Quand le battage était l'occasion de se retrouver et de s'amuser...

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Pour comprendre les petites histoires qui suivent, il faut revenir un peu sur la façon dont se ramassait le blé autrefois.

Le blé ne se ramassait pas à la moissonneuse-batteuse. Le blé était coupé, mis en gerbe par une moissonneuse-lieuse. On faisait des tas qui faisaient des petits châteaux dans les champs.

Puis on ramassait les gerbes et on les portait dans un hangar.

Si on n’avait pas de hangar, on plantait dans le sol derrière la maison un grand piquet très haut, tout autour, on allait faire ce qu’on appelle la gerbière, c’est-à-dire qu’on plaçait les gerbes de manière à ce que le grain ne se mouille pas en cas de pluie. C’était tout un art de faire cela. Dans la commune, il y avait quatre ou cinq personnes spécialisées là-dedans et qui étaient mobilisées chez les propriétaires.

Fin juillet, commençaient les battages. Il y avait dans un secteur trois ou quatre personnes qui avaient du matériel, c’est-à-dire un tracteur ou une routière, un batteur et une presse.

Ces personnes allaient, de maison en maison, dépiquer le blé. Ce travail rassemblait les voisins car il fallait être au moins une vingtaine.

Ce rassemblement intergénérationnel était l’occasion de faire quelques blagues.

En voici quelques-unes :

La cheminée.

Les repas des battages se préparaient dans la grande cuisine au feu de bois : la cuisson du bouillon dans la grosse marmite, la cuisson des oies de Guinée - considérées aujourd’hui comme un mets de choix alors qu’à l’époque, c’était très courant.

Toutes les cuisinières étaient rassemblées dans la pièce centrale où se trouvait la cheminée.

Dans la cheminée, il y avait bien entendu un grand feu.

Dans les maisons gasconnes, le toit de l’ouest est très en pente pour se protéger dou ben de ma, le vent d’ouest. On pouvait donc y monter facilement.

Les jeunes préparaient un sac de paille qu’ils mouillaient, puis ils montaient sur le toit et ils bouchaient la cheminée.

La fumée se répandait dans la cuisine, mais comme dans la campagne, la cheminée fumait toujours, les cuisinières disaient : «  Ah, la diable de cheminée qui fume encore ! »

Mais au  bout d’un moment, ce n’était plus de la fumée, c’était un brouillard épais qui envahissait la cuisine.

Le propriétaire de la maison allait alors invectiver les jeunes et leur demandait d’enlever aussitôt le bouchon.

Gustave :

Lors des battages, les personnes se plaçaient à leur poste de travail, en général, toujours le même : porter des sacs, des bottes, faire passer les gerbes.

Il y avait, sur la gerbi​​​ère, un personnage qui s’appelait Gustave, c’était un bon gros fainéant qui montait sur la gerbière, ce qui lui permettait de passer la matinée ou l’après-midi tranquille sans trop remuer de gerbes. Le plus souvent, il était appuyé sur le manche de sa fourche.

Un jour, lors de la pause boisson - les gens se mettaient autour de la table pour boire du vin blanc qui était conservé au frais dans le puits -  des farceurs avaient amené une scie et lui scièrent la fourche au ras de la douille. Quand il revint – après une pause prolongée - , son premier travail fut de prendre appui sur la fourche… et il piqua du nez dans la paille.

Furieux, il alla voir le propriétaire et lui dit qu’il ne reviendrait plus jamais aider dans cette maison. Il reprit son chemin le manche dans une main, la fourche dans l’autre.

Les sacs :

Celui qui avait le matériel se faisait payer au sac. Le blé était mis soit dans des sacs de jute de 80 kg qu’on portait sur une charrette pour les amener aux silos vicois, soit dans des sacs moins lourds qu’on montait au grenier. Le propriétaire désignait une personne pour compter les sacs ; celui-ci mettait un trait de crayon sur un papier pour chaque sac.

Le propriétaire du matériel savait qu’on essayait parfois de faire sauter des sacs. Alors, il s’asseyait dans un coin sous un arbre près de l’endroit où coulait le blé et où se remplissaient les sacs. Il avait une poignée de cailloux et, à chaque sac, il posait un caillou. Il s’apercevait souvent que le nombre de traits sur le papier ne correspondait pas au nombre de cailloux.

Il  disait alors au préposé aux traits : «Ton crayon est mal taillé ou quoi ? »

Le coupable rectifiait alors son compte.

Le crapaud : 

Les repas des battages rassemblaient un grand nombre de convives.

On installait vingt ou trente assiettes, une creuse pour la soupe et une plate pour la suite.

Les gosses trouvaient des crapauds autour de la maison et plaçaient dans l’assiette plate des convives qui n’avaient pas bon caractère, un  crapaud qu’ils recouvraient de l’assiette creuse.

Lorsque le convive levait l’assiette creuse, il se retrouvait face à un crapaud.

Crapaud et assiette partaient alors dans les airs !

Le brulôt de Jean-Louis.

Jean-Louis était un petit paysan et il y avait chez lui une demi-journée de battage. Il était très avare et économisait pour les repas, pour les boissons…

Un jour où il avait un peu plu, les voisins décident d’arriver tout de même chez Jean-Louis à l’heure du déjeuner. « Il n’a pas plu chez vous ? » leur demanda Jean-Louis.

Il fut tout de même obligé de sortir le jambon, le saucisson.

La tradition voulait qu’on mette sur la table à la fin du repas le pichet de deux litres d’armagnac.

Chez lui, c’était de tout petits flacons d’eau de vie. On pouvait tout juste mouiller son sucre.

Un jour, les convives rassemblent toutes les petites bouteilles et ils versent dans une soupière tout l’armagnac qu’ils chauffent ; ils font un brulôt dans la soupière

Jean-Louis n’apprécia pas mais, l’année d’après, il mit sur la table des litres d’armagnac : le message était bien passé.

La charrue cachée : 

On entassait les bottes de paille dans une grange. Généralement, traînait là la charrue qui allait servir à faire les sillons dans le jardin.

On s’amusait à cacher la charrue au milieu des bottes.

Il fallait au propriétaire défaire le tas de bottes pour retrouver sa charrue.

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