La grange cistercienne : un modèle économique original

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Nous avions appris par le Journal du Gers, sous le titre ‘’ Sur la piste des granges cisterciennes ‘’ la randonnée à la recherche du passé effectuée par les Amis de la Chapelle Saint Jaymes, sous la houlette de leur président Dominique Ridoux, responsable du secteur de Mirande de la Société Archéologique et Historique du Gers.

La raison de leur quête : les granges cisterciennes.

Le Club des Motivés ne peut que se réjouir de cette initiative qui trouve une certaine résonance dans le projet de nos bénévoles valenciens. En effet, dans le diaporama en préparation sur l’ordre cistercien, la création de granges, une structure très originale au Moyen-Âge, est d’une grande actualité.

Alors que les domaines seigneuriaux sont constitués en général d’une vaste réserve aux terres riches, dépendant directement du maître, cultivée par des salariés ou un système de corvée, et puis de multiples tenures détenues par les paysans qui exploitent les terres et versent des redevances diverses en contrepartie au seigneur, les Cisterciens développent un autre modèle économique : de grandes exploitations en faire-valoir direct. Ce sont les granges, unités domaniales de production.

Chacune est placée sous la responsabilité d’un frère de l’abbaye, appelé grangier, qui assure toute la gestion du domaine aussi bien des terres que des hommes. Les relations sont étroites avec l’abbaye pour l’organisation globale du travail et de la production sous la responsabilité d’un cellerier. Des frères convers assurent l’intégralité du travail et résident sur place. Les bras valides ne manquent pas dans cette communauté d’hommes adultes.

Les granges comportent bâtiments d’habitation et d’exploitation, terres arables, vignes, prés, eaux et bois, un ensemble complet voué au travail. Souvent elles pratiquent une polyculture vivrière correspondant bien à la nécessité de subvenir aux besoins de la communauté religieuse. Certaines ont une vocation agricole plus personnalisée comme la vigne, l’élevage, etc.

Le nombre de granges est très variable. Il est en étroite relation avec la richesse foncière de l’abbaye, ses capacités organisatrices, son rayonnement, sa notoriété. La plupart des établissements en ont quelques-unes, mais les plus importantes en ont jusqu’à quelques dizaines, largement réparties dans leur espace économique.

C’est le cas de l’abbaye de Flaran qui fut l’objet des libéralités des seigneurs du voisinage, en particulier de Forton del Thil, qui résidait à Saint Puy et qui finit par endosser l’habit de moine. Cela se passait en 1180. Ces granges se répartissent sur un vaste domaine. Des noms évocateurs, tel La Grange, ne peuvent que renvoyer à cette période qui vit une dizaine de moines cisterciens s’installer au confluent de la Baïse et de l’Auloue.

Jean Penent, ancien conservateur de Flaran, [1]  a réalisé un travail remarquable sur ces exploitations originales. L’exposition comprend plusieurs panneaux traitant des origines de l’abbaye, les abbayes gasconnes, l’implantation de Flaran, la bastide de Valence-sur-Baïse et les Granges de Flaran : le Hilhet, Seiches, La Serre, Gaudun, Le Mian où fut découverte la remarquable mosaïque à décor de pampres visible dans le parc de Flaran. Quel bonheur de pouvoir en disposer dans les salles d’exposition de la bastide en appui du diorama, et sachant que l’acte de paréage qui authentifie l’appartenance de notre village à ces centres de peuplement, y figure.

Le club des Motivés avec le concours de la municipalité va s’y employer. Mais si certains lecteurs investis dans le domaine du patrimoine en sont détenteurs, je ne pense pas que Jean Penent soit hostile à ce que son remarquable travail revienne dans un site, la bastide, qui ne demande qu’à participer aux côtés du Conseil Départemental et dans le droit fil des objectifs de l’association ARCCIS [2] au rayonnement de la culture cistercienne.

Claude Laffargue nous transmet ce texte avec l'aimable autorisation de Mireille Mousnier [3]

Bibliographie : "Vivre au Moyen Âge dans une abbaye cistercienne : l'abbaye de Flaran" par Marielle Agostini, professeur chargée de mission auprès de la Conservation départementale du Patrimoine et des Musées du Gers-Flaran

[1] Historien et historien d’art de formation, titulaire d’un doctorat d’histoire de l’art, Jean Penent,conservateur en chef des musées Paul-Dupuy et Georges-Labit, à Toulouse, entre 1990 & 2012. Sa carrière, commencée en 1981 à l’abbaye de Flaran (Gers), s’est poursuivie de 1984 à 1989 au musée des Augustins de Toulouse (conservateur chargé des peintures et des sculptures des Temps Modernes). Investi dans plusieurs associations, il a assuré bénévolement pendant vingt ans la conservation du musée du Vieux-Toulouse.
Il est l’auteur de nombreux articles et catalogues d’exposition. Il a assuré le commissariat de plus de quarante expositions (Centre culturel de l’abbaye de Flaran, Bibliothèque municipale de Toulouse, musée d’Auch, musée des Augustins, musée Paul-Dupuy, musée Georges-Labit, musée de Chongqing (Chine).

 [2] L'association ARCCIS (Association pour le Rayonnement de la Culture CIStercienne), créée le 15 janvier 1996, regroupe les différentes composantes de la famille cistercienne : l’Ordre cistercien (O.Cist), l’Ordre cistercien de la Stricte Observance (OCSO) dont les membres sont communément appelés Trappistes, l'Ordre des Bernardines d’Esquermes, les Bernardines de Collombey en Suisse et les cisterciennes de la Merci-Dieu en France, ainsi que les laïcs cisterciens.

[3] Mireille Mousnier a été professeur d'histoire médiévale à l'Université de Toulouse-le-Mirail

Un modèle d'organisation d'une grange cistercienne : la grange de Beauvais dans l'Yonne.

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