Merci à François Naud, de Marsac (82), pour ce témoignage si précis et tellement d’actualité.
Bien oubliée, car surpassée dans la mémoire collective de l’Europe par les pertes en vies humaines éprouvées lors des combats de 1914-1918, la guerre de 1870 a également touché Marsac. Le conflit qui opposa, du 19 juillet 1870 au 28 janvier 1871, l’Empire français à une coalition allemande dirigée par la Prusse, fit 139.000 morts dans les rangs français et 51.000 chez les Allemands. Mais on retiendra surtout qu’une virulente épidémie de variole a ravagé les deux armées.
De leur côté, les Prussiens qui connaissaient l'efficacité du rappel antivariolique, ont eu moins de pertes. En effet, sur 8.500 soldats contaminés, 450 en sont morts (5 %), alors que le service de santé militaire français qui ignorait, à l’époque, la nécessité du rappel du vaccin, a décompté 125.000 contaminations et 23.500 décès (19 %).
Cette épidémie de variole eut de tragiques prolongements dans la Lomagne et, en particulier, jusqu’à Marsac où avait été installée une ambulance pour accueillir les malades rapatriés des zones de combat.
Pour évaluer l’incidence de l’épidémie de variole sur la population, il convient de relever les décès survenus sur une période d’une dizaine d’années avant et d’une dizaine d’années après la déclaration de guerre de l’été 1870. Les registres de l’état civil dénombrent cent quatre-vingt-six morts entre 1860 et 1880 sur l’ensemble du territoire communal. Si l’on ne compte que cinq décès d’adultes en 1870, ce constat monte à dix pour l’année 1871 et retombe à six pour celle de 1872. Cela peut paraître modeste, cependant en y regardant de plus près, force est de constater que deux personnes logeant au château où se trouvent hébergés les lits de l’ambulance, figurent parmi les morts. Il s’agit d’un fantassin de 22 ans relevant du 82e régiment d’infanterie de ligne, décédé le 15 décembre 1870, et du président de la commission municipale de Marsac, décédé, à l’âge de 33 ans, le 27 décembre 1870. Au cours de l’année qui suit, la contagion touche l’ensemble du village. Sur les onze décès enregistrés en 1871 dans la commune, dix résident au bourg. Relevons en quelques-uns. Un brigadier du 1er régiment de lanciers est décédé à l’âge de 20 ans, le 29 mars, il passait sa convalescence chez ses parents. Pierre Labat, le curé de la paroisse, portait les sacrements aux agonisants, puis venait déclarer leur décès en mairie. Une adolescente de 15 ans est morte le 16 août. Le maire de Marsac, Louis Adolphe d’Aurelles de Paladines, est fauché à l’âge de trente ans, le 21 novembre. Un nourrisson de six mois, fille du cocher de ce dernier, ne survit pas à l’épidémie. Elle décède dans la nuit du 3 au 4 décembre. Ainsi, l’année 1871 fut particulièrement tragique pour les habitants du village de Marsac et l’intervention du médecin se révéla vaine pour les dix personnes n’ayant pas survécu à l’épidémie. Sur les cent neuf habitants recensés dans le bourg (plus de 500 sur la commune), la mortalité représente près de 10 % des villageois, mais il est certain que beaucoup furent, à un moment ou à un autre, touché par la variole et que de nombreuses personnes en gardèrent les séquelles notamment au visage.
Rendue obligatoire par la loi du 15 février 1902 sur la protection de la santé publique, la vaccination antivariolique ne concernait, au XIXe siècle, qu’une infime partie de la population. Malgré les campagnes menées par le Comité national de la vaccine, certaines collectivités territoriales, départements et communes, n’encourageaient guère les docteurs en médecine ou les officiers de santé à pratiquer des injections dont l'emploi n’était guère apprécié par la majorité des familles. La détermination d’un corps médical sensibilisé à ces questions, réussit, cependant, à convaincre beaucoup de gens et c’est ainsi qu’à Marsac, le 22 octobre 1871, le conseil municipal attribue une somme de vingt-cinq francs « au sieur Dupau, médecin en résidence à Lachapelle, pour des visites faites aux malades indigents.» Fils d’un officier de santé exerçant à Gramont, Jean Marie Pierre Dupau (1814-1887) est lui-même officier de santé marié à Marie Maguelonne à Lachapelle. C’est donc lui qui est appelé à soigner les habitants de la commune. Le docteur en médecine exerçant à Lavit, Eugène Maupas (1803-1891), paraît beaucoup trop éloigné géographiquement de Marsac et les voies de communication desservant les villages du canton ne sont pas toujours en très bon état pour s’y déplacer de jour comme de nuit par tous les temps.
L’épidémie qui avait touché de nombreuses personnes au cours des années 1871-1872, fut jugulée par la vaccination antivariolique pratiquée de manière systématique. Il restait cependant, pour les édiles municipales, à régler les problèmes récurrents liés à l’état déplorable des conditions d’hygiène vécues au quotidien dans les trente-cinq maisons habitées du village.
La variole est un poxvirus. Les coronavirus, eux, comportent plusieurs variétés (5000) dont ceux qui engendrent le rhume des foins, mais aussi la grippe saisonnière. Pour l’instant, il n’existe pas de vaccin contre le COVID-19. Rien que le mot vaccin est édifiant, il vient de "vache" principale porteuse de la variole et appelée vaccine. Quand il y aura un vaccin contre le Covid, il y en aura d’autres qui lutteront contre, comme toujours.
Pourtant, c'est grâce à la vaccination massive que la variole a pu être éradiquée et l'OMS créée. Soyons solidaires dans l’intérêt de tous. Prenez soin de vous, mais surtout prenez soin des autres !