009-2010, il a pris congé de ses éleveurs au cours d’une tempête, il y en a un certain nombre donc dans le Béarn mais aussi dans l’Est des Landes.
Il n’est pas classé comme une espèce en danger mais il est tout de même répertorié à la Convention de Washington, ce qui impose une réglementation au niveau de son commerce.
Journal du Gers : Comment l’avez-vous découvert ?
C’est un oiseau qui est très difficile à observer car il se dissimule au coeur des haies, des feuillues où il cherche sa nourriture - il est granivore et insectivore – et il surgit tout d’un coup comme s’il sortait d’un chapeau !
Je l’ai découvert lors de mes balades habituelles là où j’observe plutôt des Bruants – un oiseau strié et moucheté de la taille d’un moineau qui niche dans les fourrés.
Je l’ai repéré d’abord à l’oreille parce ce que le son ne m’était pas familier, son chant ressemble à celui de notre Rossignol philomèle, beaucoup de mélodie, beaucoup de sons variés et surtout un chant très puissant.
Le mâle est spectaculaire car il a un bec rouge, une couleur exotique à laquelle nous ne sommes pas habitués en Europe, une fin de cou un peu jaune tournesol, la poitrine orangée, la tête un peu vert olive, les ailes avec des raies oranges, noires et jaunes, une queue un peu fourchue.
Les rossignols se déplacent en groupe de 5 ou 6, ils sont en mouvement sans arrêt.
Journal du Gers : A quel moment les avez-vous découverts ?
Pierre Foret : A la fin de l’automne. J’ai cru au départ qu’ils étaient de passage parce que j’avais entendu parler de leur présence à Pau même dans le milieu urbain.
Mais ce n’est pas le cas puisqu’ils sont toujours là. Ils sont environ une quinzaine.
C’est la première fois qu’on les observe dans le Gers.
Journal du Gers : Comment expliquez-vous leur présence chez nous ?
Pierre Foret : Les Pyrénées atlantiques, le Béarn, les Landes, ne sont pas loin.
Ce n’est pas un vol direct de Chine ! Quoique...Il y a eu des exemples d’oiseaux, de reptiles, d’insectes qui sont rentrés dans des containers sur des bateaux !
Je pense que ce sont des oiseaux qui ont saisi l’opportunité de se libérer de captivité lors de tempêtes qui ont endommagé des volières d’éleveurs.
Ils sont présents depuis fin octobre. Je les trouve assez souvent dans les fourrés autour du village.
Heureusement, il y a encore des haies dans ce pays !
Journal du Gers : A ce propos, nous avions consacré il y a quelques temps un article à l’ouvrage d’André Dumont Plaidoyer pour une haie ( https://lejournaldugers.fr/article/45550-plaidoyer-pour-une-haie )
Quelles conséquences a la destruction des haies sur l’avifaune ?
Pierre Foret : Des conséquences négatives pour l’espèce car les oiseaux étant territoriaux, ils reviennent systématiquement au même endroit après les périodes migratoires.
Je pense à la Pie - grièche écorcheur qui vient chaque année fin mars mi-avril sur la même haie. Si elle ne retrouve pas sa haie, elle est perdue.
Elle est d’ailleurs en danger.
Des actions de sensibilisation à ce sujet auprès des agriculteurs sont menées par la société ornithologique.
Journal du Gers : Pour en revenir au Rossignol du Japon, pensez-vous qu’il se soit établi à Bezolles ?
Pierre Foret : Il faudra me recontacter en mars avril, en période de nidification.
Pour l’instant, il semble se plaire sur « les hauteurs » de Bezolles.
S’il restait, nous aurions deux rossignols, l’un exotique, l’autre local !
Le Rossignol du Japon vit en bonne cohabitation avec les espèces locales : ici, une Sittelle torchepot entourée de deux Rossignols
Journal du Gers : Le prendre en photo n’a pas dû être facile ?
Pierre Foret : Non, c’est très difficile car il bouge tout le temps.
Je suis le groupe sur plusieurs mètres au son de leur chant et il faut saisir le moment où l’un d’entre eux sort de la haie.
Journal du Gers : D’où vous vient cette passion pour les oiseaux ?
Pierre Foret : Cela m’a pris en Nouvelle Calédonie où les espèces endémiques sont nombreuses pour un petit territoire.
Je m’intéresse plus largement à l’écologie, à l’environnement dont les oiseaux font partie.
Rendez-vous au printemps : Bezolles va devenir peut-être la capitale du rossignol du Japon !
Et merci à Pierre Foret de nous faire partager cette première !
Photos : Pierre Foret